Darfour : le peuple oublié


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Nat hentoff, analyste au Cato Institute, essaye de mettre en évidence l’instrumentalisation par le président soudanais du sentiment communautaire arabe pour se dédouaner de sa responsabilité dans les tueries perpétrées et la situation catastrophique au Darfour. Il montre aussi comment Omar El-Béchir justifie l’expulsion des organisations humanitaires, seule chance pour aider les populations, sous prétexte de coopération avec la CPI.

Après que le dictateur soudanais, le général Omar Hassan El Béchir, a expulsé treize organisations humanitaires internationales du Darfour, le reste d’entre elles devant bientôt suivre, quatre enfants africains noirs musulmans sont pleurés par ce qui reste de leurs familles au camp de réfugiés Shangil Tobaya, parce qu’ils sont morts de malnutrition fin mars. Bien sûr leur mort n’apparaitra pas dans les journaux occidentaux.

Pour leur mémoire, voici leurs noms, fournis par le mouvement rebelle pour la justice et l’égalité dans le Sudan Tribune, le 24 mars : Abdel-Latif Hassan Gar El-Nabi, 7 mois ; Ahmed Musa, 7 mois ; Mounir Mohamed Ibrahim, 9 mois ; Esam Babiker Yacoub, 3 ans.

Dans un autre camp, à Otash, quand la mère d’un enfant de dix ans, déshydraté après avoir rendu toute la nuit, l’a amené à la clinique, la porte était close. Un parent du garçon a déclaré : « c’était un service de l’International Rescue Committee, une des organisations expulsées du Soudan par le Général El Béchir » (New York Times, 23 mars).

Le jour d’après, John Holmes, le coordinateur humanitaire des Nations Unies déclarait que les programmes pour l’eau, menés par les agences expulsées, pourraient se retrouver sans ressources d’ici la fin avril.

Le silence de Barack Obama

L’Afrique attendait beaucoup de Barack Obama. Pendant sa campagne présidentielle, ce dernier avait déclaré que les viols et meurtres de masse orchestrés par le général El Béchir avait « sali nos âmes ». Et, le cœur gros, il promettait « plus jamais ». Pourtant, durant sa conférence de presse du 24 mars, qui a été particulièrement médiatisée, M. Obama n’a pas dit un seul mot sur le Darfour. Et aucun des journalistes qualifiés ne lui a demandé ce qu’il pensait de l’élimination continue d’un peuple, par la faim, la soif et la maladie, au sein d’un Etat souverain, le Soudan.

En même temps, le dirigeant macabre de cet Etat souverain, membre des Nations Unies, est recherché internationalement après que la Cour Pénale Internationale (CPI) a émis un mandat d’arrêt international à son encontre le mois dernier pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Cependant, avec une méprise royale pour la CPI, le général a depuis voyagé et a été chaleureusement reçu en Érythrée, en Egypte et en Libye. Il est aussi apparu triomphalement au somment des Etats arabes au Qatar.

En Egypte, un allié des Etats-Unis tel que la CIA envoyait des suspects de terrorisme y être torturés, le général El Béchir fût même reçu à l’aéroport, malgré les circonstances, par le président Hosni Moubarak. Le premier ministre du Qatar, Cheik Hamad ben Jassem ben Jabor al Thani, anticipant la visite du génocidaire-en-chef, déclarait à l’Associated Press le 25 mars : « nous respectons le droit international, et nous respectons la participation du président El Béchir et lui souhaitons la bienvenue ».

On pourrait appeler cela de la prestidigitation diplomatique quelque peu ragoutante, comme l’est le mépris froid des nations arabes, qui soutiennent leur collègue souverain le général El Béchir, du fait que les montagnes de cadavres au Darfour sont ceux de musulmans.

Il est tout aussi surprenant que l’Iran et le Hamas soutiennent le dirigeant soudanais. Selon le porte-parole du Parlement iranien, Ali Larijani, le mandat d’arrêt international à l’encontre d’El Béchir est une insulte pour tous les musulmans » (Minneapolis Star Tribune, 27 mars). Il serait intéressant de savoir ce que M. Larijani pense de la mort de ces quatre enfants musulmans au camp de Shangil Tobaya.

Ayman El Zawahri, numéro deux d’Al Qaeda, a récemment (New York Times, 25 mars) pressé les soudanais d’engager le Djihad contre la « croisade » perverse de l’Occident qui ne serait qu’une nouvelle excuse pour envahir une nouvelle terre de l’Islam.

Les organisations humanitaires expulsées

Ibrahim Safi est encore en vie et il fait partie des 75000 déplacés du cap Zamzam. Selon lui, « après Dieu, nous n’avons plus que les organisations humanitaires ». (New York Times, 23mars). Et elles seront bientôt parties…

Le général El Béchir les a expulsées parce qu’elles coopéreraient avec la CPI. En fait, le plan génocidaire du général prévoit depuis longtemps de se débarrasser de la gêne au plan international, causée par ces travailleurs humanitaires au Soudan qui tentent de maintenir en vie les survivants de ses crimes de guerre. Comme le rapporte un de ces humanitaires (Reuters, 5 mars) : « notre inquiétude est que le potentiel de témoignage que ces organisations ont sur le terrain va aussi disparaître ».

La seule information qu’elles aient donnée cependant à la CPI est simplement qu’elles étaient au Darfour. Eric Reeves, qui couvre l’histoire de cet holocauste africain relate (Sudan Tribune, 26 mars) que les expulsions des humanitaires par le général El Béchir « ont pour motif premier le souhait du régime d’éloigner les yeux du monde du Darfour ».

A la frontière du Darfour, Brad Phillips effectue depuis longtemps son ministère sur plusieurs fronts pour un nombre croissant de réfugiés de sa communauté. Le titre du dernier rapport sa fondation Persecution Project s’intitule : « Le peuple que le monde a oublié ». Quinze ans après le Rwanda, pourra-t-on éviter une solution finale ?

Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org

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