Délicate visite de Nicolas Sarkozy aux Antilles


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Aux Antilles, on ne l’attendait plus. Le président français se rend, jeudi et vendredi, en Martinique et en Guadeloupe pour une visite express, dans le cadre des états généraux. Accompagné de Marie-Luce Penchard, la nouvelle secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, Nicolas Sarkozy souhaite régler la crise sociale qui perdure dans les îles françaises. Un déplacement qui ne fait pas l’unanimité chez les grévistes, notamment au sein du collectif guadeloupéen LKP, qui compte boycotter les concertations.

« Comment pourraient-ils se sentir pleinement citoyens de notre République si notre République tient si peu à leur égard la promesse d’égalité qu’elle fait à tous les citoyens ? », a lancé Nicolas Sarkozy au Congrès de Versailles en début de semaine. En visite de deux jours en Guadeloupe et en Martinique, le président français devra convaincre les Antillais, lors des états généraux entamés depuis le mois d’avril, de son implication dans la crise politique et sociale qui secouent les départements d’Outre-mer. Après les paroles, les Antillais attendent des actes. Depuis le début de l’année, les grèves contre la vie chère et les mobilisations pour protester contre l’inefficacité du gouvernement français se sont enchainées. Parti de revendications en faveur d’une hausse des bas salaires, et de la baisse des prix à la consommation, le mouvement mené en Guadeloupe par le LKP (Liyannaj kont pwofitasyon : collectif contre l’exploitation outrancière) et en Martinique par le Collectif du 5 février, a perduré sur fond de crise économique, d’injustice sociale et de malaise identitaire.

L’inefficacité du gouvernement français

Nicolas Sarkozy, longtemps en retrait, a tenté une réconciliation le 19 février, avec les accords dits Jacques Bino, en débloquant 580 millions d’euros. Une somme censée permettre aux bas salaires de bénéficier de 200 euros, souhaitée par les grévistes. Mais, là aussi, le président français n’a pas convaincu. « Le RSTA (revenu supplémentaire temporaire d’activité, ndlr) mis en place par l’Etat pour contribuer, à hauteur de 100 €, à l’augmentation des salaires s’avère être un mécanisme d’une complexité insurmontable pour ceux qui devraient en profiter. Tout est fait pour décourager les Guadeloupéens. », explique Elie Domota, figure de proue du collectif LKP et secrétaire général de l’UGTG (Union générale des travailleurs guadeloupéens), dans une interview accordée, mercredi, au Parisien. Résultat, pour signaler leur mécontentement, le collectif guadeloupéen a décrété pour la visite du président « un semaine de mobilisation » avec le blocage des stations-services. Près de 900 gendarmes mobiles ont d’ailleurs été acheminés en renfort aux Antilles pour éviter tout débordement.

Des mécontentements persistants

A Fort-de-France et Pointe-à-Pitre, cette visite présidentielle devrait s’avérer houleuse. Dans les îles, l’économie locale est au plus bas. La baisse des prix dans les magasins et les augmentations de salaires promises par le gouvernement se font attendre. L’activité économique a chuté de 20% à 30% cette année par rapport à 2008, estime le président du Medef local, Willy Angèle. « Si rien n’est fait, nous allons droit dans le mur », déclarait-il le 18 juin dans France Soir. Autre point sombre, « la répression sociale » évoquée par Elie Domota qui « se manifeste par des fermetures d’entreprises de la part d’employeurs qui se disent en difficulté, alors qu’ils ne payent pas leurs cotisations sociales depuis des années ». « Les trois plus grands hôtels de l’île ont fermé, ce qui a jeté à la rue 752 salariés, dans le silence complice de l’Etat et des élus », rappelle-t-il. Pour le secrétaire générale de l’UGTG, les états-généraux ne changeront rien à la situation. Elie Domota a d’ailleurs boycotté ces concertations et ne devrait pas rencontrer le président français.

Une visite présidentielle express

Pourtant, du côté de l’Elysée on se veut confiant. « Le président veut participer sincèrement à ce processus de réflexion, avant que les décisions soient prises. Il apportera ses propres idées, réflexions, intuitions », explique un des conseillers du chef de l’Etat. Selon le programme officiel, Nicolas Sarkozy ne passera pas plus de deux jours aux Antilles. Il se rend en Martinique jeudi pour évoquer la question institutionnelle, notamment en réponse à la demande des élus locaux de reporter les régionales de 2010 en vue d’un éventuel référendum sur l’autonomie. Et en Guadeloupe, vendredi, où il visitera des unités du Régiment de service militaire adapté (RSMA), et participera aux états généraux avant de regagner Paris.

Nicolas Sarkozy et sa nouvelle secrétaire d’Etat de l’Outre-mer, la Guadeloupéenne Marie-Luce Penchard devront, face à cette crise, faire leurs preuves. Toutefois rien ne semble gagner. La successeure d’Yves Jégo ne fait pas l’unanimité aux Antilles et à la Réunion en raison notamment de son manque d’expérience politique. Les états généraux promettent donc d’être agités.

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