Doudou Diéné, maître en dialogue interculturel


Lecture 3 min.
Drapeau du Sénégal
Drapeau du Sénégal

Le numéro de l’été 1999 (juillet-septembre) de la revue Diogène, revue trimestrielle publiée en commun par les PUF et l’UNESCO venant tout juste de paraître mi avril, nul n’en voudra à Afrik.com d’avoir attendu quelques semaines pour en rendre compte… Ce numéro est pourtant particulièrement intéressant, puisqu’organisé autour du thème « Métissage culturel entre religions écrites et traditions orales ».

Trois études approfondies concernent particulièrement l’Afrique : celles d’Abel Kouvouama, « Quelques nouveaux mouvements religieux en Afrique subsaharienne », de Haïm Zafrani, « L’univers culturel judéo-musulman au Maroc. L’écrit et l’oral », et de Thierry Zarcone, « Relectures et transformations du soufisme en Occident ». Chacune d’entre elles mériterait de longs développements, mais c’est la contribution synthétique de Doudou Diéné, directeur du Département du dialogue interculturel et du pluralisme à l’UNESCO, « Une continuité dynamique entre traditions », qui a plus particulièrement retenu notre attention.

Doudou Diéné y met en évidence plusieurs dimensions proprement africaines de l’expérience religieuse, ou plutôt mystique, dont l’intégration par les religions du livre, selon qu’elle fut plus rapide ou plus lente, a largement, selon lui, accéléré ou freiné leur pénétration en terre africaine. Il en va ainsi de la dimension orale de toute tradition, du rôle et de la place de la musique et du rythme dans le rite religieux, enfin de la composante panthéiste, c’est-à-dire proprement animiste, du rapport à la création, qui repose sur la supériorité de l’esprit, présent en toutes choses.

C’est ainsi, note-t-il à partir de son observation du Sénégal, que l’intégration de l’Islam au terreau africain a été facilitée par sa faculté d’intégration de ces traditions : « Notre conception holistique du divin explique en partie pourquoi l’islam soufi s’est adapté en profondeur et avec une rapidité fulgurante tant en Afrique Orientale qu’en Afrique Occidentale. L’islam soufi est en effet un islam mystique, également basé sur l’appréhension divine de toute manifestation. »

A l’inverse, les fortes réticences de la hiérarchie catholique à adapter ses rituels et sa liturgie aux cultures locales, accentuées par les liens qu’elle entretenait avec les responsables coloniaux, ont longtemps gêné la diffusion populaire de la foi chrétienne… « Les terres de mission d’Afrique où le christianisme s’est développé sont les pays où il a té le plus immédiatement et le plus profondément africanisé. » Et de citer, en particulier, l’ex-Zaïre.

C’est peut-être le trait le plus saillant de l’expérience religieuse de la confrontation et du mariage, en terre africaine, entre les religions du Livre et les traditions orales animistes : l’apparition d’une « continuité dynamique » entre l’identité spirituelle d’un peuple et ses expressions successives, voire simultanées. « Au Sénégal, écrit Doudou Diéné, il y a 90% de musulmans, 10% de chrétiens et 100% d’animistes. » « La réalité culturelle et spirituelle africaine est marquée par une plasticité inventive permanente ». Et c’est peut-être dans l’apport africain à la spiritualité écrite des religions du livre que réside aujourd’hui le secret de leur renouvellement…

Diogène, Revue trimestrielle publiée sous les auspices du Conseil international de la philosophie et des sciences humaines et avec l’aide de l’UNESCO, n°187, Presses Universitaires de France, avril 2000.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News