Election présidentielle au Rwanda : une formalité pour Kagame


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Les Rwandais ont commencé à voter ce lundi pour la présidentielle. Paul Kagame (Front Patriotique Rwandais), au pouvoir depuis le génocide de 1994 et sans véritable opposition, est assuré de remporter l’élection.

Le vote se déroule dans le calme depuis 6 heures ce matin au Rwanda. Quelque 5,2 millions d’électeurs inscrits sont appelés aux urnes aujourd’hui pour la deuxième élection présidentielle depuis la fin du génocide de 1994. La réélection de Paul Kagame pour son deuxième mandat ne fait aucun doute. Le leader du FPR, qui affiche un bilan économique positif, a fait le ménage dans le camp de ses rivaux potentiels. Le président sortant a mis en garde ceux qui tenteraient de s’opposer à lui : « Ceux qui veulent la guerre, ils auront la guerre » a-t-il prévenu lors d’un meeting mardi 3 août près de Kigali.

Lors de ce scrutin, Paul Kagame sera opposé à trois candidats mineurs : Jean Damascène Ntawukuriryayo, du Parti social-démocrate (PSD), vice-président de l’Assemblée nationale et ancien ministre de la santé ; Prosper Higiro, du Parti libéral (PL), vice-président du Sénat et ancien ministre du commerce ; Alvera Mukabaramba, sénatrice, du Parti du progrès et de la concorde (PPC). Tous trois avaient soutenu Kagame lors de l’élection présidentielle de 2003. Il y a sept ans, Paul Kagame avait affronté un opposant crédible, Faustin Twagiramungu : il n’avait été crédité que de 3,5 % des voix, tandis que le chef du FPR obtenait officiellement 95 %.

Un bilan économique exceptionnel

Sous le régime Kagame, pour la première fois dans l’histoire du pays, l’autosuffisance alimentaire a été atteinte. Le Rwanda exporte même des denrées agricoles vers ses voisins. Dans un pays petit, où le manque de terres agricoles a été l’une des causes des tensions entre Hutus et Tutsis, ce n’est pas un exploit négligeable. Le produit intérieur brut a doublé depuis 2005. La croissance attendue en 2010 est de 6%. A la grande satisfaction des bailleurs de fonds internationaux, qui financent près de la moitié du budget, le Rwanda est considéré comme le pays le moins corrompu d’Afrique centrale. M. Kagame entend aussi poursuivre son effort en faveur de la promotion des femmes, qui forment déjà la moitié du gouvernement.

Des libertés bafouées et une peur omniprésente

Ce bilan de premier de la classe n’a pourtant pas réussi à faire oublier de sérieuses zones d’ombre. Depuis le début de l’année, incidents et atteintes aux droits de l’homme n’ont cessé de se multiplier. Amnesty International a exhorté vendredi les bailleurs de fonds du Rwanda à dénoncer « la répression pré-électorale » dans ce pays.
« Les Nations Unies, l’Union européenne, les Etats Unis, la France et l’Espagne ont déjà publiquement fait part de leurs inquiétudes face à la détérioration de la situation des droits de l’Homme au Rwanda à l’approche de l’élection », écrit l’ONG dans un communiqué.

Les meurtres du journaliste indépendant Jean-Léonard Rugambage en juin et de l’opposant André Kagwa Rwisereka en juillet (pour lesquels les autorités rwandaises ont fermement démenti toute implication) ont « créé un climat de répression apparemment destiné à inhiber la liberté d’expression à l’approche de l’élection », selon Amnesty.

L’opposition, écartée du scrutin, n’a pas voix au chapitre. Aucun représentant de la diaspora hutue, chassée du pays immédiatement après le génocide, n’a été autorisé à se présenter. Ainsi, Victoire Ingabire, candidate du parti non autorisé des Forces démocratiques unifiées (FDU), jeune et absente au moment de la tragédie, a été inculpée et mise sous contrôle judiciaire le 21 avril, pour «négationnisme» et «complicité de terrorisme» pour des liens supposés avec des groupes armés hutus, ce qu’elle nie. La jeune femme avait demandé la condamnation du gouvernement actuel pour les massacres en 1994 par le FPR de Hutus en fuite dans les forêts congolaises.

« Au cours des derniers mois, tueries, arrestations et fermeture de journaux et de radios (30 médias ont été suspendus par le Haut Conseil des médias rwandais le 26 juillet dernier) ont renforcé un climat de peur », écrit Amnesty International. Le FPR, véritable parti-État, dispose de ramifications jusque dans le moindre quartier ou la moindre colline et n’hésiterait pas à recourir à la coercition pour imposer ses choix.

Le dépouillement de ce scrutin présidentiel sans surprise aura lieu dès la fermeture des bureaux, cet après-midi à 15h, heure locale. Les résultats devraient être publiés mercredi au plus tard.

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