
L’Afrique est entrée dans une ère numérique où la logique n’est plus uniquement celle de rattrapage, mais bien de création. À mesure que les télécommunications se densifient, que les smartphones se multiplient et que les usages s’affranchissent des infrastructures traditionnelles, des entrepreneurs africains bâtissent des plateformes pensées pour le continent, et qui pourraient bien, à terme, s’imposer dans l’écosystème global.
Voici huit d’entre elles, issues de différents secteurs (contenu, e-commerce, fintech, éducation) qui illustrent la montée en puissance d’un numérique « africain » assumé. Ces initiatives, souvent portées par de jeunes entreprises, modifient progressivement les usages et les modèles économiques du continent.
1. Ecrizen.com, donner de la visibilité aux voix africaines
Fondée par Maceo Ouitona, Ecrizen cherche à résoudre un problème souvent passé sous silence : la faible présence en ligne de nombreux acteurs africains. La plateforme aide les créateurs, les médias et les petites entreprises à produire des contenus mieux structurés, plus lisibles, et conformes aux exigences des moteurs de recherche comme Google, ainsi que des moteurs IA comme ChatGPT et Gemini.
Ecrizen s’adresse à un public large, souvent peu équipé pour gérer seul son référencement naturel. L’outil n’entend pas remplacer les rédacteurs, mais leur offrir un cadre de travail clair pour gagner en visibilité. Dans un paysage numérique concurrentiel, l’approche séduit par sa sobriété et sa volonté de rendre l’optimisation accessible.
2. Chariow, une vitrine en ligne pour les artisans et créateurs
Fondé par Elias Missihoun Chariow se positionne sur le commerce en ligne avec une idée simple : donner une place digne aux produits créés localement. La plateforme réunit des artisans, des créateurs et de petites entreprises qui peinent à se faire connaître au-delà de leur ville ou de leur région. Chariow facilite la mise en ligne, sécurise les paiements et s’appuie sur des partenariats logistiques adaptés aux réalités du terrain.
Elle répond aussi à une attente croissante : pouvoir acheter des produits africains sans passer par des plateformes étrangères dont les frais et les délais découragent souvent les acheteurs.
3. Yassir, l’essor d’une “super-application” africaine
Créée par Noureddine Tayebi et lancée en Algérie, Yassir s’est imposée en quelques années comme l’une des applications les plus utilisées en Afrique du Nord. Transport, livraison, paiement, services du quotidien : l’ensemble est regroupé dans une même interface. Ce modèle, inspiré de ce qui existe en Asie, répond aux usages du continent où le smartphone occupe une place centrale.
Yassir s’est développée dans un environnement urbain en forte mutation, où les besoins de mobilité et de services rapides augmentent. Sa croissance illustre une tendance lourde : la consolidation de plusieurs services dans un seul outil.
4. Assù, moderniser la tontine
Initiée par Olafèmi Adjinda, Assù est une application qui digitalise la tontine en proposant un cadre plus transparent et mieux organisé. L’application permet de créer ou de rejoindre un groupe, d’automatiser les rappels de paiement et de suivre les contributions de chacun. Elle introduit aussi un système d’évaluation du risque et de solvabilité, pensé pour limiter les abus. Avec la possibilité de payer en petites étapes grâce à un fonds de sûreté, Assù s’adresse aussi bien aux commerçants qu’aux particuliers qui souhaitent épargner sans complexité.
5. Flutterwave, fluidifier les paiements sur un continent fragmenté
Fondée par des ingénieurs nigérians, Flutterwave s’est rapidement imposée comme l’un des acteurs clés de la fintech africaine. La plateforme facilite les paiements en ligne dans un contexte où les systèmes bancaires varient fortement d’un pays à l’autre. Elle prend en charge la carte bancaire, les transferts mobiles et les virements traditionnels.
Cette capacité à relier différents systèmes financiers est devenue essentielle pour les petites entreprises souhaitant travailler au-delà de leur marché local.
6. Gebeya, valoriser les compétences technologiques du continent
Depuis l’Éthiopie, Gebeya organise une mise en relation entre talents africains et entreprises internationales. Développeurs, designers, spécialistes de la cybersécurité : le vivier est large et encore trop peu visible. Gebeya se charge d’évaluer les profils, de les former si nécessaire et de les connecter à des projets.
L’initiative participe à corriger un déséquilibre persistant : malgré l’essor des formations tech sur le continent, de nombreux profils peinent à accéder aux opportunités internationales.
7. Carry1st, un acteur émergent du jeu vidéo en Afrique
Le marché africain du jeu vidéo est jeune mais croît rapidement. Carry1st, entreprise sud-africaine, s’est construite sur cette observation. Elle développe et distribue des jeux mobiles adaptés aux réalités locales : faible débit, habitudes de paiement spécifiques, attentes culturelles particulières.
En s’ancrant dans ce marché encore en construction, Carry1st se positionne comme un intermédiaire capable de faire émerger une industrie du divertissement africaine plus structurée.
8. AfriLabs, un réseau devenu indispensable
AfriLabs réunit plus de 400 hubs technologiques sur tout le continent. Le réseau joue un rôle de soutien, de formation et parfois d’influence. Il met en relation des incubateurs, favorise des partenariats avec des bailleurs internationaux et accompagne l’émergence de jeunes entreprises. Dans des pays où l’écosystème entrepreneurial reste fragile, AfriLabs agit comme une infrastructure invisible mais décisive.
Un paysage en construction
Ces huit plateformes donnent un aperçu de l’évolution du numérique africain. Elles ne forment pas un ensemble homogène et n’avancent pas toutes au même rythme, mais elles décrivent un mouvement constant : la volonté de proposer des solutions locales, adaptées, et suffisamment solides pour rivaliser avec les acteurs internationaux.
L’Afrique numérique se construit à partir d’initiatives dispersées mais ambitieuses, souvent issues d’observations de terrain. Leur développement dépendra autant de l’innovation que de la capacité des États et des investisseurs à accompagner ces expériences encore fragiles mais porteuses d’un potentiel réel.



