Eclaircie franco-algérienne sur fond d’orage malien


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Laurent Fabius
Laurent Fabius

Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a été reçu dimanche à Alger par son homologue Mourad Medelci, pour une visite de deux jours. Le renforcement des relations bilatérales entre les deux pays et la crise malienne sont au cœur des discussions.

Le symbole est de taille. Pour sa première visite dans un pays arabe en tant que chef de la diplomatie, Laurent Fabius a choisi l’Algérie. François Hollande, plus ouvert à l’autocritique historique que son prédécesseur Nicolas Sarkozy, devrait quant à lui se rendre à Alger en fin d’année. Le président Bouteflika, dans un message envoyé à l’occasion du 14 juillet, l’a même appelé à « exorciser le passé » et à entreprendre un réel examen de la guerre d’Algérie (1954-1962). Une question qui empoisonne les relations des deux États depuis des décennies, malgré le traité d’amitié franco-algérien initié par Jacques Chirac en 2003.

Cette initiative du chef d’État algérien répondait à l’ouverture du nouveau pouvoir français. En effet, les signes d’une possible repentance française se sont multipliés ces derniers temps. Notamment dans une lettre envoyée par François Hollande à Abdelaziz Bouteflika à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance algérienne, le 5 juillet. Le chef d’État français estimait qu’il y avait la « place pour un regard lucide et responsable » sur le passé commun des deux peuples (1830-1962).

Cette vision n’est pas uniquement partagée par les socialistes français, mais également par une partie de la population, lasse du tabou algérien. « J’ai la conviction que la clé d’une nouvelle politique arabe de la France, c’est une nouvelle relation de la France et de l’Algérie fondée sur une réconciliation historique comme nous l’avons fait avec l’Allemagne », écrivait même l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin, dans une tribune publiée fin juin par Le Monde. Ce réchauffement diplomatique prend visiblement des airs de rabibochage des deux côtés de la Méditerranée, où la plaie est encore loin d’être cicatrisée.

La crise au Sahel au centre des débats

La réconciliation franco-algérienne en plus d’être un souhait partagé, répond à l’urgence. La poussée islamiste sans précédent dans le Sahel nécessite une certaine entente entre Alger et Paris, puissances incontournables dans la région. L’occupation du Nord du Mali par les rebelles, majoritairement islamistes, préoccupe autant les États de la région que le Quai d’Orsay. Une flambée du djihadisme, aboutissant à une forme d’ « afghanisation » du Sahel, est redoutée.

Face à cette situation préoccupante, l’intervention militaire extérieure est de plus en plus envisagée. Depuis que les groupes islamistes, alliés à Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), ont chassé les rebelles touaregs et radicalisé leur occupation des grandes villes du Nord malien, l’urgence se fait davantage sentir. Cependant, les dirigeants algériens restent frileux quant à l’emploi de la force, et ce, en dépit de la détention par le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) à Gao, de quatre de leurs concitoyens.

Mourad Medelci a d’ailleurs réaffirmé, ce dimanche, la position algérienne lors d’une conférence de presse en présence de Laurent Fabius, celle de la non-intervention : « Je crois que, dans tous les cas de figure, la solution du Mali est entre les mains des Maliens. Nous devons donc travailler, grâce à un dialogue politique, à l’effacement de cette frontière et au rétablissement de la convivialité dans les rapports entre Maliens. » Ce à quoi Laurent Fabius a répondu : « Si – ce qui est à craindre -, le terrorisme se maintient, il faudra traiter, selon les voies adaptées, ce terrorisme qui est dangereux pour tout le monde ».

Pour résumer, en traduisant ce langage diplomatique, l’enjeu pour le ministre français consiste à convaincre les dirigeants algériens d’accepter une intervention internationale, quelques mois après leur opposition à l’intervention en Libye. Laurent Fabius avance donc prudemment les pions français, en insistant sur le caractère africain de l’éventuelle opération et sans se prononcer sur la possible implication des forces spéciales françaises, basées au Burkina Faso. L’Algérie restant très attentive aux velléités françaises dans ses ex-colonies, malgré l’éclaircie. Le chef du Quai d’Orsay rencontre également, ce lundi, le président Abdelaziz Bouteflika.

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