Côte d’Ivoire : réticents à rentrer chez eux


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Le conflit s’est atténué à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire, mais de nombreuses personnes parmi les milliers de déplacées sont encore trop effrayées pour rentrer chez eux.

La peur des hommes en uniforme, la peur des armes qui continuent toujours à circuler, et la peur des munitions et engins non explosés (UXO) empêchent les habitants d’Abidjan de rentrer chez eux, ont dit des personnes déplacées à IRIN.

Des habitants d’Abobo et de Yopougon ont dit à IRIN que des armes circulent toujours dans certains des quartiers qui ont été témoins des combats les plus violents entre les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) du président Alassane Ouattara, les combattants de l’ancien président Laurent Gbagbo et d’autres milices.

Des UXO ont été identifiés par la Mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) sur 60 sites répartis dans la ville, y compris près des hôpitaux, des écoles, des entreprises et dans des domiciles.

Le 21 mai, le Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, s’est rendu à l’Union des Eglises évangéliques, qui abrite 160 personnes déplacées à Cocody, un quartier à l’est d’Abidjan. Cécile Bla, 48 ans, a fui Yopougon pour s’y réfugier.

La maison et l’entreprise de Mme Bla – elle vendait des produits de beauté – ont été pillées, la laissant totalement démunie. Elle prépare désormais des beignets pour les vendre afin de subvenir aux besoins de ses cinq enfants.

« J’ai tout perdu…Je sais que je dois commencer une nouvelle vie, mais cela ne pourra pas arriver avant qu’on ne me garantisse une meilleure sécurité ». La vie revient lentement à la normale à Yopougon, et les rues se remplissent, mais les voisins de Mme Bla l’appellent régulièrement pour lui dire que des hommes armés surgissent inopinément dans leur quartier, ce qui l’effraie. Selon les Nations Unies, il y a eu des rapports faisant état d’agressions sporadiques commises à l’encontre de civils à Yopougon et Abobo.

Des membres des FRCI tiennent toujours des postes de contrôle à Yopougon, pour maintenir la paix ; et des patrouilles combinées de l’ONUCI, des forces françaises de la Licorne et des gendarmes de l’ancien président Laurent Gbagbo patrouillent dans les rues de la capitale ; mais de nombreux habitants sont toujours effrayés, et non rassurés, par les hommes en uniforme.

Toujours traumatisés

Certains témoins de violences sont toujours traumatisés. Habiba Kanté, 36 ans, est restée dans le quartier d’Abobo pendant de violents combats avant de se réfugier dans l’église. Elle sursaute maintenant de peur à chaque fois qu’elle entend un klaxon de voiture.

« C’est comme revivre la guerre. Je sais que je dois démarrer une nouvelle vie et que je dois rentrer chez-moi, mais je ne peux pas le faire avant qu’on me garantisse que c’est un lieu sûr, et que les armes ne circulent plus dans les rues », a-t-elle dit à IRIN.

Le pasteur Michel Loh, qui gère le camp situé dans l’église, essaie d’aider les enfants à se remettre en montant une école temporaire pour eux. Le fait d’aller à l’école peut contribuer au rétablissement psycho-social des enfants. Aisha Diakité, la fille âgée de sept ans de Mme Kanté, pourrait réussir à terminer son année scolaire plutôt que de rater une année, a dit M. Loh.

Enlever les UXO

Pour permettre aux gens de rentrer chez eux, une équipe conjointe de l’ONUCI et des FRCI essaie de nettoyer les sites en enlevant les bombes, grenades et mines non explosées, selon Hamadoun Touré, porte-parole de l’ONUCI. Une quarantaine de sites ont été nettoyées sur un total de 60 signalées jusqu’à présent, mais les signalements [d’UXO] continuent à augmenter, a dit le colonel Rayes Koshavsky de l’ONUCI.

L’équipe nettoiera des sites à l’extérieur d’Abidjan une fois qu’ils auront débarrassé la capitale économique des engins explosifs, a dit M. Touré.

M. Ban Ki-moon et Jacques Franquin, chef du bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à Abidjan, ont souligné que pendant ce temps, il n’y avait pas d’urgence à rentrer chez soi. « Personne ne sera obligé de rentrer tant qu’il ne se sent pas prêt », a dit M. Ban Ki-moon aux familles déplacées. « Beaucoup d’entre vous ont tout perdu, et ont été témoins de choses terribles. Vous devez vous rétablir pour pouvoir essayer de revivre une vie normale ».

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