Le chômage des jeunes Camerounais, une épine dans la chaussure du gouvernement


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Un marché au Cameroun
Un marché au Cameroun

« Pour réussir dans la vie, il faut choisir un métier que vous aimez ». Cette assertion a de la peine à être acceptée dans bon nombre de pays du monde, en général, sur le continent africain, en particulier. Et le Cameroun ne fait pas exception à la règle. Seulement, dans ce pays d’Afrique Centrale, le chômage tend à devenir la règle.

Nous le déplorons pour le constater que, chaque année, au Cameroun comme partout ailleurs, les grandes écoles, les centres de formation professionnelle, etc, déversent sur le marché de l’emploi de nombreux étudiants, issus des domaines divers, en fin de formation. Une fois l’attestation reçue, ces jeunes bien outillés, ne pouvant pas être recrutés dans les sociétés, les ministères et autres organismes, se trouvent donc dans l’obligation de se lancer dans le secteur informel.

Il n’y a donc pas de sot métier. Petit commerce, marchand ambulant, quincailler ambulant, moto-taxi, pousseur, bayam-sellam, éboueur, collecte de bouteilles et de ferrailles, manœuvre dans les chantiers, morguier, chargeurs dans les gares routières, porteurs de sac dans les marchés, laveur manuel de véhicules, manucure et pédicure, coiffeuse dans les marchés, etc. Tout y passe. Et le secteur informel n’étant pas structuré, cela crée beaucoup de problèmes, que ce soit en ville ou en campagne. Et les causes du chômage, à en croire les jeunes, sont peu nombreuses, car, l’État a laissé les gens se débrouiller (« se débrouiller » chez le Camerounais veut dire « ce que je vois, je fais »). Même ceux qui ont de petits jobs, ne parviennent pas à joindre les deux bouts.

Alors, les jeunes vont-ils s’éterniser à vivre le calvaire ?

Pour l’architecte Alain Ngomba, « dans tous les pays du monde, il y a le chômage, mais chez nous, le nombre de chômeurs est exponentiel. Pour les chanceux qui travaillent, pour ne pas dire sous-employés, le salaire, s’il n’est pas dérisoire, il est payé en compte-gouttes/ des mois après. On assiste-là à une exploitation de l’homme par l’homme, car, les contrats ne sont pas respectés. Il existe toujours un fossé entre les discours et les faits. Les inspecteurs de travail ne sont pas réguliers sur le terrain ».

Au Cameroun, le travail… descend

« Au vu de ce tableau sombre, on doit dire qu’au Cameroun, le travail « descend », il n’est pas « décent ». Il est connu de tous que, le travail éloigne de nous trois maux : « le vice, l’envie et le besoin ». Retenons que, « lorsque tu barres la voie à l’eau, automatiquement, elle se créé une autre. Advienne que pourra !ʺ C’est donc ce que nous voyons se développer dans notre pays, qui a un sous-sol riche, regorge de têtes bien pleines et bien faites, mais où les jeunes ont du mal à se trouver une place au soleil, afin de relever leurs parents déjà bien âgés », insiste l’architecte.

« Ceux-ci, malheureusement, continuent à tirer le diable par la queue. Et pour des raisons suivantes : la longévité à la tête des sociétés publiques et para-publiques, les ministères. A cela s’ajoutent : les détournements de deniers publics, la corruption, le favoritisme, le réseautage, les lobbyings, etc. Face donc à cette situation somme toute déplorable, certains jeunes diplômés, au lieu d’utiliser leurs connaissances dans le bon sens, se sont plutôt jetés dans la feymania, l’arnaque, le banditisme, les enlèvements, le trafic de tous genres, les communicateurs de fausses nouvelles, etc », déplore-t-il.

Un environnement du travail malsain

« Effectivement, le secteur informel camerounais, repose sur le petit commerce, la débrouillardise. Il y a aussi un manque de financement dans le domaine agricole, alors que nous avons beaucoup de terres fertiles. Malgré le Smig (salaire minimum interprofessionnel garanti) qui est passé à 60 000 FCFA, rien n’a changé, tout simplement parce que l’environnement du travail n’est pas sain. Même si vous avez 500 000 FCFA de salaire, vous ne pourrez rien faire. Nous notons également qu’entre le patronat et le gouvernement, c’est le dialogue de sourds », a-t-il ajouté.

« Et pourtant, nos autorités gagneraient à avoir une oreille attentive aux suggestions du Gicam (Groupement interpatronal du Cameroun). Ce groupement est en droit de proposer de bonnes choses, pour que le secteur informel soit encadré », a déclaré le syndicaliste Endougou Raphaël, lors de la célébration de la 137è édition de la fête Internationale du travail, fruit de la revendication des meilleures conditions de travail. « Pour moi, beaucoup a été fait, mais beaucoup reste à faire. Le Cameroun va décoller par l’agriculture et l’encouragement de l’auto-emploi. Dans tout ça, c’est l’État qui perd en laissant ce secteur s’agrandir », a-t-il poursuivi.

Les enseignements axés sur la professionnalisation

Il faut signaler qu’autrefois, les jeunes qui choisissaient l’enseignement technique étaient considérés comme des « idiots », des « ratés », alors qu’à la fin de leur formation, ils pouvaient facilement trouver un emploi ou s’auto-employer, en créant : le petit garage, le petit atelier, gagner ses petits marchés de construction de maisons ou de fabrication de meubles, d’installation électrique. Bien que ce soit tard, le gouvernement camerounais, à travers le ministère de l’Enseignement supérieur, a axé ses enseignements sur la professionnalisation.

D’où la création des instituts tels que : l’institut des Beaux-Arts, créé en 2011 et logé à Nkongsamba, spécialisé dans la formation des ingénieurs en architecture et urbanisme, arts plastiques et histoire de l’art, cinéma et audiovisuel, patrimoine et muséologie ; l’institut des Sciences halieutiques, créé en 1993 et logé à Yabassi, spécialisé dans l’aquaculture, gestion des écosystèmes aquatiques, gestion des pêches, océanographie, transformation et contrôle de qualité des produits halieutiques, etc.

Selon l’institut national de la Statistique, le secteur informel a commencé au milieu des années 80 et occupe aujourd’hui près de 90% des travailleurs camerounais.

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