Dakar, capitale de l’art contemporain africain


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Ousseynou Wade, secrétaire général du Dak'art

La biennale de l’art africain contemporain, Dak’art, a ouvert ses portes, vendredi, à Dakar. Une semaine de rencontres, d’échanges et d’expositions pour promouvoir les plus grands talents du continent. Ousseynou Wade, secrétaire général de l’événement, revient sur l’esprit de ce grand rendez-vous artistique où l’art numérique occupe, cette année, une large place.

De notre envoyé spécial à Dakar

L’art contemporain africain s’est donné rendez-vous à Dakar. Dak’art 2004, sixième édition du genre, a ouvert ses portes, vendredi, au Sénégal. Conférences, expositions, rencontres In et Off, rythmeront une semaine de festivités. Cette année, le public pourra admirer les œuvres tout au long du mois de mai. Ousseynou Wade, secrétaire général de l’événement, explique l’essence de la biennale et la spécificité du cru 2004 où l’art numérique s’est invité en force.

Afrik : Quel est l’esprit de la biennale?

Ousseynou Wade :
C’est d’abord un esprit d’ouverture. C’est un espace, au Sénégal, dédié à l’Afrique pour des productions artistiques dont la validation est soumise à l’appréciation de professionnels internationaux. Entendu qu’ici nous parlons d’art contemporain et non pas d’art africain. Lorsque nous parlons d’art contemporain, nous voulons faire la distinction avec cette idée d’art premier, d’art traditionnel (à l’image des masques) tel qu’un certain nombre d’occidentaux perçoivent la création africaine.

Afrik : Le Off a pris de plus en plus d’ampleur dans la biennale. Si bien qu’on peut se demander s’il ne fait pas de l’ombre à la programmation officielle ?

Ousseynou Wade :
Le Off ne fait jamais d’ombre au In, il participe à la valorisation du festival. Il n’y a pas de rivalité entre le Off et le In, mais une complémentarité. Ce sont deux facettes d’un même événement. Nous nous faisons d’ailleurs l’écho de la programmation du Off qui pourtant est tout à fait indépendant et se finance de lui-même.

Afrik : De nombreux artistes se concentrent uniquement sur le Off, sans même chercher à être dans la sélection officielle. Cela témoigne bien d’une certaine rivalité…

Ousseynou Wade :
Ce sont des artistes qui savent bien que la biennale est un large espace de présentation et de confrontation de travaux artistiques. Il est important que des artistes choisissent de rester dans le Off. Parce qu’ils comprennent qu’ils ne peuvent pas adopter une attitude de réserve par rapport à l’événement, qui reste avant tout la sélection officielle. Celle-ci devient un prétexte pour un ensemble d’artistes pour essayer de s’approprier des espaces libérés par le In. S’il n’y avait pas le In il n’y aurait pas le Off.

Afrik : Les expositions sont situées au Centre international du commerce extérieur du Sénégal (Cices). Un lieu très excentré par rapport au centre-ville. N’est-ce pas là un frein au succès de la biennale?

Ousseynou Wade :
Le lieu est une contrainte. Un autre lieu poserait d’autres types de contraintes. Ici elles sont liées à l’éloignement du site d’exposition. Ailleurs, le problème se serait posé en terme de surface d’exposition.

Afrik : Quelles actions avez-vous mis en place pour faire découvrir l’art contemporain aux Sénégalais ?

Ousseynou Wade :
Afin de participer à l’éducation artistique des jeunes et pour éduquer leur sensibilité, nous avons mis en place un système de visites scolaires pour qu’ils puissent venir voir les œuvres pendant tout le mois du Dark’art. Le fait que nous ayons décidé de prolonger la durée des expositions de dix jours à un mois répond aussi à notre souci d’offrir plus de temps aux populations locales, aux visiteurs, aux touristes ou amateurs d’art contemporain pour découvrir les œuvres.

Afrik : Les personnes venues voir la biennale, critiques, acheteurs ou collectionneurs, sont essentiellement des Occidentaux. L’art contemporain africain n’intéresse-t-il pas les Africains ?

Ousseynou Wade :
Il n’y a pas de musées d’art contemporain, ni de revues spécialisées, ni de véritables écoles de formation en Afrique. Il y a un certain nombre d’éléments qui manquent pour asseoir une politique de promotion et de validation de l’art contemporain africain.

Afrik : Par rapport à la sélection officielle, il y a beaucoup d’œuvres multimédia. Est-ce pour s’adapter au marché international, dont c’est actuellement la grande tendance, ou est-ce véritablement le reflet d’une réalité africaine ?

Ousseynou Wade :
Ce qui se passe aujourd’hui est caractéristique de l’ouverture des artistes africains sur le monde. Les progrès scientifiques et techniques sont des valeurs universelles. Les supports qu’offrent les nouvelles technologies de l’information, dans le domaine de la création artistique, montrent bien la curiosité, la capacité d’adaptation et la capacité d’innovation de nos artistes. Nombre d’entre eux en sont encore à la peinture, à la sculpture ou à la photo et c’est heureux. Mais nous souhaitons, à travers la biennale, faire découvrir la pluralité de propositions et la richesse de l’inspiration africaine.

Afrik : Quels types d’œuvres multimédia seront présentées ? Et une telle spécificité n’induit-elle pas de nouvelles façons de penser la manière d’exposer ?

Ousseynou Wade :
Nous avons beaucoup de vidéo. Nous n’avons pas encore d’œuvres interactives. Cela devient de plus en plus lourd à gérer parce que l’équipement qui va avec, pour bien présenter la production, diffère par rapport aux traditionnels systèmes d’accrochage ou de socles. Il faut désormais des équipements techniques -images et son – pour exposer les oeuvres.

Afrik : Au rang des principaux pôles d’attraction du Dark’art, on voit cette année apparaître le Dak’art Lab. Pourriez-vous nous expliquer exactement de quoi il s’agit ?

Ousseynou Wade :
Le Dak’art Lab a comme objet les arts électroniques, pris dans une dimension de réflexion. Pour définir plus précisément le concept et explorer les implications, notamment en matière de droit d’auteur, de diffusion, de conservation, de formation. Le Dak’art Lab est également un espace d’initiation et de créations. Nous pensons y développer des projets après la biennale. Le tout en relation avec un certain nombre d’experts sur les arts électroniques et des technologues (experts en technologie de la communication, ndlr).

Visiter le site du Dak’art 2004.

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