Criss Niangouna, acteur total


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Le coeur des enfants-léopard
Le coeur des enfants-léopard

Le comédien congolais est dirigé par son frère, Dieudonné, dans une pièce bouleversante, à Paris.

Il est seul en scène pendant une heure. Il crie, transpire, s’interroge, se malmène, se maltraite. Il est seul en scène pendant une heure mais on a l’impression que le plateau est rempli. Il incarne le personnage principal, anti-héros de banlieue paumé dans un commissariat. Il incarne le livre de Wilfried N’Sondé, Le cœur des enfants léopards, à lui tout seul. Il respire le théâtre, il exhale le théâtre. Il vit le théâtre. Et lorsqu’il retrouve ses amis au bar, après la représentation, il n’est toujours pas « redescendu ». Il flotte dans un entre-deux temporel et spatial. Et se raconte avec des gestes, grands et déliés, et avec un regard qui brûle encore.

Criss Niangouna est la révélation, brute de décoffrage, de la pièce mise en scène par son frère, Dieudonné. C’est surtout ce dernier que l’on connaît, acteur, dramaturge, metteur en scène subtile et profond, que le public a adoubé à Avignon en 2007 et 2009. Les deux frères ont commencé le théâtre en même temps. « Je suis comédien depuis 19 ans. Avec Dieudonné, qui a un an de moins que moi, on a découvert le théâtre à Brazzaville, à la fin des années 80. Ma première claque théâtrale, je l’ai prise au CM2, en allant voir Le Bal de Djinga, de Sony Laboutansy. Je suis tombé KO ! En 1993, lors de la première guerre civile que j’ai eue à vivre, l’un de nos cousins s’est caché chez nous, il faisait du théâtre et me fascinait. Ça ma donné envie. A l’époque, il n’y avait pas d’écoles institutionnelles, mais différentes troupes qui ont fait référence. On a pris un peu de chaque compagnie. » Criss et Dieudonné vont donc se frotter à la pantomime, au travail sur le corps, au théâtre classique, ex-colonial et exotique, et à la troupe du célèbre Sony Laboutansy. « On est le produit de toutes ces écoles », résume le comédien.

« Théâtre engagé et engageant »

En 1998, « au sortir de la troisième guerre civile, on a décidé de monter notre propre compagnie, Les bruits de la rue, qui existe toujours. On s’ennuyait dans les forêts dans lesquelles on s’était réfugiés ! On voulait faire du théâtre plus engagé et plus engageant. A Brazza, le théâtre n’était pas assez délirant, osé. Nous, on voulait y passer nos folies et nos coups de gueule ! » C’est ainsi que les frères se font remarquer, de scènes nationales bientôt internationales : on les voit à Limoges, Avignon, Paris. Le duo est lancé. « je suis arrivé au théâtre par une rue que j’ai prise au hasard », avoue Criss. « Mais c’est ce que je voulais faire, même si j’ai passé une licence en aménagement de l’espace pour calmer ma mère… le théâtre, c’est cette possibilité de repartir dans l’enfance, l’adolescence et même parfois d’avoir un âge que je n’ai pas encore atteint… »

À 36 ans, Criss Niangouna aimerait jouer Estragon dans En attendant Godot de Beckett et…. Attitude clando, texte fiévreux écrit par son frère. « Au départ, il l’a écrit pour moi mais les circonstances ont fait qu’il a choisi de le jouer à Avignon. Ça a été un tel succès, qu’il faut que j’attende que ça retombe », précise-t-il avec malice. Un autre rêve ? Interpréter Fela sur scène. Nul doute que le parcours de ce musicien flamboyant lui irait comme un gant. « Etre comédien, c’est tout pour moi. Ça m’aide à garder une grosse part de rêve et de folie, dans cette société tellement codée. C’est ma vie. La chose à ne pas m’enlever. »

Le cœur des enfants-léopard, de Wilfried N’Sondé / Dieudonné Niangouna, au Tarmac de la Villette.

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