Deutsche Bank se prépare à quitter l’Algérie


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Deutsche Capital Market Algeria (DCMA) est en train de réduire ses activités pour ne devenir qu’un bureau de liaison à Alger. Saluée comme un « grand coup », l’arrivée de la banque allemande Deutsche Bank en Algérie en 2007, par l’acquisition de 51% de Stratégica, est entrée dans une voie d’impasse lorsque le Premier ministre algérien l’a nommément attaquée dans une circulaire en juillet dernier. DCMA a, depuis, cessé ses activités. La réalité n’en est pas éloignée.

Le développement du marché financier en Algérie risque de subir un nouveau revers. « Deutsche Bank Algérie est en train de liquider une bonne partie de son personnel. Nombre de ses cadres ont déposé leur CV pour être recrutés par les banques étrangères implantées en Algérie », a appris Maghrebemergent de source sûre. Deutsche Bank, première banque d’affaires européenne s’est implantée en Algérie fin 2007, en se rendant acquéreur de 51% du capital de Stratégica, un bureau conseil en finances dirigé par Lachemi Siagh, qui a eu pour clients la quasi-totalité des entreprises algériennes qui ont recouru à des émissions d’obligations sur la place d’Alger entre 2001 et 2007. L’arrivée du géant allemand avait été saluée comme une « superbe coup » pour la place financière d’Alger. A travers Deutsche Bank Algérie, l’établissement allemand, voulait à partir de ses activités à Alger rayonner sur toute l’Afrique du Nord. C’était sans compter sur la bureaucratie algérienne. La Banque d’Algérie fera attendre à ce jour le dossier d’agrément de Deutsche Bank en tant qu’établissement financier. Il sera, à ce titre, logé à la même enseigne que les projets d’ouverture de filiales bancaires notamment de la Caisse d’Epargne, de CIC, d’Attijara Wafa Bank.

Deutsche Bank serait ainsi en train de réduire ses effectifs et d’abandonner son ambition d’être un acteur majeur dans le marché financier algérien. « Deutsche Bank aurait l’intention de maintenir seulement un bureau de liaison » a ajouté la même source. Actuellement, l’intermédiation boursière (Iob) est la seule activité de Deutsche Bank agréée par les autorités financières. Il n’est plus question d’intervenir dans les grandes opérations d’ouverture ou d’augmentation de capital, d’ingénierie financière ou le conseil dans les privatisations, après ces déboires.

Qui a poussé Deutsche Bank à « réduire sa voilure » ?

D’abord, une circulaire du Premier ministre ordonnant les entreprises et organismes publics à ne plus travailler avec Strategica (en fait Deutsche Capital Market Algeria) a grillé l’investissement germanique auprès des donneurs d’ordres. L’allusion à de l’intelligence économique au profit de partenaires étrangers de l’Algérie était explicite dans le surprenant texte du Premier ministre. « Il s’agit d’un règlement de compte. » Ouyahia a saisi l’occasion pour détruire Lachemi Siagh, ce cadre très compétent dont le péché a été de bénéficier du soutien, au temps où ils étaient puissants, de Abdellatif Benachenhou et de Chakib Khelil, deux hommes du Président  » aujourd’hui  » tombés « , commente une source proche du dossier. C’est ce soutien qui avait permis à Lachemi Siagh de monter pour des entreprises publiques mais aussi privées toutes les opérations d’emprunts obligataires de la période faste 2002-2007. Le fondateur de Stratégica et  » sa surface d’affaires  » étaient un pivot essentiel dans l’entrée de Deutsche Bank en Algérie promoteur du projet. Tombé brutalement en disgrâce, il restait peu d’espoirs pour obtenir rapidement l’agrément bancaire tant recherché.

Deutsche Bank ne souhaite sans doute pas, en outre, s’adapter au nouveau changement dans la réglementation bancaire. Suivant une nouvelle disposition, les banques et établissements financiers étrangers devront s’associer à un partenaire local qui détiendra 51% des actions, pour pouvoir exercer leur activité en Algérie.

Une méconnaissance préjudiciable de l’Algérie

Cette combinaison de facteurs a joué dans la décision de la Deutsche Bank de réduire ses effectifs en Algérie. « Elle va perdre le marché », commente M. M. Nordine Smail, le Directeur général de la Cosob. Des banques comme HSBC Société Générale et Bnp Paribas sont à l’affut. Elles attendent beaucoup du développement du marché financier algérien, fonctionnant jusque-là sur le seul compartiment des obligations. Deutsche Bank quitterait l’Algérie, si cela se confirme, au seuil d’un démarrage des opérations d’ouverture de capital avec une première en novembre prochain, la levée de fonds d’Alliance Assurance pour 1,4 milliard de dinars contre émissions d’actions.

En fin de course, l’alliance de Deutsche Bank avec l’acteur vedette de la place d’Alger, Stratégica, a débouché sur un échec. Deutsche Bank a payé pour sa méconnaissance de l’environnement des affaires en Algérie. Cette mauvaise expérience pourrait avoir des conséquences lourdes sur l’investissement allemand en Algérie. Elle fera réfléchir, au moins à deux fois les autres banques allemandes.

Salim Dali, pour Le Quotidien d’Oran

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