Embrassons-nous à Kinshasa : le retour des rebelles


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Drapeau de la République Démocratique du Congo
Drapeau de la République Démocratique du Congo

Les événements se sont accélérés, le week-end dernier, en République Démocratique du Congo, avec l’arrivée à Kinshasa des délégations des anciennes forces rebelles, en application de l’accord partiel signé à Sun City (Afrique du Sud), le 18 avril 2002, entre le gouvernement, le MLC (Mouvement de Libération du Congo) et plusieurs autres mouvements.

De notre correspondant à Kinshasa

85 membres du Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba et 45 du Rassemblement Congolais pour la Démocratie/ Mouvement de Libération (RCD/ML) de Mbusa Nyamwisi viennent rejoindre le gouvernement de Kinshasa après les autres composantes qui, de Sun City, avaient directement joint Kinshasa, afin de mettre en oeuvre les dispositions de cet accord que seuls ont rejeté le RCD/Goma et L’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social) d’Etienne Tshisekedi.

Les travaux ont débuté ce lundi, 29 avril 2002, au Grand Hôtel de Kinshasa. L’événement revêt une importance particulière dans une capitale congolaise dont les habitants avaient appris à considérer les rebelles comme des ennemis. Et pourtant, quelle n’a pas été la surprise de ces derniers de se voir accueillis avec beaucoup d’enthousiasme et de chaleur ! Le 2 août prochain, ce sera, en effet, le quatrième anniversaire du déclenchement de la rébellion dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, frontalières du Rwanda. La guerre aura coûté la vie à plus de trois millions de Congolais, selon l’Ong International Relief Servie (IRS), morts du fait de la guerre ou de ses nombreuses conséquences.

Trois millions de morts

Les Congolais ont visiblement envie de tout oublier et de faire table rase pourvu que la paix revienne dans leur pays. Samedi 27 avril 2002, en fin d’après-midi, la délégation du MLC de Jean-Pierre Bemba, qui contrôle la partie nord du pays, atterrissait sous des applaudissements nourris sur l’aéroport international de Ndjili, suivie, peu après, par celle du RCD/ML de Mbusa Nyamwisi qui contrôle le Nord-Est. L’inimaginable venait de se produire. Mbusa Nyamwisi à sa descente d’avion :  » Il y a quelques temps cela n’aurait pas été possible. Je suis ici et je viens d’être reçu par mes frères « .

Beaucoup de Kinois s’étaient effectivement déplacés jusqu’à l’aéroport de Ndjili. Dans la plupart des cas, des parents qui venaient accueillir, qui un frère, qui une soeur ou un ami. Pierre Selemani, ancien ministre sous le maréchal Mobutu, accueillait, ce jour-là son ami Alexis Thambwe Mwamba, ministre du gouvernement rebelle MLC.  » Je suis venu accueillir mon frère que je n’ai plus vu depuis cinq ans, explique-t-il, d’une voix larmoyante. Nous nous sommes embrassés pendant cinq bonnes minutes d’intense émotion « .

Longues embrassades

L’émotion, c’est également le sentiment qui habite Olivier Kamitatu, le Secrétaire général du MLC, à la vue de la nombreuse population qui a envahi le tarmac de l’aéroport.  » Une grande émotion. C’est également un énorme défi qui nous est posé, celui de la réconciliation et celui de la construction de la paix, tous ensemble. Sentiment de joie également doublé d’une pensée pour ceux qui ne se sont pas encore associés à cette volonté commune de reconstruire le pays « . Allusion sûrement au RCD/Goma ainsi qu’à l’UDPS, encore présents à Sun City, dans l’attente d’une hypothétique reprise du dialogue intercongolais, interrompu, selon Etienne Tshisekedi d’une manière irrégulière.

Olivier Kamitatu, plus que son chef, Jean-Pierre Bemba, passe pour le rebelle le mieux accepté dans la capitale à cause de son discours politique qualifié, par les jeunes de l’université, de posé et de profond. Rachel Zaina, étudiante à l’Université de Kinshasa, s’est déplacée spécialement pour se trouver parmi les premières à voir Olivier Kamitatu fouler le sol de la capitale :  » C’est tout simplement incroyable, avoue-t-elle. J’ai attendu très longtemps ce moment. A l’université, Olivier Kamitatu est l’idole des étudiants. C’est notre candidat au poste de Premier ministre « .

Olivier Kamitatu, l’idole des jeunes

Même sentiment d’espoir chez Kayembe Ntumba, mécanicien au chômage :  » Nous sommes contents de l’arrivée de nos frères qui étaient dans la rébellion. Nous espérons qu’avec le processus de réunification du pays, le Congo pourra sortir du marasme économique dans lequel il se trouve depuis la fin des années Mobutu. Je suis au chômage depuis six ans. J’espère qu’avec le retour progressif de la paix, j’aurai l’occasion de trouver un emploi « . Des « Kayembe Ntumba », il en existe des milliers à Kinshasa et bien plus dans les provinces. Sans emploi ni autres ressources, ils ne vivent -ou plutôt ne survivent- que par l’hypothétique espoir d’un avenir prometteur, à la fin des négociations de paix. Ils vivent avec angoisse les soubresauts qui secouent le microcosme politique congolais. Les résultats de Sun City les ont beaucoup déçus mais ils ne désespèrent pas pour autant.

Vont-ils se trouver encouragés par les dernières nouvelles en provenance de la Banque Mondiale ? Dimanche 28 avril au soir, ils ont appris par les radios et télévisions de la capitale, l’octroi d’un prêt de 450 millions pour relancer l’économie de la RDC. Informations confirmées par Matungulu Mbuyamu, ministre de l’Economie, des Finances et du Budget :  » C’est le prix des nombreux sacrifices consentis par les Congolais et de la confiance qu’ils ont placée dans le gouvernement « . L’espoir est donc permis. Les Congolais retiennent leur souffle.

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