Dakar se souvient de Brigitte Bardot, entre mythe et controverses


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Brigitte Bardot
Brigitte Bardot

Dakar s’est réveillée ce dimanche au rythme d’une nouvelle venue de loin, portée par les ondes des radios internationales et les notifications des téléphones portables : Brigitte Bardot s’est éteinte à Saint-Tropez, dans le Var. À des milliers de kilomètres de La Madrague, la capitale sénégalaise a réagi avec émotion, curiosité et parfois distance à la disparition de celle qui fut l’un des visages les plus célèbres du cinéma français et une figure controversée de la vie publique.

A Dakar,

Dans les rues encore fraîches du Plateau, devant les boutiques qui lèvent leurs rideaux métalliques, la nouvelle circule de bouche à oreille. Les débats s’installent. Même si la CAN occupe les esprits et les échanges, le décès de Brigitte Bardot est au cœur de nombreuses discussions. Pour beaucoup à Dakar, la défunte n’est pas seulement une actrice : elle est un symbole d’une époque, d’une certaine France, admirée mais aussi critiquée.

Mamadou Ndiaye, commerçant de tissus au marché Sandaga, a appris la nouvelle par un client. À 52 ans, il se souvient surtout des images vues à la télévision dans sa jeunesse.
« Brigitte Bardot, c’était la beauté, le glamour. Même ici, en Afrique, on connaissait son nom sans avoir vu tous ses films. Quand on parlait du cinéma français, on citait Bardot avant beaucoup d’autres. Sa mort me rappelle que toute une époque s’en va. » Mamadou nuance toutefois : « Après, ses positions politiques, je ne les aimais pas. Mais on ne peut pas effacer ce qu’elle a représenté dans le cinéma ».

« Brigitte Bardot incarne la libération des mœurs »

À quelques rues de là, assis sur un banc à l’ombre d’un flamboyant, Cheikh Diop, professeur d’histoire à la retraite, regarde la circulation avec calme. Âgé de 68 ans, il replace la disparition de l’actrice dans un contexte plus large. « Brigitte Bardot est un personnage complexe. Elle incarne la libération des mœurs des années 1950 et 1960, une femme qui a osé vivre librement à une époque très codifiée. Mais elle incarne aussi les contradictions de la France contemporaine, avec ses propos parfois choquants. Sa mort est l’occasion de réfléchir à la manière dont on fabrique des icônes et comment elles vieillissent avec leur temps ».

Sur l’avenue Blaise-Diagne, Ibrahima Sow, vendeur de téléphones portables de 27 ans, admet ne connaître Bardot que de nom. « Honnêtement, ce n’est pas quelqu’un de ma génération. J’ai surtout vu son nom sur Internet, dans des articles qui parlaient de polémiques. Mais quand j’ai vu que le Président français lui rendait hommage, je me suis dit que c’était vraiment une grande figure. Ça montre l’influence culturelle de la France, même ici, parce que la nouvelle arrive jusqu’à nous ».

« Brigitte Bardot était une femme très belle »

Dans le quartier populaire de la Médina, Awa Fall, ménagère de 45 ans, évoque un souvenir plus intime. « Ma mère regardait ses films quand ils passaient à la télévision nationale il y a longtemps. Elle disait toujours que Brigitte Bardot était une femme très belle, mais aussi très triste. Quand j’ai appris sa mort, j’ai pensé à ma mère. Même si on ne partage pas sa culture, on partage les émotions à travers le cinéma ». Awa marque une pause avant d’ajouter : « Son combat pour les animaux, ça, je respecte. Elle a consacré sa vie à ça ».

Dans un atelier de menuiserie, l’odeur du bois fraîchement coupé accompagne les paroles de Seydou Ba, 39 ans. Pour lui, la disparition de Bardot est avant tout un fait médiatique. « Je n’ai jamais vu un de ses films en entier, mais son nom est partout aujourd’hui. Ça montre la puissance des médias. Une actrice française meurt et on en parle jusqu’à Dakar. Après, chacun juge selon ses valeurs. Moi, je retiens surtout qu’elle a défendu les animaux avec passion ».

Une beauté et une notoriété universelle

Marie-Thérèse, enseignante à la retraite installée à Dakar depuis plus de trente ans, a accueilli la nouvelle avec une vive émotion. Française d’origine, âgée de 72 ans, elle a grandi avec les films de Bardot. « C’est une part de ma jeunesse qui s’en va. Brigitte Bardot, c’était une liberté incroyable à l’écran, une audace rare. J’ai été choquée par certains de ses propos plus tard, mais je préfère me souvenir de l’artiste, de la femme qui a marqué le cinéma mondial. À Dakar, j’ai souvent parlé d’elle à mes élèves quand j’enseignais la littérature et le cinéma français ».

Au fil des témoignages, une même idée revient : Brigitte Bardot est perçue à Dakar comme un mythe lointain, parfois idéalisé, parfois contesté, mais toujours reconnu. Sa mort résonne comme celle d’une légende dont l’influence a franchi les frontières, portée par l’histoire, les images et les débats. La capitale sénégalaise, habituée aux échos du monde, observe ainsi la disparition d’une icône française avec un regard mêlé de respect, de distance critique et de mémoire partagée. À Dakar, comme ailleurs, Brigitte Bardot laisse derrière elle une trace indélébile, faite d’une beauté et d’une notoriété universelle.

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Une plume qui balance entre le Sénégal et le Mali, deux voisins en Afrique de l’Ouest qui ont des liens économiques étroits
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