Bouteflika, ou le parler-acte


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Abdelaziz Bouteflika
Abdelaziz Bouteflika

L’émouvant, avec Abdelaziz Bouteflika, ce n’est pas tant l’homme politique donnant sa vie à son pays avec la conviction qu’il faut le sortir du pétrin où ses propres amis avaient fini par le mettre, à force d’immobilisme et de refus d’évoluer, au point de faire de l’islamisme la seule alternative au pouvoir de l’Etat et de l’armée mariés.

L’émouvant, avec Abdelaziz Bouteflika, c’est qu’il ose dire ce qu’il croit, sans ambages, sans fard, sans diplomatique prudence. Cela donne une voix différente, parfois stupéfiante, le plus souvent bouleversante, et de nombreux interlocuteurs français, réunis autour de lui au cours des diverses étapes de sa visite officielle, que ce soit à l’Elysée, à l’Assemblée nationale, au Forum international Passages, avec les « amis de l’Algérie », ne cachaient pas avoir été profondément remués par certaines de ses paroles.

Que ce soit pour évoquer Jeanson, autour duquel s’était constitué le réseau des « porteurs de valises », qui lui dit un jour avec colère comme il remerciait : « A partir d’aujourd’hui, je voudrais que tu retiennes que mes camarades et moi n’avons fait que notre devoir, car nous sommes l’autre face de la France, l’honneur de la France… » Et en commentant ces paroles, le président algérien a ces mots : « Si l’honneur de la France avait su rencontrer, un peu plus tôt, la dignité de l’Algérie, l’histoire commune de nos peuples aurait fait à nos pays l’économie de tant d’épreuves ».

Au président Jacques Chirac, Abdelaziz Bouteflika a exprimé lors d’un toast inhabituellement prolongé, la philosophie profonde de sa visite : « Il fallait que je dise cela pour que cette visite soit d’emblée placée sous le signe de la franchise et de la compréhension. La longue histoire que nous avons vécue ensemble, nous la laissons aux historiens qui en tireront le bien et le mal, et qui trouveront sans doute des explications à tout ce qui en fait la trame. Ce que nous pouvons faire ensemble, dans une amitié retrouvée et une confiance mutuelle renouvelée, à partir de maintenant, est tellement plus important, tellement plus exaltant… »

Il arrive que la parole conditionne et commande l’action. Bouteflika est profondément un politique et un Africain, il croit en la vertu du mot sur les choses. Si l’on en juge par les effets qu’elle a réussi à produire, et que ce soit le français ou l’arabe, il n’est pas impossible que la langue de Bouteflika ait réussi, en quelques jours, à faire des miracles en France.

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