
De son village du Mpumalanga aux plus prestigieuses institutions artistiques mondiales, Esther Mahlangu a révolutionné la perception de l’art africain contemporain. À 89 ans, cette peintre sud-africaine continue de fasciner par sa capacité unique à faire dialoguer traditions ndebele millénaires et innovations technologiques, des BMW Art Cars aux expositions dans les plus grands musées internationaux.
À 89 ans, Esther Mahlangu continue d’illuminer la scène artistique internationale. Révélée en 1989 au Centre Pompidou, cette peintre sud-africaine née le 11 novembre 1935 près de Middelburg (Mpumalanga) a su transformer l’esthétique géométrique traditionnelle des maisons ndebele en un langage plastique universellement reconnu, aujourd’hui convoité par les plus grands musées et les marques de luxe.

Initiée dès l’âge de dix ans par sa mère et sa grand-mère aux techniques de décoration murale ndebele — tradition exclusivement féminine —, Mahlangu transpose dans les années 90 ces motifs séculaires sur toile, métal et carrosserie. Ses compositions caractéristiques — chevrons, losanges et lignes blanches structurantes — éclatent en aplats de couleurs primaires, appliqués au pinceau traditionnel fabriqué à partir de plumes de poulet.

En 1991 : BMW lui confie la réalisation de la 12ᵉ Art Car de la célèbre série, première œuvre conçue par une femme et par un artiste non occidental. Cette berline 525i transformée en vaisseau coloré, navigue entre tradition millénaire et futurisme automobile. Cette création propulse Mahlangu sur la scène des biennales et foires internationales.
Transmission et innovation technologique
De retour dans son village natal, l’artiste fonde une école autogérée dédiée à la transmission des techniques ndebele aux jeunes générations. Ce studio, véritable lieu d’émancipation culturelle, s’est aujourd’hui ouvert au public et a pris une dimension supplémentaire avec l’inauguration en 2024 d’un nouvel espace muséal attenant à sa maison-atelier.
Après avoir décoré une BMW Série 7 en 2016 et créé un habitacle sur-mesure pour Rolls-Royce en 2020, Mahlangu a récemment bouleversé le monde automobile avec la BMW i5 Flow NOSTOKANA. Cette création révolutionnaire intègre 1 349 segments d’encre électronique (E-Ink) qui changent de couleur en temps réel, animant des motifs ndebele dans un ballet technologique fascinant. Présenté à Frieze Los Angeles en février 2024, ce prototype incarne la rencontre entre art autochtone et innovation de pointe.

En reconnaissance d’un demi-siècle de création exceptionnelle, Esther Mahlangu a reçu fin 2024 le tout premier Lifetime Achievement Award des South African Creative Arts Awards.
Le 21 janvier 2025, Thames & Hudson publie « Esther Mahlangu: To Paint Is In My Heart », dialogue croisé entre l’artiste, Hans Ulrich Obrist et Azu Nwagbogu. Cette monographie de référence, enrichie de près de cent reproductions et d’entretiens inédits, replace définitivement son œuvre dans l’histoire globale de l’art contemporain.
Une modernité africaine réinventée
Mahlangu redéfinit la notion même de modernité africaine. Ses lignes droites font écho aux circuits imprimés, ses couleurs plates aux interfaces numériques. Ainsi, son travail démontre qu’une esthétique née dans les plaines du Mpumalanga peut inspirer aussi bien la voiture du futur que les allées d’Art Basel.
À l’approche de ses 90 ans, Esther Mahlangu, toujours armée de son pinceau-plume traditionnel, sème ses motifs kaléidoscopiques à travers le monde, rappelant que la couleur — comme la culture — est faite pour circuler et se réinventer sans cesse.