Cameroun : les émeutes donnent lieu à une répression d’envergure


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Drapeau du Cameroun
Drapeau du Cameroun

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et son organisation membre au Cameroun, la Maison des droits de l’Homme du Cameroun (MDHC), demeurent particulièrement préoccupés par la répression ordonnée par les autorités camerounaises en réponse aux troubles qui agitent le pays depuis le 25 mars et en condamnent la virulence et les excès.

La FIDH et la MDHC ont été informées, par des sources concordantes, que le bilan des émeutes ayant suivies les manifestations du 25 février 2008 auraient fait plusieurs dizaines de victimes, des milliers d’arrestations et des centaines de jugements en comparution immédiates sur l’ensemble du territoire camerounais.

Ainsi, dans les seules villes de Loum, Kumba, Bamenda, Buéa, Basang, Limbe et Njombé-Penja, le bilan s’élèverait déjà à près de 35 victimes. A Douala et Yaoundé, où les affrontements entre les civils et les forces de la police, des militaires et de la Gendarmerie ont été particulièrement violents, on dénombrerait aussi plusieurs dizaines de morts et plus de 2000 arrestations parmi la population civile.

La FIDH et la MDHC sont particulièrement préoccupées par l’utilisation disproportionnée de la force par les agents de l’État, par l’ampleur des arrestations qui sont largement indiscriminées et par le traitement des personnes arrêtées. Ainsi, les personnes interpellées sont actuellement jugées de manière expéditive en violation des règles du Code de procédure pénale camerounais et de toutes dispositions pertinentes des conventions régionales et internationales qui garantissent les droits de la défense. En effet, les prévenus sont présentés 6 par 6 aux audiences qui ne durent, en moyenne, que 5 minutes et au cours desquelles la présentation de preuves tangibles ou de témoins sont subsidiaires. « La plupart des gens arrêtés ici n’étaient que des curieux qui se trouvaient à proximité des émeutes pour voir ce qui se passait », aurait déclaré un gendarme qui comparaissait pour l’accusation au procès de plusieurs manifestants le vendredi 29 février 2008 à Douala. Par ailleurs, les procureurs semblent utiliser toutes les ressources du code pénale pour accuser les personnes présentées : les charges vont du « défaut de présentation de carte d’identité nationale » à « manifestations sur la voie publique, attroupement, port d’armes, destructions, rébellion en groupe et violences à fonctionnaires, pillages et vol » etc. Les peines prononcées vont de six mois à plus de cinq ans de prisons.

La FIDH et la MDHC s’inquiètent aussi des pressions exercées sur les médias dès lors qu’ils ne relaient pas l’information officielle. Des journalistes sont inquiétés ou arrêtés, tel que Jean Blaise Mvié, directeur de publication du journal « La Nouvelle Presse » qui a par la ensuite été relâché. Des médias ont été vandalisés et fermés comme la station de radio « Magic FM » à Yaoundé. Cette dernière avait organisé un débat le 27 février peu après l’intervention télévisé du président Paul Biya et au cours duquel ce dernier a été sévèrement critiqué quant à la gestion de la crise et sa volonté de modifier la constitution afin d’obtenir un nouveau mandat. Le lendemain, leurs bureaux étaient saccagés, le matériel confisqué et la station radio fermée.

Dans ce contexte, les défenseurs des droits de l’Homme demeurent menacés. Pour avoir dénoncé les violations des droits de l’Homme perpétrées actuellement au Cameroun, notamment auprès des médias internationaux, Mme Madeleine Afité, présidente de la MDHC, a été menacée de mort à plusieurs reprises ces derniers jours et sa voiture a été saccagée dans la nuit du 5 au 6 mars 2008. Enfin, le 7 mars 2008, au journal de 13h de la radio nationale Cameroun Radio Télévision (CRTV), le présentateur a parlé d’« une inconnue, sortie de nulle part, une femme qui se prétend défenseur des droits de l’Homme et qui se fait entendre sur le plan international alors qu’elle ne dit rien de vrai » ciblant par ce portrait Mme Afité qui s’est exprimée à plusieurs reprises dans les médias internationaux ces derniers jours.

La FIDH et la MDHC appellent les autorités camerounaises à :

 Garantir l’intégrité physique et le droit à la vie des populations civiles et des défenseurs des droits de l’Homme conformément à la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples et le Pacte international sur les droits civils et politiques ;

 Mettre un terme à l’utilisation disproportionnée de la force publique et à la pratique des arrestations massives et sans discernement ;

 Garantir un jugement juste et équitable aux personnes arrêtées dans le cadre des troubles sociaux conformément à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples et le Pacte international sur les droits civils et politiques, notamment en respectant le droit à la défense et au principe de recours judiciaires ;

 Garantir les liberté de presse, d’information et de diffusion des journalistes et des défenseurs des droits de l’Homme ;

 Établir toute la vérité sur les responsabilités et les auteurs des violations des droits de l’Homme, en particulier les exécutions sommaires et extra-judiciaires, afin de les traduire devant la justice ;

La FIDH et la MDHC appellent :

 L’Union aficaine et la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples à se saisir de la situation au Cameroun ;

 Le Haut-Commissaire des Nations unies à déployer d’urgence une équipe d’enquête afin de recueillir les informations sur les violations des droits de l’Homme devant permettre l’établissement de la vérité, de la justice et réparations pour les victimes ;

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