Cameroun : pourquoi faut-il convoquer une autre session extraordinaire de l’Assemblée nationale ?


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Les bancs d’école, le collège et les amphis de nos facultés sont des sanctuaires de pétages de plomb entre camarades, de contrepèteries inspirées et surtout d’émissions pestilentielles aussi inconvenantes que suffocantes : le pet, puisqu’il faut l’appeler par son nom, que les dictionnaires français ne trouvent ni vulgaire ni grossier. Si dégoutante que soit la chose, le mot peut être dit dans les plus hauts lieux du savoir, du savoir-être, et de la vertu.

C’est dire si c’est avec nos instituteurs, nos professeurs de lycées et nos glorieux universitaires aux titres tous plus pétaradants les uns que les autres que doit se faire l’éducation des estomacs : « l’art de péter » doit s’inculquer dès le plus bas âge.

Car si cette liberté qui me semble fondamentale a failli être bridée au Malawi, c’est en raison sans doute de l’usage excessif qu’en faisaient les Malawites. Il faut questionner leurs habitudes alimentaires et les conséquences de celles-ci dans leur fonctionnement digestif. Va-t-on pousser l’outrance jusqu’à inscrire cette liberté naturelle au nombre des droits humains… ? S’il est humain de « se mettre à l’aise », persévérer dans le gazage de son entourage n’est-il pas diabolique ? En pleine tourmente écologique, il est de bon ton de rappeler, fût-ce par des lois, que la couche d’ozone doit être protégée des émissions de gaz carbonique quelles qu’elles soient, qui la forent et perforent outrageusement.

Naturalia non sunt turpia

Naguère, au petit séminaire d’Efok, un prêtre du diocèse d’Obala, péteur devant l’Eternel et apologue émérite du gaz, avait coutume de dire pendant les humanités que naturalia non sunt turpia, entendez les choses naturelles ne sont pas honteuses. Monsieur l’abbé se faisait un devoir de punir ceux qui s’agitaient à cause des odeurs plutôt que ceux dont émanaient les gaz. Avec une empathie sincère, il encourageait les péteurs, qui curieusement étaient toujours les mêmes, à demander, excusez du peu, des pauses-caca.

Mais ce type d’émissions corporelles peut être aussi inattendu que bruyant, donc dépourvu d’élément intentionnel, en ce cas correctionnaliser le pet est un tantinet extrême et improductif, les questions d’hygiène posées par ces émissions malodorantes sont équivalentes en gravité aux problèmes de santé publique que poseront les retentions gazeuses car ainsi que le postule un proverbe ancien « Pour vivre sain et longuement Il faut donner à son Cû vent ».

La conception camerounaise de la justice s’oppose à l’existence de double peine : les péteurs sont les premiers à souffrir les odeurs et assez souvent des tâches grossières de leurs dessous. Si l’on veut aggraver la honte domestique de la narquoise interpellation de la compagne dévouée qui s’occupe de nos slips, par le déshonneur public d’un procès pour pétage, rien de tel en effet qu’une loi.

Seulement, la loi vaudrait-elle pour les mineurs ? Pour la gouverne de nos législateurs, il faut signaler que même les bébés pètent, va-t-on poursuivre devant nos tribunaux des gamins de dix ans ou leur filer des contraventions pour pétage sur la voie publique ? Pour le coup, je suis curieux de voir la forme que prendrait l’aménagement d’une telle loi. Avant de légiférer, il faut songer à ces vers immémoriaux de Quintilien et faire sentir aux Camerounais et aux Malawites que les flatulences sont aussi le fait d’une alimentation insuffisamment équilibrée. Attenter à la liberté de lâcher un bon pet libérateur, c’est stigmatiser l’alimentation de certains sans forcément avoir les moyens d’une telle politique de stigmatisation. Au Malawi, où l’on a fait beaucoup de vent autour de cette question, sans que finalement n’aboutisse la loi coloniale qui devait être rétablie, on a fait l’erreur de penser trop vite à la répression. Au lieu de lois punitives, des lois dissuasives peuvent être imaginées.

