Burundi : ouverture politique du nouveau régime ?


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me chef de l'Etat du Burundi, Evariste Ndayishimiye
me chef de l'Etat du Burundi, Evariste Ndayishimiye

Deux événements majeurs notés au Burundi, ces derniers jours, semblent accréditer la thèse d’une certaine ouverture politique du nouveau régime. Il s’agit de la remise en cause par la Cour suprême de la condamnation d’un activiste des droits humains, et de l’audience accordée, ce lundi, par le général Ndayishimiye à deux anciens Présidents du pays.

Les analystes qui voyaient en l’arrivée au pouvoir d’Evariste Ndayishimiye, une possibilité pour que le Burundi sorte du carcan dans lequel il s’était enfermé sous l’ère Nkurunziza ne se sont peut-être finalement pas trompés.

Deux anciens Présidents reçus au palais de Gitega par Evariste Ndayishimiye

Hier lundi, en effet, le tout nouveau Président burundais a reçu dans son palais à Gitega, deux de ses prédécesseurs. Il s’agit de Sylvestre Ntibantunganya qui a été à la tête du pays du 8 avril 1994 au 25 juillet 1996, et de Domitien Ndayizeye, président de la République du 30 avril 2003 au 26 août 2005.

Cette audience s’inscrit dans le cadre d’une série de consultations lancées depuis quelques semaines par le premier citoyen burundais qui entend prendre contact avec les forces vives de la nation. L’objectif visé est que « que tous ces partenaires s’approprient la vision et le programme du gouvernement », car, comme aime à le répéter depuis le début de ces prises de contacts, Jean-Claude Karerwa Ndenzako, porte-parole de la Présidence burundaise : « Tout ce que tu fais pour moi sans moi, est contre moi ».

Visiblement, le nouveau régime entend fédérer les efforts de tous les Burundais autour de la cause nationale. Et l’initiative ne manque pas d’être saluée. Pour Sylvestre Ntibantunganya, cette démarche du Président Evariste Ndayishimiye constitue « une première » depuis quinze ans.
Mais on peut remarquer l’absence du major Pierre Buyoya considéré sous le Président Pierre Nkurunziza comme « ennemi public numéro un ». Le maintien à l’écart de cet ancien chef d’Etat vient-il émousser l’effort d’ouverture amorcé par Evariste Ndayishimiye ? Il est certainement encore trop tôt pour se faire une opinion tranchée sur la question. Surtout qu’un autre acte remarquable, venant confirmer la volonté de changer tant soit peu l’ordre des choses dans le pays, a été récemment posé. Il s’agit de la remise en cause par la Cour suprême d’une décision rendue par les juridictions du pays sous Pierre Nkurunziza.

Un nouveau souffle dans l’appareil judiciaire du pays ?

La condamnation, à 32 ans de prison ferme, de Germain Rukuki, activiste burundais des droits humains et préalablement directeur financier d’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture au Burundi (ACAT-Burundi), vient d’être annulée par la Cour suprême, la plus haute institution judiciaire du pays. L’annulation a été prononcée le 30 juin dernier, mais rendue publique seulement la semaine dernière.

Arrêté en 2017, dans le cadre de la répression ayant suivi la crise engendrée à partir de 2015 par la volonté de Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat, Germain Rukuki est condamné, un an plus tard, à la lourde peine de 32 ans d’emprisonnement ferme. L’homme était inculpé pour « participation à un mouvement insurrectionnel, atteinte à la sûreté intérieure de l’État, attentat contre l’autorité de l’État et rébellion ».

Jamais un militant des droits humains n’avait écopé d’une telle peine dans le pays. Pis, saisie, la Cour d’appel de Ntahangwa, à Bujumbura, confirma ce verdict, il y a un an. Sans avoir pris la peine d’écouter le mis en cause qui n’avait pas été présenté à la seule audience publique organisée. C’est sur ce dernier aspect que la Cour suprême s’est basée pour rendre son arrêt : « Le juge d’appel a condamné un prévenu qui n’a pas été présenté en audience publique et donc sans l’avoir entendu présenter ses moyens de défense », peut-on lire dans cet arrêt. Pour l’institution, il y a eu violation des droits civils et politiques du prévenu. Le procès en appel sera donc repris devant la Cour d’appel de Ntahangwa dont la composition sera revue. En attendant ce procès dont la date reste à fixer, Germain Rukuki reste dans les liens de la détention.

Mais cette décision de la Cour suprême est fortement saluée. Le président d’ACAT-Burundi, Armel Niyongere, par exemple, ne cache pas sa satisfaction, même s’il dit être prudent et vouloir rester vigilant. De son côté, Clément Boursin, chargé de l’Afrique à ACAT internationale, déclare : « C’est une victoire de ses avocats, qui montre que la Cour d’appel n’avait pas rendu une décision indépendante, (…), nous espérons que cette fois, ils vont mettre fin au calvaire de Germain Rukiki qui est le symbole de la répression des droits de l’Homme au Burundi ».

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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