Cybercriminalité : Interpol frappe fort contre les réseaux d’escroqueries en afrique


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Cybersécurité en Afrique
Cybersécurité en Afrique

En quelques mois seulement, Interpol a mené deux opérations d’envergure contre la cybercriminalité en Afrique. Après l’arrestation de plus de 1 200 personnes lors de l’opération « Serengeti 2.0 » en août, 260 nouveaux suspects ont été interpellés en septembre dans le cadre de l’opération « Contender 3.0 ». Ces coups de filet révèlent l’ampleur inquiétante des arnaques sentimentales et de la sextorsion en ligne, devenues de véritables fléaux continentaux.

L’Afrique est devenue en quelques années l’épicentre mondial de la criminalité numérique organisée. Selon Interpol, la cybercriminalité représente aujourd’hui plus de 30 % des crimes signalés en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Face à cette explosion, l’organisation internationale de police criminelle a intensifié ses opérations coordonnées, aboutissant à des résultats spectaculaires mais révélateurs de l’ampleur du phénomène.

« Serengeti 2.0 » : un premier coup de massue historique

Entre juin et août 2025, l’opération « Serengeti 2.0 », coordonnée par Interpol, a mobilisé les forces de l’ordre de 18 pays africains ainsi que le Royaume-Uni, aboutissant à 1 209 arrestations et près de 97,4 millions de dollars récupérés.

Les enquêteurs ont ciblé les formes les plus sophistiquées de cybercriminalité. En Angola, les autorités ont fermé 25 centres de minage de cryptomonnaies, dans lesquels des opérateurs chinois validaient illégalement des transactions sur la blockchain, pour une valeur estimée à 37 millions de dollars. En Zambie, un réseau responsable d’une arnaque en ligne à l’investissement a été démantelé, identifiant 65 000 victimes ayant perdu au total 300 millions de dollars.

La Côte d’Ivoire n’a pas été épargnée. Une opération y a montré que « l’une des fraudes en ligne les plus anciennes« , les escroqueries liées aux héritages, continue de rapporter gros aux organisations criminelles, avec un préjudice total estimé à 1,6 million de dollars pour les victimes.

« Contender 3.0 » : la bataille contre les arnaques du cœur

Quelques semaines plus tard, en septembre 2025, Interpol lançait l’opération « Contender 3.0« , ciblant spécifiquement les escroqueries sentimentales et la sextorsion en ligne. Cette opération s’est déroulée entre juillet et août dans 14 pays, mobilisant les forces de police locales sous la coordination de l’organisation internationale.

Les résultats sont édifiants : 260 arrestations, le démantèlement de 81 réseaux criminels, et l’identification de 1 463 victimes. Le préjudice financier est estimé à près de 2,8 millions de dollars américains.

Au Sénégal, un réseau a été démantelé après avoir usurpé l’identité de célébrités pour piéger ses cibles, avec 22 personnes arrêtées. Le mode opératoire consistait à utiliser « la manipulation émotionnelle sur les réseaux sociaux et les plateformes de rencontre pour escroquer 120 victimes d’environ 34 000 dollars américains« .

Concernant la sextorsion, le Ghana a été identifié comme un foyer important de cette pratique, avec 68 arrestations, suivi par la Côte d’Ivoire où 24 suspects ont été interpellés. Les escrocs « secrètement enregistrent des vidéos intimes lors de discussions en ligne« , puis exigent des paiements pour ne pas les diffuser publiquement.

L’essor inquiétant des « brouteurs » et des romance scams

Les arnaques sentimentales, communément appelées « romance scams » ou perpétrées par des « brouteurs » en Afrique de l’Ouest, ont connu une évolution préoccupante. Ces cybercriminels créent de faux profils séduisants sur les sites de rencontres et réseaux sociaux, établissent des relations émotionnelles factices avec leurs victimes avant de leur soutirer de l’argent sous divers prétextes.

Interpol alerte sur une hausse préoccupante de ces cybercrimes, qui exploitent la vulnérabilité émotionnelle et intime des victimes. La sophistication de ces arnaques s’est accrue avec l’utilisation de l’intelligence artificielle, comme l’explique Enrique Hernandez Gonzalez, sous-directeur de la cybercriminalité à Interpol : « L’intelligence artificielle rend aujourd’hui le cybercrime accessible à des personnes sans compétence technique« .

Un récent scandale au Canada illustre l’internationalisation de ces réseaux. Un documentaire de Radio-Canada a révélé le démantèlement d’un vaste réseau d’arnaques sentimentales impliquant plus de 200 personnes, dont certaines originaires de Côte d’Ivoire et du Bénin. Selon le reportage, les fraudeurs s’inscrivaient dans des universités québécoises mais ne fréquentaient pas les cours, ciblaient leurs victimes sur Facebook, puis transféraient les conversations sur WhatsApp pour établir de fausses relations amoureuses.

Un défi continental aux multiples facettes

Cette cybercriminalité africaine ne se limite pas aux arnaques sentimentales. Selon un rapport publié en juin, les menaces identifiées incluent les escroqueries en ligne, les sextorsions numériques, les rançongiciels et la compromission de boîtes mails professionnelles.

Interpol affirme que ces actions coordonnées démontrent une volonté claire des États africains de prendre le taureau par les cornes face à une criminalité numérique transnationale en forte croissance. Toutefois, le nombre impressionnant d’arrestations révèle paradoxalement l’étendue du problème : derrière chaque réseau démantelé, d’autres continuent d’opérer dans l’ombre, exploitant la vulnérabilité de victimes du monde entier.

Masque Africamaat
Spécialiste de l'actualité d'Afrique Centrale, mais pas uniquement ! Et ne dédaigne pas travailler sur la culture et l'histoire de temps en temps.
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