En Guinée, les militaires s’en prennent aux journalistes alors que la crise se poursuit


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« Si tu passes la porte, je te coupe la langue », « La prochaine fois, quand il y aura des événements, on saura descendre pour te trouver », « On te connaît, on te réglera ton compte ». C’est en ces termes que les militaires guinéens s’adressent actuellement aux journalistes de Conakry. Dix jours après la répression sanglante du 28 septembre 2009, Reporters sans frontières dénonce un environnement nauséabond et appelle les médiateurs du conflit à protéger les professionnels des médias.

« Le règlement nécessaire de la crise guinéenne passe non seulement par la protection des civils, mais également par celle des journalistes, lesquels subissent les dérapages des militaires. Quant à Dadis Camara, s’il prétend encore diriger la Guinée aujourd’hui, il doit absolument ramener ses hommes à la raison », a déclaré l’organisation.

L’équipe d’une radio privée, dont certains collaborateurs ont reçu des menaces explicites de la part de militaires appartenant à l’entourage du chef de la junte, travaille désormais barricadée dans ses locaux et se contente d’une programmation minimum. Plusieurs journalistes d’autres médias, dont Reporters sans frontières souhaite préserver l’anonymat pour d’évidentes raisons de sécurité, sont accusés de « donner des informations aux étrangers » et ont reçu des menaces de mort par téléphone. Certains ne signent plus leurs articles, d’autres ont été contraints de fuir leur domicile.

Le 5 octobre, à l’occasion de l’arrivée dans la capitale guinéenne du
président burkinabé Blaise Compaoré en tant que médiateur de la crise, des journalistes de médias privés se sont vu barrer l’accès au salon d’honneur de l’aéroport. Certains ont été brutalisés, sous les yeux du ministre en charge de la sécurité présidentielle. Seuls les journalistes des médias d’Etat et de la presse burkinabé ont été admis. A la case Bellevue, où ont eu lieu les entretiens, les bérets rouges ainsi que la garde rapprochée du Dr Frédéric Kolié, ministre de l’Administration du territoire, ont copieusement insulté l’ensemble des journalistes présents et ont promis de s’en prendre à eux, « dès les prochaines émeutes ». « Tout le monde en parlera », ont affirmé les bérets rouges. La télévision d’Etat, entre autres, a été accusée de « complicité » avec les manifestants pour n’avoir pas diffusé d’images du saccage d’un commissariat.

Après les événements du 28 septembre à Conakry, Reporters sans frontières avait recueilli le témoignage de Mouctar Bah, correspondant en Guinée pour l’Agence France-Presse (AFP) et Radio France Internationale (RFI). Celui-ci racontait comment son confrère de la British Broadcasting Corporation (BBC), Amadou Diallo, et lui-même avaient été violentés. Ce jour-là, plusieurs journalistes guinéens ont été blessés, parfois à l’arme blanche, après avoir été passés à tabac. Certains ont même été arrêtés, pendant plusieurs heures. Leur matériel a été systématiquement dérobé ou cassé.

Aujourd’hui, c’est l’ensemble des journalistes (presse écrite, radio,
télévision, mais aussi collaborateurs de sites Internet) qui vit sous la
menace.
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Reporters sans frontières->https://rsf.org/fr

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