Egypte : des élections verrouillées


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Les Egyptiens se rendent ce dimanche aux urnes pour élire leurs députés. De nombreux partis politiques et ONG ont dénoncé des irrégularités alors qu’une vague de répression s’est abattue ces dernières semaines sur le mouvement des Frères musulmans, le principal mouvement d’opposition, dont des centaines de membres ont été arrêtés.

C’est dans un climat de tendu que les Egyptiens sont appelés aux urnes dimanche pour renouveler leur parlement. Plusieurs partis politiques et ONG ont dénoncé une campagne de répression et des fraudes à l’approche du scrutin. Le grand perdant annoncé de cette élection n’est autre que la confrérie des Frères musulmans, jusqu’ici principale force d’opposition au parlement. La mouvance dénonce l’arrestation de plus d’un millier de ses militants. Si la confrérie est tolérée en Égypte, elle est interdite en tant que parti politique. Du coup, ses membres doivent se présenter aux élections sous l’étiquette d’indépendants. Pas question pour la formation de Hosni Moubarak, le Parti National Démocrate (PND), qui contrôle aux trois quarts le parlement, de les laisser réitérer l’exploit des législatives de 2005, quand ils avaient réussi à rafler un cinquième des sièges. Le PND a, en effet, fait savoir jeudi qu’il avait déposé plainte devant la justice pour demander une enquête sur des candidats indépendants soutenus par les Frères musulmans.

La confrérie islamiste, qui soutient 130 candidats pour 508 sièges en lice, a dénoncé via les médias l’arrestation, depuis l’annonce de sa participation au vote début octobre, de près de 1200 de ses militants, dont des dizaines auraient été inculpés. Joint par Afrik.com, Hicham Khalil, député PND sortant et candidat à l’élection de dimanche, dément : « Ce sont des informations mensongères, il n’y a eu aucune arrestation de Frères musulmans dans ma circonscription (Qasr Annil au Caire, ndler). Leurs déclarations dans la presse sont, comme d’habitude, dénués de tout fondement ».

Pas d’observateurs internationaux

Le gouvernement égyptien refuse, en outre, catégoriquement la présence d’observateurs internationaux. Proche des thèses du parti au pouvoir, le célèbre journaliste égyptien Abderrahim Ali, qui intervient régulièrement sur les chaînes de télévisions arabes sur les questions liées aux groupes islamistes, affirme : « Les partis d’oppositions, le parti au pourvoir, les intellectuels, les artistes, les citoyens, personne en Egypte ne veut d’ingérence dans les affaires internes du pays. C’est une question d’honneur ». La semaine dernière, Le Caire avait d’ailleurs vigoureusement rejeté les demandes de Washington, l’un de ses principaux alliés au Moyen-Orient, portant sur l’envoi d’observateurs étrangers, les jugeant « absolument inacceptables ».

Les autorités égyptiennes ont fait valoir que la supervision du scrutin par des ONG locales est suffisante pour garantir la régularité du scrutin. Sauf que les organisations locales sollicitées ont menacé de boycotter cette mission en raison d’entraves bureaucratiques à leur travail. « Au moment où le gouvernement refuse la supervision internationale, il refuse également pratiquement la supervision de la société civile », avait déploré, dans une déclaration à l’AFP lundi, le directeur de l’Organisation égyptienne des Droits de l’Homme (OEDH), Hafez Abou Seada.

La première formation de l’opposition laïque, le parti libéral al-Wafd, a elle aussi de sérieux doutes sur la régularité du vote. « En dépit des promesses faites pour garantir la l’intégrité du scrutin, je pense que rien ne changera tant que le PND restera juge et parti dans l’opération électorale», a confié, dans un entretien au journal Shourouk, le secrétaire général du parti, Mounir Fakhri. Malgré ces réserves, al-Wafd a chois de jouer le jeu, et présenté des candidats à l’élection. Ce qui lui a valu quelques critiques. Il y a quelques semaines, certains journaux ont fait état d’accords secret entre le régime et certains partis d’opposition, dont al-Wafd, selon lequel ils hériteraient des sièges qu’occupent actuellement les députés affiliés à la confrérie des Frères musulmans.

Mohamed el-Baradei appelle au boycott

Mohamed el-Baradei a quant à lui opté pour la stratégie de la rupture : il a appelé au boycott pure et simple du scrutin. L’ancien directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique et Prix Nobel de la Paix milite, à travers l’Association nationale pour le changement qu’il a crée en février 2010, pour une réforme de la Constitution pour pouvoir se présenter à l’élection présidentielle de 2011. « Mais de toute façon, les Egyptiens vont en quelque sorte boycotter ce scrutin, non pas en raison de l’appel d’El-Baradei mais parce qu’ils ne font pas confiance au processus électoral », analyse Amr el-Shobaki, directeur de département au Centre Al-Ahram pour les études politiques et stratégiques du Caire, dans une interview accordée vendredi à France24.

Agé de 82 ans, Hosni Moubarak n’a donné aucune indication sur ses intentions personnelles pour la présidentielle de 2011, mais de hauts responsables du PND ont récemment affirmé qu’il serait le candidat du parti pour un sixième mandat.

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