Comment sortir l’éducation africaine de sa crise ?


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L’éducation ne joue pas son rôle moteur dans la société africaine. Cette clé de l’avenir est oubliée par l’Afrique dans sa marche vers la croissance et le développement. Ce déplorable oubli trouve sa raison dans les choix politiques des gouvernants depuis l’aube des indépendances. Les systèmes éducatifs jugés trop étatiques montrent que les investissements accordés à des écoles publiques ont entrainé la baisse du niveau général des élèves, l’incompétence des enseignants, l’échec scolaire.

Ces dernières années, sur 100 élèves ayant présenté un examen, près de 75 en moyenne ont échoué. Les taux d’abandon scolaire restent très élevés. Aujourd’hui pourtant, malgré les efforts considérables déployés pour garantir ce droit, plus de 100 millions d’enfants et d’innombrables adultes n’achèvent pas le cycle éducatif de base qu’ils ont entamé ; des millions d’autres le poursuivent jusqu’à son terme sans acquérir le niveau de connaissances et de compétences indispensables. En outre, les deux tiers des 110 millions d’enfants qui ne vont pas à l’école sont des filles.

Par ailleurs, le taux d’alphabétisation des adultes en Afrique est parmi les plus faibles au monde. « Sur les 10 pays qui affichent les plus faibles taux d’alphabétisation du monde chez les adultes (15 ans et plus), sept se trouvent en Afrique de l’Ouest : le Bénin (40%), le Burkina Faso (26%), la Côté d’Ivoire (49%), la Guinée Conakry (29%), le Mali (23%), le Niger (29%), le Sénégal (42%) et la Sierra Leone (27%) », indique une récente étude intitulée From closed books to open doors – West Africa’s literacy challenge (Des livres fermés aux portes ouvertes – Le défi de l’alphabétisation en Afrique de l’Ouest). Mais, selon la même étude, deux pays dépassent la barre des 50%, à savoir : le Cap-Vert (83%) et le Ghana (64%). A l’échelle de l’Afrique de l’Ouest, ils sont 65 millions d’adultes (soit 40%) qui ne savent ni lire ni écrire, selon le même rapport.

L’Afrique souffre d’une hypercentralisation des décisions pédagogiques. On observe une forte standardisation des formations. L’ État y entretient une bureaucratie rampante et alimente le favoritisme. Les investissements sont mal gérés, entrainant un gaspillage financier énorme. On constate des formations inadaptées qui ne coïncident pas avec les besoins spécifiques de l’élève. En outre, l’Afrique est fortement touchée par le problème des incitations des enseignants et des chefs d’établissement. Il n’y a pas de véritable politique de liberté et d’indépendance du corps enseignant dans le choix des programmes.

Le chèque-éducation : la solution ?

Le chèque-éducation est un système qui permet aux parents de financer directement l’école dans laquelle leur enfant sera scolarisé. Il est donné par l’administration, et les parents financent grâce à lui l’école de leur choix et non forcément l’école que leur aurait été imposée. Ainsi subventionne-t-on directement l’élève au lieu de subventionner l’établissement. Ce système de démonopolisation de l’école favorise une extension de la démocratie dans l’enseignement même et une réduction des inégalités sociales, en facilitant la mixité des classes sociales.

Ce faisant, la décentralisation de la gestion s’impose pour pallier les insuffisances et résoudre les problèmes qui minent l’éducation en Afrique. En redonnant à l’élève et à la famille la liberté de choix de son école, on oblige les établissements à adapter leur offre à la demande. Ce système accroît ainsi nettement la responsabilisation des chefs d’établissement pour qu’ils rendent des comptes sur leurs politiques pédagogiques, le recrutement de l’équipe pédagogique et les résultats scolaires. Est ainsi créée une émulation entre les différents établissements pour améliorer la qualité de l’offre.

L’exemple remarquable de l’Inde a droit de cité dans le programme de ce désormais fameux chèque-éducation, ou « voucher ». Aujourd’hui, une grande partie du système éducatif est financé par les entreprises qui s’engagent à former les élèves et dans les campagnes une école sur quatre est privée. L’étude récente de la Banque mondiale sur les vouchers dans les pays en voie de développement souligne les résultats satisfaisants du Chili, de la Colombie, de la Thaïlande ou des Philippines. Les États-Unis restent le pionnier de ce modèle insufflé par Milton Friedman en 1962. En Floride, sur 1000 vouchers, 61% sont accordés aux enfants noirs et 30% aux enfants d’origine hispanique. En Europe, divers pays ont expérimenté ce modèle. Les écoles appliquant ce système sont d’une qualité meilleure grâce à l’incitation compétitive engendrée. Aux Pays-Bas, 76% des enfants choisissent l’école privée grâce aux vouchers. En Finlande et en Grande-Bretagne près de 8000 euros sont octroyés aux parents pour choisir leur école. En Suède les chèques-éducation ont été généralisés (80% de bénéficiaires).

En somme, l’Afrique, secouée par les problèmes de l’éducation, se doit de mettre en application les chèques éducation ou « vouchers » comme solution de sortie de crise. Ce système de démonopolisation entraîne la baisse de l’illettrisme et des mauvais résultats des enfants pauvres et aisés. C’est un programme favorable à tous et essentiel pour mettre fin au désastre éducatif.

Yves Mâkodia Mantseka est critique littéraire.

Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org

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