Cameroun : « Tant qu’on vit, on ne doit jamais perdre espoir »


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Patrick Talom

Monsieur Patrick Talom, Ecrivain, Coach Motivateur, militant pour les droits des personnes handicapée et Leader Jeune se prête aux interrogations d’Afrik.com portant sur les différents aspects de sa vie
Afrik.com : Qui est Monsieur Patrick Talom?

Patrick Talom : Un citoyen du monde, né au Cameroun et vivant en France. Une modeste personne qui rédige des ouvrages ; un animateur des jeunes, un président d’association qui manifeste le désir de rassembler le maximum de personnes autour d’un idéal de fraternité et d’empathie des uns envers les autres ; un universitaire qui se forme pour mieux former d’autres personnes. Sans gêne, je tiens à noter, que je suis une personne handicapée mais qui ne s’en ferme pas dans son handicap. En effet, la vie m’a ôtée mes jambes au cours d’un accident de la route en 2005. Je suis devenu un paraplégique vivant désormais avec une double incontinence, des jambes inférieures paralysées à vie, une colonne vertébrale soutenue par deux barres de fer et quatre vis; une insensibilité totale de mes jambes qui s’exposent au risque d’escarres (Blessure pouvant entraîner la mort d’une personne trop alitée ou assise).

Afrik.com : Au vu de votre état de santé très précaire, comment parvenez-vous à concilier votre vie d’Étudiant en Faculté de Théologie à celle d’éditeur ?

Patrick Talom : C’est une histoire de grâce car comme le souligne Pierre Giorgini, Recteur de l’Université Catholique de Lille dans son ouvrage « la tentation d’Eugénie » : La société moderne nous donne l’impression de croire que l’homme peut tout résoudre par sa force physique et matérielle ; par la magie de la science et de la technologie. J’insiste beaucoup sur cet aspect parce que, ce n’est pas mes forces premières qui me poussent à faire tout ce travail (vie associative, écriture de livres, animation conférence et séminaire, études, écoute et accompagnement des personnes souffrantes) mais c’est d’abord la grâce. La grâce est un don gratuit. On peut provoquer des opportunités dans la vie, chercher des chemins de réussite mais il y a toujours quelque chose qui nous échappe et qui ne dépend pas de notre intelligence, de notre courage, de notre argent, de notre couleur de peau, de notre beauté mais quelque chose qui est et échappe à notre limite humaine. Ce n’est non plus une question de pauvreté, de chance ou de mérite plus qu’une autre personne. Ensuite il y a certainement de la résilience : le refus de ne pas se laisser abattre par la tragédie de la vie. Cette envie de vouloir donner le meilleur de moi et transformer mon épreuve en catalyseur de ma vie. Enfin, il y a des éléments importants comme la famille, des amis, le sport, la musique, et la méditation. J’adapte ma journée en fonction des éléments que la grâce et la providence m’accordent. Ainsi, je n’ai pas à me plaindre car l’échec devient une occasion de s’améliorer.

Je peux programmer, anticiper, prévoir des choses, mais savoir accueillir les événements non pas comme j’ai désiré voir les choses m’aide beaucoup à fabriquer mon sourire quotidien. Pour moi le plus important ce n’est pas les droits que la société ou la vie ont envers moi, mais mon devoir envers moi-même, la société et la vie.

Afrik.com : Parlant de votre côté d’éditeur, qu’avez-vous déjà fait ?

Patrick Talom : J’avoue que je ne me considère pas comme un écrivain. Je suis plus un autodidacte, une personne qui partage parfois par écrit des pensées et sa vision de la vie. Dans un premier temps je me suis beaucoup autoédité soit plus de sept ouvrages pour soutenir les jeunes. Dans un second temps, parce qu’il y avait une demande pour me lire sous d’autres cieux, j’ai pu avec la maison d’Édition www.leseditionsdunet.com éditer deux ouvrages dont les titres sont : Ma force de vivre et Ce que j’ai vu m’interroge : la souffrance a-t-elle un sens ? Dans le premier ouvrage, c’est purement un témoignage sur mon accident et sur comment dès les premiers jours j’ai essayé de transformer mon drame en raison de vivre. Comment j’ai accepté mon handicap et j’ai pu transformer ma paralysie en lieu de vie et de joie. Le second, c’est l’ouvrage anniversaire de mes 1O ans sur fauteuil roulant. J’avais besoin de regarder la souffrance non pas seulement sous le prisme de mes jambes handicapées, mais aussi sous d’autres aspects. Autrement dit, j’avais besoin de penser aux autres et les soutenir. Trop de personnes ont des souffrances cachées et invisibles à notre œil. Il faut beaucoup d’attention, d’amour et d’empathie pour voir la souffrance des autres. Certainement nous reviendrons en profondeur sur les ouvrages. Aujourd’hui, ma vie et mon fauteuil sont de lieux de faire le tour du monde dans l’optique de donner du sourire aux gens qui souffrent.

Afrik.com : Quelle est votre source d’inspiration ?

