Erythrée – Soudan : des réfugiés oubliés


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L’est du Soudan accueille plus de 66 000 réfugiés érythréens enregistrés, dont les premiers sont arrivés en 1968, au cours des premières années de la guerre d’indépendance contre l’Ethiopie. Aujourd’hui, la politique érythréenne de conscription militaire illimitée, ainsi que la sécheresse et le manque d’opportunités économiques, poussent chaque mois quelque 1 800 personnes à franchir la frontière vers le Soudan, d’après le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR).

« Les réfugiés sont là depuis 30-40 ans, ce qui correspond à deux ou trois générations, et cela est assez exceptionnel », a dit Peter de Clercq, représentant de l’UNHCR au Soudan.

« Ce sont, à notre connaissance, les réfugiés dont la situation dure depuis le plus longtemps en Afrique. Cela est en grande partie dû à la situation politique en Erythrée », a-t-il dit.

Projetant leur grande évasion vers l’Europe ou Israël, les demandeurs d’asile rêvaient d’une vie meilleure au Soudan. Mais au lieu de cela, des milliers d’entre eux n’y ont trouvé que la dure réalité des conditions de vie pénibles des camps, où ils souffrent du manque de sécurité alimentaire et de soins de santé adaptés, et partagent des ressources rares avec les Soudanais.

A l’arrivée au centre de réception du camp de Shagarab dans l’Etat de Kassala, près de la frontière érythréenne, ils n’ont pas immédiatement accès à un abri approprié. Ce n’est qu’une fois que leur statut de réfugié est confirmé, ce qui peut prendre quatre à six semaines, qu’ils peuvent s’installer dans des tentes ou des huttes, qu’ils doivent souvent construire eux-mêmes.

« La vie ici est difficile. Quand on en entendait parler, de loin, cela avait l’air confortable, mais quand on vient ici, on dirait un camp de service national [érythréen], car on ne peut pas avoir d’argent », a dit un réfugié érythréen de 22 ans.

Shagarab, qui, parmi les trois principaux camps de l’est du Soudan, est celui où les conditions sont les plus mauvaises, accueille plus de 21 000 réfugiés, principalement des Erythréens, ainsi que des Ethiopiens et des Somaliens. Les 1 800 arrivées mensuelles incluent aussi de jeunes hommes qui fuient la conscription obligatoire dans l’armée érythréenne.

« J’ai travaillé dans l’armée pendant plus de 10 ans. Je suis parti parce que ma famille est très pauvre. Pas assez d’argent pour vivre en Erythrée. C’est très dur », a dit un autre réfugié de 34 ans. « Mes trois frères et moi, nous étions tous dans l’armée, donc personne ne pouvait nourrir notre famille », a-t-il ajouté.

Le Programme alimentaire mondial approvisionne les camps en aide alimentaire, mais les réfugiés disent que cela ne suffit pas. Les possibilités d’éducation des enfants ne sont pas non plus appropriées. Sur les 15 000 enfants vivant dans les 12 camps de l’est, 6 000 n’ont pas la chance de recevoir une éducation au niveau du primaire car les écoles n’ont pas la capacité de les accueillir, a dit, plus tard, à Khartoum, George Okoth-Obbo, Directeur du Bureau pour l’Afrique à l’UNHCR.

Statut révoqué

En 2002, les personnes ayant fui la guerre d’indépendance ou le conflit entre l’Ethiopie et l’Erythrée qui s’est ensuivi ont vu leur statut de réfugié révoqué, le motif de cette décision étant que les circonstances ayant conduit à leur exode n’étaient plus d’actualité.

Bien que des milliers de réfugiés soient retournés en Erythrée, certains ont refusé de rentrer.

Une jeune femme de 24 ans, mère de trois enfants, qui est née et a grandi dans le camp de Wad Sharifey, à proximité de la frontière érythréenne, a dit à IRIN : « Je ne veux pas rentrer en Erythrée. Les raisons qui nous ont poussés à partir n’ont pas disparu ».

La plupart des réfugiés restent dans les camps. Cependant, un grand nombre d’entre eux risquent leur vie pour tenter d’atteindre l’Europe ou Israël. « Nous pouvons confirmer le fait qu’effectivement, beaucoup de gens n’y parviennent pas – en effet, certains meurent dans le désert, cela ne fait aucun doute, et on retrouve de nombreux cadavres sur le rivage », a dit M. de Clercq, à Khartoum.

Certains réfugiés partent s’installer dans des villes soudanaises pour y rechercher du travail. D’après le gouvernement, environ 40 000 réfugiés vivent dans des centres urbains, partageant les services et les opportunités d’emploi avec les Soudanais. Bien que, selon l’UNHCR, le gouvernement n’ait rejeté aucune demande d’asile d’Erythréens, il essaie tout de même de réduire l’attraction qu’exercent les camps sur les réfugiés potentiels.

Les réfugiés ont le droit de travailler au Soudan, mais la politique du gouvernement est de les garder dans les camps, a dit Abdallah Soliman Mohamed, commissaire adjoint pour les réfugiés. En l’absence d’amélioration des possibilités d’éducation pour les enfants réfugiés, et après plus de 40 ans de soutien financier des camps par les donateurs, l’UNHCR dit rechercher d’autres moyens qui permettraient aux réfugiés d’être autonomes.

« La première solution durable pour les réfugiés est le retour dans leur pays. Nous examinerons toujours cette possibilité. Mais il ne semble pas que, dans un avenir proche, il y ait des opportunités majeures de retour [en Erythrée] », a dit M. de Clercq. « La deuxième meilleure solution est donc l’intégration locale des réfugiés dans l’est du Soudan, et cela dépend beaucoup du soutien que nous obtiendrons du gouvernement ».

Projets pour les réfugiés

D’après M. de Clercq, l’agence onusienne étudie, en collaboration avec le gouvernement soudanais, les projets possibles qui permettraient aux réfugiés d’accéder à l’autonomie. Un des projets en discussion consisterait à louer des terres irriguées à des réfugiés, de façon à ce qu’ils puissent subvenir à leurs propres besoins alimentaires et vendre l’excédent de leur production.

L’agence des Nations Unies a dit qu’après avoir élaboré un programme global avec le gouvernement soudanais, elle présenterait aux donateurs internationaux, en 2010, les activités proposées qui nécessiteraient des fonds supplémentaires. L’UNHCR a dépensé 16 millions de dollars pour les camps cette année.

En l’absence de perspective d’issue à court terme, l’UNHCR a dit que le problème des réfugiés pourrait s’aggraver, car les agences prévoient une augmentation de l’afflux de réfugiés érythréens et éthiopiens au Soudan au cours des mois à venir, en raison d’une sécheresse et de pénuries alimentaires.

« Il y a des signes très clairs, à la fois en Ethiopie, en Erythrée et dans l’est du Soudan, qui indiquent que la saison va être très mauvaise. C’est la saison à venir les mois prochains qui sera vraiment cruciale pour déterminer si cette prévision se réalisera », a dit M. de Clerq.

Si ces régions sont effectivement frappées par la sécheresse, le nombre d’Ethiopiens et d’Erythréens gagnant le Soudan au cours des prochains mois pourrait atteindre des « dizaines de milliers de personnes », a-t-il dit.

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