Conflit au Nord-Kivu : « La situation humanitaire est catastrophique »


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Julien Paluku, le gouverneur du Nord-Kivu, province située à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) a récemment appelé la communauté internationale à l’aide. Dénonçant le « silence coupable » de celle-ci, il fustige les discours de la communauté internationale qui « frisent le désintéressement face au drame humanitaire et sécuritaire que connaît la partie orientale de la RDC ». Malgré la bonne volonté de la communauté internationale, qui a publié une tribune dans Le Monde daté de mercredi 26 décembre, les ONG et organisations gouvernementales peinent à secourir les 500 000 déplacés, dont 100 000 présents dans des camps, à cause des problèmes de sécurité. Philippe Ryfman, professeur et chercheur au Centre des recherches politiques de la Sorbonne, analyse pour Afrik.com la situation humanitaire déplorable du Nord-Kivu.

Le gouverneur du Nord-Kivu accuse. Julien Paluku raille le « silence coupable » de la communauté internationale dont les discours « frisent, selon lui, le désintéressement face au drame humanitaire et sécuritaire que connaît la partie orientale de la RDC ». Pourtant dans une tribune publiée dans Le Monde daté de mercredi 26 décembre, des personnalités comme les ex-présidents français et sénégalais, Jacques Chirac et Abdou Diouf, ont enjoint l’ONU d’élargir les prérogatives des casques bleus de sorte à leur permettre d’intervenir directement dans le conflit qui mine la province de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). En attendant une hypothétique résolution des Nations unies, les 500 000 déplacés du Kivu, dont 100 000 placés dans des camps, sont frappés par une crise humanitaire.

Interrogée ce jeudi par Afrik.com, une journaliste basée au Nord-Kivu nous confirme le désastre humanitaire. « La situation humanitaire est catastrophique. Il y a beaucoup de déplacés qui n’ont pas d’assistance, dont 100 000 dans des camps ». Et de poursuivre : « La situation est mauvaise et critique à cause notamment de la pluie, nous nous trouvons également en période de froid ». Avant de préciser : « S’ils se sont déplacés c’est parce qu’ils ne peuvent pas rester dans leur milieu d’origine en proie à l’insécurité ».

Les déplacés vivent le martyr

Qui sont-ils ? « Ils sont tous Congolais. Parmi les déplacés, se trouvent des femmes pour la majorité, mais aussi des enfants. Ils sont tous démunis et vulnérables », souligne-t-elle.

Les femmes sont souvent violées. Les derniers massacres et viols ont été perpétrés par des militaires incontrôlés la troisième semaine du mois de décembre 2012. Les camps des déplacés, situés dans les villages de Mugunga et Minova sont souvent pillés. L’occasion pour les militaires incontrôlés d’en profiter pour en outre violer les femmes.

Hormis les problèmes de sécurité, ces déplacés rencontrent par ailleurs d’autres problèmes, c’est-à-dire : d’alimentation, de logement et d’éducation.

Comment s’organise l’assistance ?

« Plusieurs ONGs internationales assistent ces populations. Parmi elles, les principales : le Programme alimentaire mondial (PAM), World Vision, le HCR, l’Unicef, et les églises méthodistes », déclare à Afrik.com cette journaliste vivant au Nord-Kivu.

Les ONGs au Nord-Kivu s’affairent donc à venir en aide aux déplacés.
« Le Programme alimentaire international distribue des vivres, parfois pillés par les éléments militaires incontrôlés, aux déplacés. Tout comme l’église méthodiste et World vision ». D’autres organisations humanitaires, comme le Haut commissariat aux réfugiés, « construisent des abris provisoires, des bâches, et autres maisonnettes équipées d’installations sanitaires », nous fait-elle part.

Enfin, « l’Unicef s’occupe de l’éducation des enfants en établissant des écoles d’infortune pour assurer des cours d’enseignement accéléré ».

« Le travail des humanitaires est souvent perturbé par le conflit »

Mais, le travail des humanitaires est souvent perturbé par le conflit présent dans cette zone occupée par divers groupes armés, dont le Mouvement du 23 mars (M23). Les mutins du M23 affrontent depuis le mois de mai les Forces armées de la République démocratique du Congo (RDC).

« La configuration particulière du Kivu fait que ces rebelles ne considèrent pas la Monusco (la Mission de l’ONU en RDC) comme des forces impartiales, mais la considèrent souvent comme prenant partie du gouvernement congolais », constate Philippe Ryfman, professeur et chercheur au Centre des recherches politiques de la Sorbonne. [[Philippe Ryfman, « Une histoire de l’humanitaire », éditions La Découverte, Septembre 2008]]. « D’où les précautions prises par les agences des Nations unies, comme le HCR (Haut commissariat aux réfugiés) et l’Unicef, (qui) sont très attentives par rapport aux conditions de sécurité de leurs salariés. Ce qui n’est pas le cas des organisations non gouvernementales », affirme le spécialiste de l’humanitaire.

L’humanitaire au Nord-Kivu c’est une activité qui présente divers risques. Pour, par exemple, distribuer l’aide alimentaire, « il faut analyser les degrés de dangerosité du personnel et des populations car la distribution de l’aide humanitaire peut devenir problématique.
Un foyer de situation qui peut pousser les groupes armés à procéder à des bombardements », confie à Afrik.com Philippe Ryfman. « Les actions humanitaires dans cette situation appliquent une série de procédure propre à chaque organisation pour ne pas franchir le seuil de sécurité. Mais, c’est difficile de savoir au Kivu quel est le degré de risque », ajoute le professeur et chercheur au Centre des recherches politiques de la Sorbonne.

« A quelques kilomètres près, en fonction des groupes concernés, de la présence ou non des casques bleus cantonnés à proximité ou non, le risque varie. Mais il existe des plans de contingence qui prévoient des stocks pour ne pas multiplier les déplacements sur les routes. Les humanitaires utilisent ainsi tous les moyens technologiques actuels (radio, téléphone, cartographie, etc.) pour essayer de localiser la population, car au Kivu les gens se déplacent souvent par petits groupes, notamment dans la jungle, ce qui complexifie davantage l’assistance », conclut le spécialiste de l’humanitaire.

Le conflit au Nord-Kivu dure depuis plus de 10 ans. Les ressources minières rares de cette région, comme la cassitérite, le coltan et le pétrole, attise la convoitise des assaillants. Même si les négociations entre le M23 et les autorités congolaises aboutissent, la province de l’Est de la RDC ne serait pas, pour autant, à l’abri d’un nouvel affrontement.

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