Chasseurs de sperme


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Une petite unité spécialisée de l’Université de Nairobi (Hôpital national Kenyatta, Kenya) collecte, depuis un an, le sperme de donneurs. Leur but : monter une banque de sperme pour permettre aux couples infertiles de procréer. Une initiative qui séduit, mais pour laquelle très peu de Kenyans sont sélectionnés car les tests sont d’une extrême rigueur.

Du sperme congelé contre l’infertilité. Depuis près d’un an, sept spécialistes de l’Université de Nairobi (Hôpital national Kenyatta, Kenya) collectent la semence des Kenyans pour aider les couples infertiles à procréer. Pour faciliter son action, la petite unité voudrait monter la première banque de sperme du pays. Un objectif difficile à atteindre à cause du manque de moyens. Mais l’idée séduit de plus en plus la gent masculine, signe qu’ils ne voient plus l’infertilité comme étant l’apanage des femmes.

Sperme zéro défaut

L’équipe en est à ses balbutiements dans l’aide qu’elle apporte aux couples dont les hommes sont infertiles. Mais son action pallie, dans une certaine mesure, les manquements du pays. « A cause de toutes les maladies qui sévissent sur le continent, notamment le sida et la malaria, les gouvernements ne font pas du traitement de l’infertilité une priorité. Et le Kenya ne fait pas exception. Mais nous plaidons pour que les autorités placent ce problème sur leur agenda », explique Christine Kigondu, laborantine andrologue (spécialiste de la physiologie et de la pathologie de l’appareil génital masculin) et endocrinologue (spécialiste des glandes endocrines) travaillant avec le petit groupe.

De nombreux Kenyans viennent se renseigner sur la procédure à suivre pour faire un don. Quelques uns passent à l’acte, mais au bout du compte seul un très petit nombre d’entre eux pourront faire congeler leur semence. Et pour cause. Les critères de sélection sont très rigoureux. Le donneur potentiel voit un docteur avec lequel il parle, entre autres, de ses habitudes sexuelles. Si son profil convient, un échantillon de sperme est d’abord étudié. Les laborantins examinent plusieurs paramètres, comme le nombre, la forme et mortalité des spermatozoïdes, pour juger de la qualité du sperme. Ensuite, une autre batterie de tests est effectuée : « Recherche de maladies sexuellement transmissibles (MST), comme le sida ou la blennorragie [<*>Maladie contagieuse vénérienne, caractérisée par une inflammation des voies génito-urinaires avec écoulement purulent de la verge ou du vagin]], de pathologies génétiques (type [drépanocytose), hépatiques ou encore anémiques », explique Christine Kigondu. Si le sperme est de qualité, le donneur revient plus tard pour faire un test sanguin pour déterminer s’il est séropositif. Un nouveau test sanguin est effectué au bout de six mois, période au bout de laquelle le virus du sida est visible dans le sang, pour s’assurer que le donneur est sain. Si les analyses révèlent la présence du VIH, le sperme congelé est immédiatement détruit. Si le donneur n’est pas atteint, il donnera un autre échantillon de sperme qui cette fois sera congelé.

Monter une banque de sperme

Tout un processus qui coûte très cher. Les sept spécialistes voudraient monter une vraie banque de sperme. Un projet qui coûte beaucoup d’argent, mais qui permettrait aux couples en difficulté de pouvoir bénéficier d’une aide à un coût très réduit – les services actuellement disponibles étant très au-delà des moyens financiers de la population. « Pour commencer, nous aurions besoin d’entre 50 000 et 100 000 dollars. Nous faisons appel à tous ceux qui peuvent nous venir en aide, mais surtout au secteur privé. Actuellement, notre activité est financée par l’hôpital », souligne Christine Kigondu. Plus de fonds leur permettrait aussi de diversifier leur activité, tout en restant dans le domaine de l’infertilité. L’équipe anticipe déjà le risque de perte de fertilité en conservant la semence de ceux qui doivent subir un traitement très agressif comme la chimiothérapie. Mais elle envisage notamment de congeler le sperme de soldats, au cas où il leur arriverait malheur au combat. « Mais, dans notre situation financière actuelle, la priorité reste de trouver suffisamment de donneurs pour aider les couples en difficulté », précise le Dr Kigondu. Pour le moment, aucune femme n’a été inséminée avec le sperme d’un donneur. Il n’y a donc pas encore de bébé né grâce à cette « banque de sperme ». Mais un accroissement des dons pourrait permettre de commencer les inséminations.

Un message fortement relayé par les médias. L’objectif étant d’ancrer dans les esprits que de nouvelles technologies, utilisées dans les pays développés, sont accessibles pour les couples où le mari est infertile et que chaque Kenyan, en faisant un don, peut soulager la peine des familles qui rencontrent ce problème. Si la greffe commence à bien prendre avec la population, c’est parce qu’il y a eu une réelle évolution des mentalités. L’idée selon laquelle seule la femme peut être infertile, croyance surtout répandue en zone rurale, n’est plus autant en vogue qu’il y a quelques années. Auparavant, lorsqu’un couple n’arrivait pas à avoir un enfant, le mari ne rejettait souvent la faute sur son épouse.

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