Chute du prix du pétrole : l’Afrique Centrale tiendra-t-elle le coup ?


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Début mai 2016, le Fonds Monétaire International (FMI) a fait part de ses inquiétudes quant à la situation économique en Afrique Centrale. En difficulté, les six pays qui occupent cette région doivent faire face à une baisse des cours du pétrole qui plombe leur croissance.

En baisse depuis l’été 2014, le cours du baril de pétrole stagne actuellement à son niveau le plus bas. Si cette chute du prix de l’or noir profite aux pays importateurs, elle pénalise grandement les pays producteurs. Un baril moins cher équivaut à une diminution des ressources pétrolières et une augmentation du déficit public. En 2015, celui de l’Arabie Saoudite atteignait 20% de son PIB.

Une croissance divisée par 3

Le phénomène touche aussi l’Europe. Au Royaume-Uni, terre du baril de Brent, la baisse du prix du pétrole aurait provoqué la perte de 120 000 emplois directs et indirects en l’espace de deux ans. Les compagnies pétrolières sont dans l’obligation de réduire au maximum leurs dépenses pour faire face aux fluctuations du marché et de tailler dans leur effectif.

Le continent africain se retrouve également affecté par cette crise conjoncturelle, notamment l’Afrique Centrale. Les six pays qui constituent la CEMAC (Communauté économique des Etats d’Afrique Centrale), tous producteurs de pétrole, ont dû se contenter d’une croissance de 1,7% en 2015, contre 4,9% en 2014. Une dégringolade qui n’a pas manqué de susciter les inquiétudes du FMI au moment de communiquer leurs prévisions pour l’année en cours.

Le Fonds table sur une croissance de 2% en 2016 pour l’Afrique Centrale, en deçà donc de la moyenne attendue à l’échelle continentale qui devrait tourner autour des 3,5%. Les pays de la CEMAC (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, Tchad) ont des économies basées majoritairement sur le commerce pétrolier et se retrouvent aujourd’hui en grande difficulté. Les recettes liées à leur activité pétrolière s’effondrent et certains pays comme le Tchad ne sont plus en mesure de garantir le salaire de leurs fonctionnaires.

Pour tenter d’amortir l’onde de choc engendrée par la baisse du prix du pétrole dans la région, la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) multiplie les mesures censées doper la croissance des membres de la CEMAC. C’est ainsi que la BEAC a ajourné sa décision de supprimer les avances statutaires qu’elle a pour habitude de leur accorder, permettant au club des six de continuer de bénéficier d’un capital plus que nécessaire aujourd’hui. Pour rappel, en 2015 la Guinée Equatoriale avait reçu 610 millions d’euros d’avances provenant de l’organisme.

Face à la crise, la banque ne s’arrête pas là et statue rapidement sur le déblocage d’une nouvelle avance, sous conditions. « Du fait du retournement brutal du marché du pétrole (…) nous avons institué une autre avance exceptionnelle dont le montant est limité à 50% des plafonds des avances directes. Mais seuls les Etats qui mettent en place un programme d’ajustement cohérent, axé sur une consolidation budgétaire avec le FMI, peuvent en bénéficier », déclare le gouverneur de la BEAC, Lucas Abaga Nchama.

Croissance verte : le nouveau salut africain ?

La morosité du marché pétrolier mondial place les pays producteurs face aux risques d’un PIB trop dépendant du pétrole. C’est la raison pour laquelle certains d’entre eux redoublent d’efforts pour diversifier leur économie, à l’image du Gabon qui a su anticiper très tôt les contraintes de l’or noir et a lancé, dès 2010, le « Plan Stratégique Gabon Émergent ».

D’ici à 2025, ce programme doit permettre d’ « accroître la contribution des secteurs non-pétroliers tels que l’industrie, les services, l’agro-alimentaire, l’agriculture au PIB, et assurer ainsi au pays de nouveaux relais de croissance créateurs d’emplois », explique Maixent Accrombessi, directeur de cabinet du président de la République du Gabon. Pour lui, « la réduction progressive de notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles et la préservation de notre biodiversité unique au monde permettront de garantir la pérennité de cette croissance pour les générations futures ».

La montée en puissance des énergies vertes dans le monde et sur le territoire africain semble être une opportunité que les pays de la CEMAC n’ont pas tardé à saisir afin de favoriser une production énergétique vertueuse et l’arrivée d’un regain économique tant attendu. La croissance verte promet de dynamiser le terrain économique africain à coup de projets d’infrastructures pourvoyeurs d’emplois et de retombées financières intéressantes aussi bien pour les opérateurs, que pour les entreprises et les Africains.

« Au cours des cinq dernières années, nous avons ainsi privilégié l’utilisation d’énergies renouvelables pour soutenir l’essor industriel de notre pays », explique Maixent Accrombessi. Le Gabon prévoit de tirer 80% de son électricité de sources renouvelables d’ici à 2025, un objectif qui laisse entrevoir un chantier colossal pour ce pays engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique, signataire de l’accord de la COP21.

Depuis l’annonce du Brexit, le cours du pétrole s’est une nouvelle fois affaibli à l’international, plongeant les marchés financiers et la communauté internationale dans une incertitude qui devrait durer. Plus que jamais, les moyens doivent être mobilisés pour amortir les conséquences désastreuses de cette baisse sur les économies du monde entier. Si l’Afrique Centrale semble jusqu’ici miser sur la croissance verte pour remonter la pente, le reste du monde peine à sortir des solutions capables d’enrayer la crise.

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