Au surplus, pourrait-on aménager des antichambres dans les sanitaires des restaurants, réservées aux péteurs ? Afin que ceux qui veulent juste faire un peu de vent n’aillent pas encombrer ceux qui « se soulagent » et n’incommodent pas non plus leurs voisins de table.

Le port du préservatif doit être obligatoire

Au Cameroun, chacun sait qu’il y a des pratiques sexuelles qui sont punies par le législateur. L’homosexualité bien sûr, mais la sodomie aussi : simple souci de cohérence. La loi ne dit en revanche rien sur les relations sexuelles entre hommes et animaux. Qu’à cela ne tienne !

Le port de la ceinture ou du casque est obligatoire ou en passe de l’être, pourquoi n’obligerait-on pas tout Camerounais majeur à avoir en permanence un préservatif sur lui ? Pourquoi ne pénalise-t-on pas toute relation sexuelle non protégée entre personnes non mariées ? Une telle idée prospèrerait immanquablement chez les Talibans, chez nous aussi, on devrait y réfléchir.

Nous avons entendu dire sans pouvoir le vérifier que, aux Etats-Unis, il est formellement interdit de se jeter du haut d’un immeuble sous peine de mort ; qu’une loi française tombée en désuétude interdirait d’appeler son cochon Napoléon ; que, toujours en France, à Châteauneuf-du-Pape, dans un arrêté, les soucoupes volantes sont priées de ne pas survoler la commune ; que la Chine obligerait ses étudiants à être intelligents pour aller à l’université… Bref au festival des âneries législatives, le Cameroun n’aurait rien à envier à personne.

L’absence de préservatif deviendrait ainsi un motif d’aggravation de certaines peines. Par exemple, au Cameroun où violer n’est qu’un délit, l’on pourrait décider que violer sans préservatif est un crime passible d’au moins vingt ans de prison. En Californie, le port du préservatif serait obligatoire dans les films pornographiques, on serait bien inspiré d’en prendre de la graine pour généraliser cette mesure surplace. Car le sida continue de faire des ravages et les Camerounais se comportent toujours en acteurs de films classés x.

Ils nous le doivent bien, nos honorables

Ce faisant, les vaillants députés camerounais, souvent mal élus, et n’ayant jamais vraiment exercé la plénitude de leurs prérogatives en matière de production législative, se rachèteraient une conduite. La durée de leur législature sera bientôt échue, mais ils bénéficieront d’un mandat spécial obtenu dans des circonstances sinon abusives malheureusement honteuses. Car c’est au cours de la même modification ayant permis la levée du verrou qui limitait à deux le nombre de mandats possibles à la tête du Cameroun, qu’avait été glissée la modification de l’article 15.4 de la constitution. Désormais, pour donner à ses députés un bail supplémentaire, le Président Biya dispose d’un blanc-seing constitutionnel intitulé : « si les circonstances l’exigent ». En d’autres termes, n’importe quel motif peut être convoqué. D’ailleurs, la mention qui précède (« en cas de crise grave ») est superfétatoire. On nargue les Camerounais. Dans un raisonnement a fortiori, n’importe quel homme de bon sens dirait que si la constitution peut être modifiée quand les circonstances l’exigent, à combien plus forte raison en cas de crise grave ? Dans d’autres démocraties, sans doute moins intelligentes, l’on dit en cas de « circonstances exceptionnelles », présentant donc les caractéristiques de force majeure (extériorité, irrésistibilité, imprévisibilité). La biométrisation du fichier électoral est une circonstance particulière mais pas exceptionnelle !

Encore heureux que l’exécutif n’ait pas consenti à accorder aux députés les deux ans de congés payés que ceux-ci réclamaient mollement : ce délai étant clairement disproportionné.

Trop occupés à leur propre bonheur ou probablement immergés par les transformations en cours, les députés de la nation ont voté une loi mal motivée, parce qu’elle les avantageait. Ils ont fait la moue quand leurs intérêts ont été effleurés. Vivement une Assemblée nationale qui défendra les intérêts du peuple, notamment donc son droit de ne pas attraper le sida à la première cuite venue ou celui de respirer un air non pollué par toutes sortes de pestilences.

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