Patrick Talom : Mon inspiration va se résumer en trois mots : Dieu, autrui et la nature. D’abord Dieu : comment bâtir sans Dieu ? Sa mort dans notre vie n’est-elle pas le glas de notre existence ? Pour l’instant, il faut bien qu’on m’explique comme se questionne Leibniz : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » Alors pour moi je ne peux rien penser hors de Dieu. Ensuite, dans un monde de trop de discours comment penser ma vie en Dieu en oubliant mon prochain, mon voisin, mon collègue, mon frère, ma sœur ? L’individualisme planétaire nous donne l’illusion de croire que notre bonheur est meilleur dans un progrès seul : c’est faux ! C’est impossible de dissocier notre bonheur des autres et de nos actes envers l’autre ; tout est lié. Notre bonheur est lié au bonheur des autres et il n’y a pas de plus grand bonheur que de rendre les autres heureux : Faites l’expérience ! Dieu se cache en notre prochain nous ne devons pas le chercher ailleurs. Enfin, la planète : Ignorer la nature, ne pas s’inspirer du silence, ne pas regarder la planète comme une maison à prendre soigne comme le souligne le Pape François c’est mettre le feu sur son propre matelas. Le réchauffement climatique, les crises migratoires, les élans extrémistes toujours croissants montrent que nous avons oublié de concilier ces trois éléments clés de la vie.

Afrik.com : Quel sera votre prochain chantier dans les jours à venir ?

Patrick Talom : Le plus grand c’est déjà de garder le sourire chaque matin quand je me lève car c’est une grâce de se réveiller tous les matins. C’est d’arriver à continuer à aimer mon prochain car mon cœur étouffe lorsque j’arrête d’aimer. Puis c’est déjà de boucler mes études universitaires car c’est un grand chantier jusqu’à ma thèse de doctorat sur la thématique du handicap.

C’est de continuer en France et dans le monde à partager de mon expérience et de ma fraternité avec mon association PALYROM.

C’est au Cameroun et en Afrique à travers l’association RAYONS DE SOURIRE lutter pour l’accessibilité des bâtiments, l’accès aux soins et l’accès aux études des personnes en situation de handicap. C’est trouver des financements pour parrainer ces enfants qui rêvent de s’instruire ou d’accès à des bâtiments sans passer par le calvaire des escaliers. C’est accompagner vers l’autonomie des personnes fragiles et vulnérables.

Il y a des défis et des challenges, mais Rien n’est impossible et tout est possible.

Afrik.com : Un mot l’endroit de la jeunesse Africaine et Occidentale…

Patrick Talom : A la jeunesse Africaine, elle qui souffre et reste paralysée par l’égoïsme, le tribalisme, la corruption, du néocolonialisme qui sous couvert des actions humanitaires et des accords de libres échanges créent des guerres et détruisent l’économie locale. Une jeunesse qui n’arrive pas à s’épanouir à cause des détournements des fonds publics, du maintien au pouvoir des régimes qui ne se soucient pas de leur avenir. A Tous les jeunes je dis ne baissez pas les bras, nous avons le choix de dire non et de trouver les béquilles en nous-mêmes et en le potentiel dont l’Afrique regorge : la jeunesse bien formée, la diaspora, les ressources naturelles du continent etc. Il y a encore des humanistes sur la terre qui regardent l’Afrique avec respect, avec eux nous pouvons avancer. La question n’est plus de savoir si l’esclavage, la colonisation ont eu lieu ou pas la question est de savoir ce que nous voulons pour nous-mêmes. Nous pouvons bâtir un monde nouveau. Le pardon, l’amour, la réconciliation, le travail, le partage peuvent faire la différence. C’est d’abord une question de prise de conscience, de volonté et de courage d’oser le changement. Aucun « Messie » ne viendra ni de l’Europe, ni de l’Amérique et ni même de la Chine pour nous sauver. Les Nations n’ont que des intérêts. Nous sommes notre propre salut avec un nouveau message au monde : la mondialisation, c’est possible dans le respect de la dignité humaine et la fraternité.

A la jeunesse occidentale, je peux vous dire que vous avez un grand héritage positif et négatif. Négative car trop de douleur sur l’état du monde au regard de certains actes de vos ancêtres (esclavage, guerres mondiales, holocauste juif etc). Mais que de bonheur aussi au regard des progrès de l’humanité sur des thématiques des droits de l’homme et la fraternité. Aujourd’hui, vous pouvez prouver au monde que des thèmes comme égalité et équité ; fraternité et vivre ensemble, développement et protection de la planète ne sont pas des discours mais une réalité à vivre et à partager. Alors vous pouvez avec les avancées des sciences, des techniques, la connaissance de l’histoire et votre prise de conscience participer à sauver la planète et transformer le monde. Personne n’est responsable des conneries de ses ancêtres mais nous sommes responsables de nos actes. Alors gardez le sourire et donnez le meilleur au monde.

A ceux qui souffrent, il n’y a pas de mots pour encourager qui dépasse la présence d’une personne qui vous aime ; qui relève et console. Cependant si personne ne vous donne du bonheur même dans votre souffrance devenez votre propre bonheur et dites-vous que jamais une personne ne souffrira à cause de vous.

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