Deux journalistes condamnés pour diffamation au Sénégal


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Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) réprouve les peines criminelles pour délit de diffamation infligées à deux journalistes sénégalais mardi dernier. Ils ont tous les deux été condamnés pour un reportage sur le contenu d’une lettre anonyme dénonçant de soi-disant malversations par de hauts responsables de sécurité du pays.

Le tribunal correctionnel de la capitale sénégalaise, Dakar, a condamné
Jules Diop et Serigne Saliou Samb, respectivement directeur de publication et rédacteur en chef du quotidien privé L’Observateur, à six mois de prison avec sursis et à 30 millions de francs CFA (environ 72000 dollars américains) de dommages et intérêts, a déclaré au CPJ l’avocat de la défense, Boubacar Cissé. Le tribunal a aussi ordonné aux journalistes de publier le verdict dans plusieurs journaux de la place. Un appel a été immédiatement introduit, a dit M. Cissé.

« Nous appelons la cour d’appel de Dakar à casser les condamnations pénales et les peines de prison infligées à Jules Diop et à Serigne Saliou Samb », a déclaré Tom Rhodes, directeur de la section Afrique du CPJ. « La tendance aux poursuites pour délit de diffamation crée une atmosphère d’intimidation qui mène à l’autocensure. Nous exhortons le président Abdoulaye Wade à mettre en application son engagement à abroger les dispositions pénales relatives aux délits de presse, notamment la diffamation », a-t-il ajouté.

M. Diop et M. Samb ont été inculpés suite à une plainte déposée par
l’ancien ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom, à la suite d’un article
paru le 11 janvier dernier sur une lettre qui aurait été adressée au
ministre, Ousmane Ngom, et au chef de la police nationale, le commissaire Assane Ndoye, par des policiers anonymes se réclamant d’un « collectif des personnels de la police nationale », selon des journalistes locaux et des médias. La lettre, qui a été exclusivement envoyée au journal L’Observateur, contenait des allégations de détournement et de fraude dans la gestion de la police. M. Diop a déclaré au CPJ que l’article contenait les réactions de Ngom et de Ndoye à travers leurs porte-paroles.

M. Ngom a indiqué dans une déclaration en janvier dernier que c’était
« toujours avec un pincement de coeur » qu’il engageait des poursuites contre des journalistes « du fait de son attachement à la liberté de presse », a rapporté Nettali, un site Web sénégalais d’information en ligne. Cependant, poursuit le ministre dans cette même déclaration, « lorsqu’on confond délit de presse avec un délit de droit commun (la diffamation) commis par un moyen de diffusion publique, il est nécessaire qu’on vous rappelle par les tribunaux que liberté de presse rime avec responsabilité ».

Les commentaires de M. Ngom illustrent la réticence de longue date des
autorités sénégalaises à la dépénalisation de la diffamation bien que le
président Abdoulaye Wade ait appelé en 2004 tous les acteurs de la presse locale à soumettre des propositions de réforme, selon des recherches du CPJ. Les autorités sénégalaises n’ont toujours pas réagi aux propositions, et en novembre dernier, le CPJ a écrit au président Wade pour lui demander de mettre en oeuvre son engagement de 2004.

M. Diop et M. Samb sont les derniers journalistes de L’Observateur à être
condamnés sous des accusations de délit de diffamation. Ils suivent Alioune Ndiaye et Saliou Sambe qui ont été condamnés en septembre 2006 à la suite d’un article alléguant un scandale de corruption, selon des recherches du CPJ. L’Observateur est publié par Futurs Médias, un groupe de presse appartenant au musicien sénégalais Youssou Ndour.

Source CPJ : Le Comité pour la protection des journalistes, une organisation indépendante, à but non lucratif basée à New York oeuvre à préserver la liberté de presse partout dans le monde depuis 1981. Le CPJ compte de grands journalistes comme Christiane Amanpour de CNN International, Brian Williams de NBC News et Charlayne Hunter-Gault au sein de son conseil d’administration.

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