Déficit d’image pour l’entreprise béninoise


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Le Bénin ne fait pas confiance à ses entrepreneurs. Un climat de suspicion mutuelle entre la société et les chefs d’entreprise que nous explique Jean-Baptiste Satchivi, deuxième vice-président du patronat béninois, et qu’il appelle à dépasser. Un changement de mentalité est nécessaire pour redonner à l’entreprise son rôle et sa place dans le développement du pays.

L’entreprise béninoise a besoin d’une nouvelle image. Peu soutenus par l’Etat, les chefs d’entreprise sont souvent considérés comme de petits truands par la société civile. Une image déplorable dans laquelle ils ont une part de responsabilité, estime Jean-Baptiste Satchivi, deuxième vice-président du patronat béninois. Présent au titre de représentant de la Chambre de commerce du Bénin à la conférence de Dakar (23-26 avril 2003) sur le commerce et l’investissement en Afrique organisée par l’OCDE, il confie également à Afrik son sentiment sur le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad).

Afrik : Comment sont perçus les chefs d’entreprise au Bénin ?

Jean-Baptiste Satchivi : Il y a un problème dans la perception de l’entreprise au sein même de la société civile. Les chefs d’entreprise sont considérés comme de petits trafiquants. Il n’a pas été intégré, sur le plan social, que l’entreprise est source de création de richesses et d’emplois. Nous ne sommes pas soutenus.

Afrik : Les chefs d’entreprise n’ont-ils pas leur part de responsabilité dans cette mauvaise image ?

Jean-Baptiste Satchivi : Il est vrai que nous gagnerions en crédibilité si certains s’évertuaient à respecter une déontologie de base dans la gestion de leur entreprise. Il faut changer les mentalités. Ne serait-ce que par rapport au traitement du personnel. Beaucoup de patrons n’ont pas encore compris que les ressources humaines sont une richesse et que l’entreprise a tout à gagner à former, motiver et responsabiliser son personnel. Certains d’entre-nous raisonnent ainsi :  » Si je te paye mal, c’est parce que tu es un voleur « . Alors que moi, en tant que chef d’entreprise, je n’embaucherai jamais une personne si je sais qu’elle va me voler. Il faut dépasser cette phobie du vol. Il s’agit tout là simplement d’un problème de management.

Afrik : En tant que chef d’entreprise, quelles sont les difficultés que vous rencontrez au Bénin ?

Jean-Baptiste Satchivi : Le mode de financement des entreprises est à revoir. Nous n’avons que des banques commerciales dans le pays. Or on ne finance pas le commerce comme on finance l’agriculture ou l’industrie. Parce qu’il ne s’agit plus de fonds à court terme et parce qu’il y a plus de risques quant à la rentabilité de l’investissement. Il nous faudrait des institutions financières spécialisées, des banques d’investissements pour analyser le processus d’investissement dans tous les domaines. Le Béninois est, par exemple, très attaché à la notion de propriété. La création d’une banque de l’habitat pourrait favoriser l’accès à la propriété et créer une véritable dynamique économique nationale en dopant le secteur des Bâtiments et Travaux Publics.

Afrik : Les systèmes administratifs sont souvent un frein aux investissements en Afrique. Est-ce la même chose au Bénin ?

Jean-Baptiste Satchivi : L’administration est omnipotente et ne se rend pas compte qu’elle doit être au service de l’entreprise. Si vous voulez aller vite dans vos démarches administratives, vous êtes obligés de mettre la main à la poche. Un racket qui marque la démission de la structure étatique. Il faut une volonté politique pour recréer l’administration au profit de l’entreprise.

Arik : Quel est le rôle de votre organisation patronale et d’une structure telle que la chambre de commerce par rapport au monde de l’entreprise au Bénin ?

Jean-Baptiste Satchivi : Tout d’abord un rôle de sensibilisation pour faire évoluer, de part et d’autre, les mentalités. Et puis par rapport aux axes politiques développés par l’Etat, au-delà des lobbies, il faut des structures intermédiaires pour interpeller l’Etat à l’occasion de bilans réguliers sur l’activité.

Afrik : Vous avez été invité à la conférence de l’OCDE sur le commerce et l’investissement. Quel est pour vous l’intérêt d’une rencontre comme celle de Dakar ?

Jean-Baptiste Satchivi : Sur le plan thématique, la conférence a été un rendez-vous de haut vol. Elle a été un vivier d’échanges et de rencontres. La conférence est pour nous (la chambre de commerce et de l’industrie, ndlr) à la fois une interpellation et une remise en question, à savoir :  » Que faisons-nous pour être en phase avec ce qui se passe au niveau international et l’actuelle redistribution des cartes ?  »

Afrik : Quelle est votre vision du Nepad ?

Jean-Baptiste Satchivi : Ses actes ne peuvent être que soutenus. Il s’agit d’une réflexion d’ensemble pour ramener réellement l’Afrique dans le commerce international. Le Nepad est une bonne initiative qui repose sur la bonne gouvernance politique et économique. Mais le Nepad reste assez vague, même pour les économistes. Pour beaucoup de gens, il semble fumeux. Il y a là un problème de communication, puisque les élites elles-mêmes ne se sont pas encore véritablement approprié le Nepad. Alors que ce sont elles qui devraient monter au créneau pour l’expliquer, le défendre et le promouvoir. Il conviendrait sans doute de créer des cercles de recherche en y associant la société civile, les opérateurs économiques et le secteur privé.

Photo :

Jean-Baptiste Satchivi

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