
La Conférence de soutien à la paix et à la prospérité dans la région des Grands Lacs s’est ouverte jeudi à Paris. Une rencontre de haut niveau qui vise à mobiliser des financements et des engagements concrets face à la détérioration de la situation humanitaire, notamment dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
À Paris, ce jeudi, on discute de la question de la RDC. Une rencontre internationale qui enregistre la participation de personnalités venues d’horizons diverses se déroule dans la capitale française, et qui passe pour une ne initiative visant à repositionner la France dans le dossier congolais.
Une réunion au sommet pour une région à bout de souffle
C’est au Centre de Conférence ministériel du Quai d’Orsay que s’est tenue, ce jeudi 30 octobre, la Conférence de soutien à la paix et à la prospérité dans la région des Grands Lacs, à l’initiative de la diplomatie française.
Placée sous la présidence du Président congolais, Félix Tshisekedi, la rencontre a réuni les représentants d’une vingtaine de pays – parmi lesquels les États-Unis, l’Allemagne, le Canada, le Royaume-Uni, la Suisse, l’Espagne, la Suède ou encore l’Italie – ainsi que plusieurs organisations régionales et internationales comme la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL).
L’objectif affiché : mobiliser des engagements financiers et politiques pour répondre à la crise humanitaire qui ravage la région depuis des décennies, avec un accent particulier sur l’est de la RDC, théâtre de violences persistantes entre l’armée congolaise et les groupes armés, dont le M23.
Des besoins humanitaires massifs, un financement insuffisant
Le constat dressé par les acteurs humanitaires est alarmant. Le Plan de réponse humanitaire 2025 pour la RDC, estimé à 2,54 milliards de dollars, demeure largement sous-financé (seulement 14 % des besoins selon le conseiller Afrique du Président français, Jérémy Robert). « L’indicateur de réussite de cette conférence, c’est la mobilisation financière. Nous devons passer de 14 % à un niveau beaucoup plus proche des 100 %, car derrière ces chiffres, ce sont des vies humaines en jeu », a-t-il déclaré en marge de la réunion.
Les ONG internationales présentes à Paris ont rappelé l’urgence de la situation : plus de 7,8 millions de déplacés internes, des infrastructures sanitaires détruites, une insécurité alimentaire galopante et un effondrement des services sociaux de base. Le contexte global aggrave la situation : le budget mondial de l’aide humanitaire des Nations unies pour 2025 connaît une baisse sans précédent, conséquence des coupes budgétaires décidées dans plusieurs capitales occidentales.
Tshisekedi dénonce le Rwanda et réclame un « accès humanitaire immédiat »
Dans son discours d’ouverture, Félix Tshisekedi n’a pas mâché ses mots. « La crise humanitaire en République démocratique du Congo est directement liée aux actions militaires du groupe armé AFC/M23, soutenu sur les plans logistique, financier et opérationnel par le Rwanda », a affirmé le Président congolais, dénonçant une « violation flagrante de la souveraineté nationale ».
Il a réclamé un accès humanitaire immédiat et sécurisé pour les populations piégées dans les zones de combat. « Nous avons besoin de voies sûres pour acheminer soins, nourriture et abris aux civils. C’est une urgence morale et humanitaire », a-t-il martelé devant les délégations présentes.
La France plaide pour une « triple approche » : urgence, transparence et paix
Le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a reconnu l’ampleur des défis et plaidé pour une approche coordonnée. « Crise des déplacés, crise alimentaire, crise de sécurité, crise sanitaire… Depuis le début de l’année, 13 humanitaires ont perdu la vie. Nous devons financer davantage, protéger mieux et agir plus vite », a-t-il déclaré.
Selon lui, la conférence poursuit trois objectifs majeurs : combler le déficit de financement des plans humanitaires ; garantir la transparence dans l’usage des fonds et la sécurité des acteurs humanitaires ; soutenir les processus politiques de paix, notamment ceux conduits par Washington et Doha entre la RDC, le Rwanda et les groupes rebelles. « La réponse humanitaire ne suffit pas, a ajouté le ministre. La paix durable ne viendra que par le dialogue et le respect des engagements ».
L’Afrique dénonce un « échec collectif »
Le ton a été tout aussi grave du côté africain. Le chef de la diplomatie togolaise, Robert Dussey, a appelé à un sursaut éthique et collectif. « La crise dans l’est de la RDC est une tragédie qui met à l’épreuve notre conscience collective. C’est un échec de la communauté internationale à garantir la paix et la dignité humaine », a-t-il déclaré, dénonçant « l’indifférence » et « l’inaction ». Pour lui, « l’action humanitaire n’est pas un acte de charité mais un devoir de solidarité ».
Si la conférence de Paris affiche une volonté unanime d’agir, les enjeux géopolitiques restent complexes. Les divergences entre Kigali et Kinshasa demeurent profondes, et les promesses de financement devront être suivies d’effets concrets.
Les observateurs soulignent que, sans règlement politique durable des causes du conflit, les efforts humanitaires resteront une réponse temporaire à une crise structurelle.
Un espoir mesuré
En réunissant chefs d’État, diplomates et acteurs humanitaires, la Conférence de Paris aura au moins permis de replacer la tragédie congolaise au cœur de l’agenda international.
Mais entre les engagements de façade et les réalités de terrain, un long chemin reste à parcourir pour traduire les promesses en résultats tangibles. Comme l’a résumé un diplomate africain présent à la conférence : « La paix dans les Grands Lacs ne se décrète pas à Paris. Elle se construit sur le terrain, avec du courage politique, de la justice et de la solidarité réelle ».
