Crise Bénin-Niger : la réponse de Niamey à l’arrestation de ses cinq ressortissants


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Colonel-major Abdramane Amadou, Porte-parole du CNSP
Colonel-major Abdramane Amadou, Porte-parole du CNSP

Depuis la levée des sanctions de la CEDEAO contre le Niger, c’est la tension entre ce pays et le Bénin qui fait la une des médias. Le dernier événement dans la passe d’armes entre les deux pays est la sortie médiatique du porte-parole du CNSP qui a émis un communiqué en réaction à l’interpellation de cinq Nigériens sur la plateforme de Sèmè-Kpodji.

La crise Bénin-Niger vient de livrer un nouvel épisode avec la sortie, ce samedi soir, du porte-parole du CNSP, le colonel-major Abdramane Amadou. Comme à chacune de ses apparitions sur la chaîne de télévision publique nigérienne, l’homme au calot bleu d’officier de l’armée de l’air nigérienne avait pour mission de porter à la connaissance des Nigériens et au-delà le dernier communiqué pondu par le CNSP dans le cadre de la tension entre le Niger et le Bénin.

Le CNSP accuse…

Abdramane Amadou a, dans un premier temps, rappelé les trois accords principaux encadrant l’exportation du pétrole brut nigérien par le pipeline reliant le port de Sèmè-Kpodji aux puits de pétrole situés dans l’Agadem. Il s’agit de : l’accord bilatéral entre la République du Niger et la République du Bénin relatif à la construction et l’exploitation d’un système de transport des hydrocarbures par pipeline du 23 janvier 2019 ; l’accord du gouvernement hôte relatif à la construction et à l’exploitation d’un système de transport des hydrocarbures par pipeline entre la République du Bénin et la West African Oil Pipeline Company Benin du 5 août 2019 ; et la convention de transport entre la République du Niger et la West African Oil Pipeline Company Niger relative au système de transport des hydrocarbures par canalisation Niger-Bénin du 15 septembre 2019.

En rappelant ces différents accords, le communiqué insiste sur le fait qu’ils n’ouvrent à aucun moment la possibilité pour l’un des contractants de bloquer le fonctionnement normal du système de transport des hydrocarbures. « Même un éventuel conflit entre le Niger et le Bénin ne saurait de droit justifier une entrave au fonctionnement du système de transport », a insisté le colonel. Poursuivant sur cette même lancée, il a martelé qu’« aucun lien ne peut être fait entre la fermeture par le Niger pour raison de sécurité de sa frontière avec le Bénin et le fonctionnement régulier du système de transport des hydrocarbures par pipeline entre le Niger et le Bénin ».

Ce que ne semble pas comprendre, à en croire le communiqué, le Président Patrice Talon qui, de l’avis du CNSP, « multiplie les violations des accords que son pays a souscrits en usant de subterfuges discréditant sa signature, renforçant ainsi les très mauvais préjugés distillés par les ennemis de l’Afrique sur le non-respect des engagements librement pris ».

… et dénonce un kidnapping et une prise en otage

Revenant sur l’arrestation de cinq ressortissants du Niger sur le site du terminal de Sèmè-Kpodji, le communiqué parle d’un kidnapping d’une équipe de WACPO Niger qui était en mission officielle de supervision et de contrôle des chargements sur demande expresse et insistante de la CNPC. « Il s’agit de Madame Aminou Hadiza Ibra, directrice générale adjointe de WAPCO Niger ; Monsieur Ismaël Cissé Ibrahim, inspecteur pétrolier ; Monsieur Mousbahou Dankané, inspecteur pétrolier ; Monsieur Seydou Harouna Oumarou, ingénieur pétrolier, cadre de WAPCO Niger ; et Monsieur Abdelrazak Djibo, ingénieur pétrolier, cadre de WACPAO Niger, », précise le communiqué.

Pour le porte-parole, ces cadres sont venus au Bénin à bord d’un vol régulier après avoir rempli les formalités d’usage tant à l’aéroport de Niamey qu’à celui de Cotonou. « C’est par un communiqué de presse du procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme de Cotonou en date du 6 juin 2024 que le monde entier a appris avec stupeur que ce kidnapping suivi de prise d’otages serait justifié par une prétendue planification d’actes d’atteinte à la sûreté de l’État du Bénin », a martelé le porte-parole du CNSP. Avant d’ironiser, embarquant même les Chinois dans l’aventure : « Les Nigériens et les Chinois se seraient ainsi associés en terre béninoise pour porter atteinte à la sûreté de l’État du Bénin en sabotant leur propre bien ».

« Pousser le Niger à la faute »

De l’avis du CNSP, le Président béninois, Patrice Talon, sous l’instigation des puissances étrangères « multiplie les provocations (…) ne dit mot des bases abritant les forces françaises subversives de déstabilisation installées au Bénin le long de notre frontière commune, bases à partir desquelles les vrais terroristes formés et équipés par des puissances étrangères mènent des raids meurtriers contre nos forces de défense et de sécurité et nos populations civiles ». La junte va plus loin dans ses accusations vis-à-vis de Patrice Talon, avançant que « les chantages, les manœuvres dilatoires et tout récemment le kidnapping suivi d’otages ne sont en réalité que des pièges usités que le Président Patrice Talon utilise aujourd’hui pour pousser le Niger à la faute et donner ainsi un prétexte à ses commanditaires pour y stopper la conquête de la souveraineté et de l’indépendance du Niger et au-delà, des États membres du Sahel ».

Le Niger promet d’utiliser tous les moyens pour obtenir la libération sans condition de ses citoyens arrêtés au Bénin et appelle, pour finir, la partie chinoise à prendre ses responsabilités pour le respect des clauses contractuelles.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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