Côte d’Ivoire : l’Accord de Pretoria débouche sur un cessez-le-feu…


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Carte de la Côte d'Ivoire (moitié sud)
Carte de la Côte d'Ivoire (moitié sud)

Après quatre jours de discussions en Afrique du Sud, le pouvoir, l’opposition et les ex-rebelles ivoiriens sont parvenus à un accord. Les discussions de Pretoria, supervisées par le médiateur et Président sud-africain Thabo Mbeki, marquent notamment la fin de la guerre et le prochain désarmement des rebelles et des milices. Mais la question de l’éligibilité à la présidence ne devrait être résolue que dans une dizaine de jours.

« Les parties ivoiriennes signataires du présent Accord de Pretoria déclarent solennellement la cessation immédiate et définitive des hostilités et de la guerre sur tout le territoire national. » Cette déclaration a été le principal gain des quatre jours de discussions qui ont réuni, dans la capitale sud-africaine, le pouvoir, l’opposition et l’ex-rebellion (Forces nouvelles) ivoiriens. Si le médiateur de la crise et Président sud-africain Thabo Mbeki est parvenu à obtenir ce préalable, il n’a pas pu rassembler les différentes parties autour de l’épineuse question de l’éligibilité. Si ce problème parvient à être réglé, l’Accord de Pretoria aura réussi là les accords de paix de Marcousssis (France) et d’Accra I, II et III (Ghana) ont échoué.

Rencontre entre les Fanci et les FN pour désarmer

Etaient notamment présents à cette rencontre : le Président Laurent Gbagbo (Front populaire ivoirien, FPI), l’ancien chef de l’Etat Henri Konan Bedie, le leader du Rassemblement des républicains (RDR, opposition) Alassane Ouattara et le numéro des Forces nouvelles (FN, ex-rebellion). Ils sont parvenus à s’entendre sur 18 points, parmi lesquels ceux ayant trait à la pacification du pays. Les protagonistes reconnaissent en effet que la guerre est terminée. La situation dans le pays était devenue très tendue depuis que les forces de Laurent Gbagbo ont attaqué, en novembre dernier, des positions rebelles dans le Nord, sous contrôle des Forces Nouvelles. Une peur d’offensive de la part du camp adverse aurait alors provoqué une course larvée à l’armement.

L’Accord de Pretoria devrait entraîner le désarmement des Forces nouvelles, mais aussi des milices. « Le désarmement des Forces nouvelles est une bonne chose, car elles ne sont pas une armée régulière. Mais il était aussi très important de décider que toutes les milices aussi soient désarmées, que ce soient les Patriotes (proche du pouvoir, ndlr), ou celles du MPCI (Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire, ndlr) », commente Patrick Ngouan, président de la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (Lido). Le 14 avril prochain, les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci) et les FN se rencontreront pour jeter les bases du « Plan national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (PNDDR) ». Reste à voir si ce Plan pourra être mis en œuvre, les précédentes tentatives ayant achoppé.

Et l’article 35, alors ?

Les milices sont par ailleurs difficiles à identifier, ce qui ne va pas faciliter l’opération, qui sera menée par le Premier ministre Seydou Diarra. « Le désarmement ne sera pas facile car les éléments quantifiés sont plus importants que ce qu’il semble à première vue. Il faut que des spécialistes recensent les effectifs, avant de commencer le désarmement », poursuit Patrick Ngouan. Quelque 600 personnes qui auront déposé les armes pourront bénéficier d’un programme de formation de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (Onuci) qui leur permettra de « garantir la sécurité des biens et des personnes au Nord ». Par la suite, il leur a été promis une carrière de policier ou gendarme, « dès que l’administration de l’Etat sera rétablie sur l’ensemble du territoire national », précise l’accord.

Malgré la promesse de désarmement qui semble poindre, la Lido indique que les Ivoiriens ne sont pas complètement satisfaits. « Ils restent, comme nous (la Lido, ndlr) sur leur faim parce que seul un petit consensus a été atteint au surjet de l’article 35 », souligne Patrick Ngouan. Car cet article a trait aux conditions d’éligibilité, un sujet plus que sensible. Sensible et lourd de conséquences : selon son adoption ou son rejet, Alassane Ouattara pourrait ou non être candidat à la présidentielle, prévue en octobre prochain. Le principal opposant du Président n’avait pas pu concourir à la présidentielle en 2000, car soupçonné d’avoir un des ses parents Burkinabè.

Le pays « pris en otage » par les politiques

Laurent Gbagbo souhaite en effet que la réforme de l’article 35 soit soumis à référendum, comme le prévoit la constitution, alors que l’opposition et les Forces nouvelles se prononcent pour une promulgation immédiate. Au final, le chef de l’Etat se satisfait de la rencontre, qui lui a donné, selon lui, raison. « Si on doit changer la Constitution, ou la modifier en tel ou tel article, on la modifie selon les règles constitutionnelles. J’ai défendu ce point, qui a prévalu. Donc la constitution est inchangée, la Constitution n’est pas touchée », a-t-il déclaré, d’après les propos recueillis par l’Agence France Presse.

C’est le chef de l’Etat sud-africain Thabo Mbeki qui, en sa qualité de médiateur, devra régler la discorde causée par l’article 35 lors d’une rencontre, dans les jours prochains, avec le Secrétaire général des Nations Unies, le Ghanéen Kofi Annan, et le président de l’Union africaine, le numéro un nigérian Olusegun Obasanjo. Même si le litige de cet article est réglé, la Lido estime que la victoire ne sera pas complète. « La Commission électorale indépendante n’est composée que de personnalités politiques, alors que nous avons demandé à plusieurs reprises que la société civile y soit intégrée. Cette même société civile, et les ONG (organisations non gouvernementales, ndlr) comprises, a par ailleurs aussi été écartée des négociations de paix, alors qu’elle a demandée à y être représentée. Ce n’est pas démocratique. On ne peut pas laisser Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédier, Alassane Ouattara et Guillaume Soro décider de l’avenir du pays seuls. Ils nous ont véritablement pris en otage pour servir leurs propres intérêts », s’insurge Patrick Ngouan. Si l’Accord de Pretoria débouche réellement sur une paix sur le papier, il se peut donc qu’elle ne soit pas valide dans le cœur des Ivoiriens.

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