Dictionnaire amoureux de la rue camerounaise


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arton24982

Apprendre à jurer en bon camerounais, c’est faire partie d’une grande famille dont nous vous délivrons des codes. Que ce soit dans une noire colère ou une ivresse amoureuse, si vous vous emportez en Français de France, vous ne serez pas toujours crédible. Voici la ronde des mots qu’aucun livre n’osera jamais vous apprendre.

Comment peut-on être Camerounais ? Pourquoi le rester ?

 ASSIA interj. 1. Expression de sollicitude équivalant à : mes regrets ; désolé ; courage ; ou sois fort(e) ! Var. patience ! 2. Expression marquant la défiance

 AKA interj. Exclamation d’impatience, d’indifférence, voire de mépris. ? Aka ! L’amour c’est quoi ? Parle-moi d’argent, l’amour viendra en son temps.

 AUJOURD’HUI C’EST AUJOURD’HUI loc. nom. La décision, la vérité, la conclusion ne sauraient plus être ajournées var. today na today

 TU IGNORES QUOI ? Locution interrogative Se dit pour souligner une évidence Variante : Toi-même tu sais

 N’EST-CE PAS NOUS SOMMES VENUS VOUS ACCOMPAGNER SUR CETTE TERRE ? Locution interrogative Admiration mêlée de dépit

 AVOIR UNE GRENOUILLE se dit d’une fille qui sait s’y faire en matière sexuelle. Ellipt. Elle a une grenouille au vagin.

 OUI-NON !? loc. interj. le non renforce l’affirmation, souligne l’évidence de la réponse ou une sorte d’agacement.

 TOI AUSSI ! loc. interj. 1. Interpellation visant à inviter quelqu’un à la modération, au compromis 2. Marquer que l’interlocuteur est lent à la détente

 TON PIED MON PIED loc. adv. Quoi que tu fasses, où que tu ailles, je ne te lâcherai pas d’un pouce var. Foumban-Foubot ; fait quoi fait quoi ; « tu montes, tu descends, un cadavre va mourir ! » Jean Miché Kankan (plus grand humoriste camerounais de tous les temps)

 ISH interj. Réaction marquant le dégoût

 EKIE ! [ekie] interj. Exclamation marquant la surprise, l’étonnement var. Iki, igui

 DVD n.m. Dos et ventre Dehors – Vêtement féminin particulièrement sexy Var. VCD (Ventre et Cuisses Dehors)

 DJOUNDJOU KALABA n.m. 1. Croque-mitaine ; Monstre imaginaire qu’on invoque pour effrayer un enfant désobéissant. 2. Personne particulièrement vilaine.

 FAIS QUOI FAIS QUOI Loc. adv. Quoi qu’il advienne, peu importe les aléas ? « Fais quoi fais quoi, Anatole tu vas mourir, le sida ne pardonne pas » Prince Panya, Anatole

 FAIRE v. intr. Très Fam et Vulg. Faire l’amour. ? On a fait sans, ellipse magnifique d’un lycéen qui vante ses exploits auprès de ses camarades, pour dire qu’il vient de faire l’amour sans préservatif.

Syn. Appuyer, sèkèlè, niass, niaque, fika, pistacher, tuer, combo, piquer, tchouquer, binda, torpiller, fom [fome] ? Faire poti : partouzer var. faire le ntui, faire le rally, faire une tournante, faire le un-but-sort

 SEPARANTE n.f. Dernière tournée d’une beuverie avant de se dire au revoir

 TA MERE POND, TES FESSES AROMATISEES : Insultes suprêmes, le premier à oser les dégainer vous a vaincu !

On ne dit pas… On dit…

En bon camerounais, on ne dit donc pas

 Draguer mais plutôt tra, tchate (la forme infinitive se passe du ‘’r’’ final), verber, topo, placer le mot, composer, lancer le maïs.

 Etre envieux, être maladivement ambitieux mais plutôt avoir le gros cœur, avoir les longs yeux

 S’infatuer de soi mais plutôt aimer entendre variante : aimer ya (provient sans doute de l’anglais hear, entendre)

 Arrête de chercher noise mais plutôt Quitte derrière les problèmes
Que dis-tu ? mais plutôt Tu dis que quoi ?

 La situation est compromise mais plutôt C’est chaud à Sochaux var. : C’est chaud à Bagdad

 Apprendre à quelqu’un les bonnes manières par la force mais plutôt le civiliser. Ainsi Sarkozy a-t-il civilisé Gbagbo.

 Les temps sont difficiles mais plutôt Le dehors est mauvais

 Je t’offre de m’acheter une bière, si tu veux me consoler mais plutôt Vas m’essuyer les larmes avec une Guinness

 Chacun pour soi, Dieu pour tous mais plutôt Chacun s’asseoit Dieu le pousse

 Prends soin de toi mais plutôt Fais bien

 A bientôt ! mais plutôt on est ensemble

Des mots, des jurons, ceux que l’on ne dit pas devant la télé, mais dont tout le monde connaît le sens, ceux qui nous renseignent sur nos a priori, nos lieux communs, poncifs, clichés, légendes urbaines, bref nos « préjugés en béton ».

Ce parler traduit l’inventivité de notre peuple, son génie, et « son exception culturelle ». Aussi y a-t-il, dans cette photographie en demi-teinte, ou ce cliché (pour mieux dire et jouer avec les sens) du Cameroun, des faits de langue qui véhiculent nombre d’informations sur la structure mentale et instinctuelle des Camerounais.

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