Etre jeune en Guinée : la loterie à défaut de mieux


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La jeunesse guinéenne est minée par le chômage. A défaut de travail, nombreux sont ceux qui n’ont d’autres choix que de tenter l’aventure des jeux de hasard.

Le chômage prend des proportions inquiétantes à Conakry. De jeunes diplômés sans emploi ont pour principale occupation les jeux de hasard. Il suffit de faire un tour dans la banlieue de Conakry, pour constater combien ce phénomène a pris de l’ampleur. A chaque coin de rue, des guichets de loterie qui ne désemplissent pas. Tôt le matin, ces lieux sont pris d’assaut par des dizaines de jeunes à la recherche du gain facile. Cela est dû, disent-ils, au manque d’emplois. Au grand marché de Conakry, Madina, nous croisons un attroupement de jeunes devant un guichet de loterie. Parmi eux, Amadou Barry, diplômé en sociologie des relations internationales de l’Université de Kankan (à 800 km de la capitale), achète des tickets. Il nous explique qu’à défaut de mieux, il est obligé de tenter sa chance à la loterie pour subvenir à ses besoins : « Depuis que j’ai fini mes études, je n’ai pas trouvé de travail, ce qui me pousse à jouer à la loterie même si c’est interdit par ma religion (il est musulman). Il m’arrive de gagner de temps à autres de petites sommes. Mais c’est contre ma volonté que je le fais, car je n’ai d’autres perspectives que le chômage».

Mais ces jeunes font-ils de réels efforts pour trouver un emploi ? Tous répondent par l’affirmative, mais qu’on ne peut pas avoir du travail en Guinée sans « piston ». Amadou Barry est du même avis : « J’ai déposé des dossiers de candidature un peu partout, mais à Conakry sans piston tu ne peux pas trouver d’emploi, même si tu es très qualifié. J’ai beaucoup d’anciens collègues de ma promotion à l’université qui sont toujours chômeurs. Et de ma promotion, je ne connais qu’une seule personne qui a pu trouver du travail dans une société privée ».

Des millions pour intégrer la fonction publique

Ces propos d’Amadou Barry ne sont pas isolés. Nous avons, en effet, rencontré un agent, Badara Ali Fofana, de la direction nationale de l’emploi et de la réglementation du travail au ministère de la fonction publique, qui nous a expliqué que le chômage massif des jeunes s’explique par le fait que l’Etat ne crée pas les conditions idoines pour l’insertion des jeunes. De plus, les aînés refusent de céder la place, alors que nombre d’entre eux ont dépassé l’âge de la retraite : « ils changent chaque fois des documents à l’approche de l’âge de la retraite, pour se maintenir à leur place, ce qui fait qu’il n’y a pas de chance pour les jeunes de prendre le relais ».

C’est donc la même génération qui travaille depuis des années. M. Fofana ajoute par ailleurs qu’« il faut payer des millions en dessous de table pour intégrer la fonction publique, alors que cela devrait normalement se faire par voie de concours». Selon nos sources, il faut payer entre 3 à 5 millions de francs guinéens (environ de 500 à 1000 euros) pour avoir un poste. « Malheureusement, il n’y a eu qu’un seul concours depuis 1984 », nous dit notre interlocuteur, avant d’ajouter que depuis lors les gens ont toujours été recrutés sur recommandation.

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