Burkina Faso : diversifier l’usage du manioc


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Le Burkina Faso fait la promotion du manioc, sous toutes ses formes. Une mesure qui entend éviter les importations de produits dérivés et participer à l’autosuffisance alimentaire. Des expériences de diversification de ce tubercule, destinées à susciter l’intérêt des opérateurs privés, ont donné lieu à des ateliers où l’on pouvait notamment goûter des spaghettis au manioc…

Cultiver le manioc pour faire reculer la faim. Depuis quelques années, le Burkina Faso cultive de plus en plus ce tubercule, notamment dans le Sud du pays. Cette démarche a été initiée avec l’appui des autorités et d’organismes internationaux, comme l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO). Elle vise à augmenter la production du manioc sous toutes ses formes pour réduire les importations et participer à l’auto-suffisance alimentaire.

Au départ, on cultivait peu le manioc. « Ce n’est pas que les gens étaient réticents. Mais le manioc venait des pays côtiers. Alors il ne faisait pas vraiment partie des habitudes alimentaires au Burkina et les gens le considéraient comme une culture de jardin. Mais l’aménagement des bas-fonds et le développement de l’agriculture irriguée a aidé à renforcer son introduction dans les exploitations », commente Daouda Kontongomde, assistant du représentant de la FAO au Burkina Faso, qui essaye de susciter des initiatives privées dans ce domaine.

« Améliorer la sécurité alimentaire et les revenus des populations »

L’organisation onusienne donne d’ailleurs un coup de pouce aux autorités burkinabès. « L’objectif de l’assistance est d’appuyer le Gouvernement du Burkina Faso dans son effort de promouvoir et de développer la culture du manioc comme moyen d’améliorer la sécurité alimentaire et les revenus des populations », annonce le descriptif du projet de la FAO, d’une durée de deux ans (2004-2006) et s’élevant à 250 015 dollars.

L’un de ses objectifs est de former les paysans à la culture du manioc et de mettre à leur disposition « le matériel végétal nécessaire. D’où les champs écoles qui constituent le réseau de multiplicateur de boutures », explique Daouda Kontongomde. « Ces boutures résistent aux aléas du climat », précise Arcaduis Somé, technicien du programme des cultures maraîchères, fruitières et des plantes à tubercules de l’Institut de l’environnement et de la recherche agricole (Inera). Le partenariat entre le gouvernement et la FAO semble avoir porté ses fruits.

« Le manioc est aujourd’hui cultivé en contre-saison et a connu ces dernières années un développement très notable dans le Sud du pays, où il est le plus produit », assure Daouda Kontongomde. Difficile de mesurer la croissance de la production : « Nous n’avons pas de données sur le manioc », souligne-t-on aux Statistiques agricoles.

Priorité au gari et à l’atiéké

Côté formation, plusieurs actions sont en cours via différentes structures. Exemple avec le Centre national de recherche scientifique et technique (CNRST). « Nous réalisons des formations sur le manioc avec essentiellement des groupements féminins depuis 1995, mais pas de façon continue, confie Brehima Diawara, chargé de recherche, chef du département technologie alimentaire du CNRST. Mais les femmes n’arrivent pas à en vivre. Elles disent que c’est parce qu’elles manquent d’équipements, d’un âne ou d’une charrette, pour amener leur production des villages aux villes. Mais je pense qu’elles ont eu un problème au niveau de la communication sur leurs produits. Pour vendre, il faut transmettre l’information que tel groupement a produit du manioc, il faut une certaine qualité pour les habitués (les autres étant moins regardant) et il faut avoir une bonne maîtrise des circuits de commercialisation ».

Il est donc nécessaire de faire de ces femmes des commerçantes averties. D’autant plus qu’elles sont formées à transformer le manioc en atiéké (genre de semoule), en gari (sorte de farine) ou en amidon. Des produits largement consommés et qui devraient trouver de sérieux débouchés. « L’idée est de répondre aux besoins immédiats. Le Burkina importe du gari de Côte d’Ivoire, donc nous mettons l’accent sur ce produit », souligne Daouda Kontongomde.

Expérience de spaghettis au manioc

Toutefois, des opérateurs privés et des responsables politiques, invités lors d’une démonstration, ont été surpris par la diversité des tubercules, dont ils n’avaient pas conscience, mais pas seulement. Ils ont pu voir, et goûter, des spaghettis produits avec du manioc. Il ne s’agissait que d’échantillons, histoire de montrer le potentiel de production et quels autres dérivés étaient possibles. « Mais si le spaghetti s’avère porteur, nous soutiendrons sa commercialisation. Tout est fonction de l’offre et de la demande », poursuit Daouda Kontongomde.

Ce responsable a goûté les spaghettis, mais confie ne pas s’être penché sur l’aspect gustatif de la chose. En revanche, Arcaduis Somé, de l’Inera, a fait travailler ses papilles. « J’ai goûté une fois et c’était très bon ! Ce qui change avec les pâtes ordinaires, c’est le goût un peu sucré à cause de l’amidon. Ça permet de sortir de la pauvreté et de gagner en auto-suffisance alimentaire. Mais c’est dommage qu’on n’en trouve pas souvent, sinon j’en aurai acheté ! » raconte-il. Alors, le Burkina Faso bientôt producteur de spaghettis au manioc ?

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