Burkina Faso : rideau sur Jean-Pierre Guingané


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Le Burkina Faso est en deuil. Le dramaturge et universitaire Jean-Pierre Guingané est mort dimanche d’une crise cardiaque, à Ouagadougou. Fondateur du théâtre de la Fraternité et promoteur du Festival international du théâtre et de la marionnette de Ouagadougou (FITMO), il était considéré comme l’un des pères fondateurs du théâtre contemporain burkinabè.

De notre correspondant

Dimanche noir pour le théâtre africain. L’une de ses figures tutélaires, le dramaturge et universitaire burkinabè, Jean-Pierre Guingané, a tiré sa révérence à Ouagadougou, emporté à 64 ans par une crise cardiaque, dans le véhicule qui l’évacuait à l’hôpital.

Titulaire d’un doctorat d’Etat consacré au théâtre et au développement culturel en Afrique, l’universitaire burkinabè a commencé sa carrière d’enseignant par le bas. D’abord instituteur, puis professeur de lycée. Mais bien loin des titres et des honneurs académiques, Jean Pierre Guingané se définissait lui-même, avant tout comme un homme de théâtre. En 1975, il fonde le Théâtre de la fraternité. Une sorte de troupe-école, véritable creuset, où de nombreux talents burkinabè comme Aminata Diallo Glez (Kadi Jolie), Etienne Minoungou, Alimata Koné/Salouka et autres Hyppolite Ouangrawa, ont émergé. C’est également avec le théâtre de la Fraternité que Jean-Pierre Guingané connaît des succès éclatants. En 1992, il adapte à sa façon, la pièce romantique Pier Gynt, de Ibsen. Au pays du metteur en scène norvégien, le Pr Guingané est porté en triomphe par la critique.

A l’écoute du peuple

Mais l’œuvre de Guingané reste profondément enracinée en Afrique. Là, avec le Festival international du théâtre et de la marionnette de Ouagadougou (FITMO), il contribue au développement de cet art sur le continent. Et son investissement le plus colossal aura été l’Espace Culturel Gambidi, inauguré en 1996. Lieu de création, de formation, de diffusion et d’animations artistiques, l’Espace Gambidi abrite également une station de radiodiffusion, cent pour cent culturelle. Situé dans le quartier Dassasgho, à la périphérie Est de la capitale burkinabè, ce sanctuaire contribue énormément à rapprocher les œuvres artistiques des populations pauvres.

Bibliographie indicative de Jean-Pierre Guingané

LES ROMANS :

Les lignes de la main (1997), Editions Gambini, 84P

La Musaraigne, (1997) Editions Gambini, 100P

Le Cri de l’espoir, (1991) Editions Gambini, 90P

LES PIÈCES DE THÉÂTRE :

Le fou,(1986); Centre d’édition et de diffusion africaines, 78P

Papa Oublie-moi, (1990) Editions Gambini, 80P

La savane en transe, (1996) Editions Gambini, 90P

Du reste, le souci de restituer aux peuples d’en bas sa culture, de décloisonner la création artistique est une constance chez Jean-Pierre Guingané. Ses œuvres en transpirent par tous les pores. Plongées dans la contemporanéité douloureuse de l’Afrique, ses créations tant romanesques que théâtrales, ne font aucune concession aux dictatures.

Dans la pièce Le Fou, au-delà du réquisitoire dressé contre la corruption, la démagogie des politiciens de tous poils, Jean-Pierre Guingané, tend plutôt l’oreille à l’assourdissante parole silencieuse des sans-voix, plus qu’il ne s’érige en leur héraut. Une invite à plus de considération aux aspirations des laissés-pour-compte. Le fou est surtout une mise en garde de tous. Lorsque nos culs-de-jattes, les affamés de nos villages, les désœuvrés de nos villes, les exclus et autres citoyens de seconde zone, en auront assez d’être tant méprisés et se révolteront, il sera trop tard….

Son roman La musaraigne, est une subtile description du fonctionnement des régimes dictatoriaux africains, saisis par le bout de la meute de courtisans qui arpentent les couloirs des palais présidentiels.

Déjà inconsolable depuis les décès de Sotigui Kouyaté et d’Amadou Bouro, le monde des arts et de la culture burkinabè, est de nouveau affligé par la grande faucheuse. Mais comme ses illustres prédécesseurs dans l’au-delà, Jean-Pierre Guingané peut être fier. Il aura été pleinement cette termitière vivante, qui comme l’enseigne la sagesse moagha, a apporté de la terre à de la terre tant qu’elle vivait.

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