En quête d’identité


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Jack Gaines est afro-américain. A la recherche de ses racines depuis plus de 50 ans. Il est aujourd’hui responsable aux Etats-Unis du programme Développement et Réconciliation. Une initiative du président béninois Mathieu Kérékou pour réconcilier l’Afrique et les Afro-américains.

Représentant du programme béninois « Réconciliation et développement » aux Etats-Unis, Jack Gaines est en quête d’indentité. Cet Afro-américain de 50 ans, pasteur missionnaire de l’église évangélique baptiste de Calvary, est à la recherche de racines dont il ne veut pas qu’on le prive. Présent au premier Festival international Gospel et Racines à Cotonou (27 au 03 novembre 2002), il explique la nécessité pour les Africains d’Afrique et ceux de la diaspora de marcher main dans la main. Une condition siné qua non de développement du continent qui oblige, de part et d’autre, à dépasser les préjugés.

Afrik : Quels sont les objectifs du programme Développement et Réconciliation ?

Jack Gaines : On ne nous a pas raconté toute la vérité sur l’esclavage. L’Afrique a été impliquée – et non pas seulement victime – dans le commerce d’esclaves. Certains groupes effectuaient des razzias dans les villages pour vendre des esclaves aux Européens. C’est une réalité qui est à la source de haines historiques entre les différentes communautés ici en Afrique. D’autre part, les Afro-américains et la diaspora africaine ne connaissent pas leur histoire, leur racines, leur héritage culturel. Avec le programme Développement et Réconciliation, nous pouvons aider l’Afrique dans ses problèmes tribaux et l’Afrique peut nous aider à retrouver une identité.

Afrik : Vous semblez très impliqué dans cette quête identitaire. Depuis quand date votre engagement ?

Jack Gaines : J’avais huit ans. Je me souviens m’être posé la question :  » D’où viens-je, qui suis-je ? « . J’avais de vagues notions sur l’esclavage et je me demandais, tout ingénu, pourquoi nous avions dû venir aux Etats-Unis en temps que marchandise. Je n’ai toujours pas trouvé la réponse.

Afrik : Existe-t-il aux Etats-Unis un mouvement afro autour du retour aux sources ?

Jack Gaines : Pas réellement. Du moins pas dans les jeunes générations. C’est ce qui rend encore plus impératif l’engagement et le travail de personnes de mon âge. Ils nous faut réconcilier les jeunes avec leurs racines. Notre héritage ne doit pas être perdu : il en va de notre responsabilité. L’histoire de l’Afrique est extrêmement riche. Et le continent a énormément apporté à l’Occident. Nous devons ramener à la surface toute l’influence du Continent sur le reste du monde pour que les jeunes se rendent comptent du véritable poids de l’Afrique.

Afrik : Quelle image les Afro-américains ont-ils de l’Afrique ?

Jack Gaines : Celle construite par Hollywood et les médias. Ils n’ont bien souvent qu’une vision humanitaire de l’Afrique ou celle d’un continent déchiré par les guerres. Ils n’ont pas été éduqués pour voir les nombreuses opportunités, culturelles ou même commerciales, qu’offre l’Afrique.

Afrik : Et quelle est l’image des Africains aux Etats-Unis ?

Jack Gaines : Paradoxalement, ils ont dans le système scolaire une image d’excellence. Car les Africains qui font leurs études aux Etats-Unis sont toujours parmi les meilleurs. L’année dernière, je me suis rendu à un congrès de l’association religieuse African Christian fellowship. Et je peux vous dire que je n’avais jamais vu autant de PHD (le plus haut diplôme américain, ndlr) au mètre carré de ma vie.

Afrik : Vous voyagez fréquemment en Afrique. Comment les Africains considèrent-ils les Afro-américains ?

Jack Gaines : J’ai rencontré beaucoup d’arrogance de la part de certains. Ils ne comprennent pas la profondeur de notre quête, alors que c’est quelque chose de très émouvant pour nous. Ils nous disent que nous ne sommes pas africains mais américains. Je sais que je suis américain, mais j’ai des racines africaines et une double culture que j’ai le droit de revendiquer. Tout comme peuvent le faire les Irlando-américains ou Italo-américains.

Afrik : Vous prêchez pour la réconciliation entre les Africains et la diaspora. Comment votre action est-elle perçue aux Etats-Unis ?

Jack Gaines : Il y a un conflit avec les mouvements, très populaires aux Etats-Unis, qui demandent des réparations financières pour l’esclavage aux pays occidentaux. Je pense que ce n’est pas la réponse au problème. La réparation doit être le résultat de ce que nous serons capables, les personnes de la diaspora et les Africains, de faire, une fois que nous aurons restauré les liens qui nous unissent et aplani nos différends. Aux Etats-Unis, je ne connais pas une discipline où il n’y ait pas d’Afro-américain qui soit expert. Imaginez ce que cela pourrait donner si toutes ces compétences étaient utilisées pour développer l’Afrique et lui redonner sa gloire passée !

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