Bibliothèque d’Alexandrie ; interview de Gérald Grunberg


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Drapeau de l'Egypte
Drapeau de l'Egypte

La Grande Bibliothèque d’Alexandrie fait la coquette. Et hésite encore à se montrer au monde dans toute sa splendeur. Car la belle pâtit encore d’un système informatique incomplet.

La Bibliotheca Alexandrina doit être inaugurée en juin prochain. Malgré quelques retards, cet édifice symbolique tourne depuis peu sa façade grandiose vers la Méditerranée. Etats des lieux avec Géralg Grunberg, le conseiller français qui pendant quatre ans a travaillé à l’élaboration de la Bibliothèque.

Afrik.com : Où en était la Bibliothèque lorsque vous êtes parti en décembre 2000 ?

Gérald Grunberg : Lorsque j’ai quitté Alexandrie, le bâtiment était terminé et le mobilier était installé dans les salles de lecture. En ce moment, les premiers ouvrages doivent être installés dans les rayons. L’inauguration doit avoir lieu en juin mais à cette date la bibliothèque ne sera pas totalement en état de fonctionner, notamment en ce qui concerne le système informatique. L’ouverture réelle se fera un peu plus tard ou alors en juin, mais partiellement.

Afrik.com : Quel a été votre rôle sur place ?

G.G. : J’ai rempli deux missions. La première a consisté à assurer une assistance technique, notamment dans les domaines de l’organisation et du fonctionnement d’une aussi grande bibliothèque. Cela allait du dialogue avec l’architecte à l’organisation des collections, en passant par la mise en place des technologies. Ma deuxième mission a été de développer la coopération entre la France et l’Egypte sur ce projet. Par exemple, gérer les dons de documents collectés auprès d’institutions françaises, assurer la formation – avec la création de bourses pour les bibliothécaires égyptiens venant se former en France -, et enfin l’organisation d’événements à caractère culturel et scientifique. Comme le colloque sur la transmission des textes qui a été organisé conjointement par la BNF* et le CNRS*, qui s’est déroulé à la fois à Alexandrie et à Paris.

Afrik.com : Quels problèmes ont été rencontrés dans l’élaboration de la bibliothèque ?

G.G. : En ce qui concerne la construction de l’édifice, il n’y a pas eu de problèmes supérieurs à la moyenne observée sur d’autres chantiers aussi énormes. Le retard qui a été pris vient surtout du problème technique posé par la toiture. La façade est inclinée face à la mer, ce qui présente des risques pour une bibliothèque : il faut isoler les ouvrages du soleil, du sable, de l’air marin. Testée sur des prototypes, la toiture, extrêmement sophistiquée, a présenté des déficiences lorsqu’on a commencé à l’assembler grandeur nature.

Afrik.com : Quelle est la place de la France et de la communauté internationale dans le projet ?

G.G. : Plusieurs pays ont activement participé à la création de la Bibliothèque. La France est le seul pays à avoir installé une personne sur place à plein temps. J’ai quitté mon poste le 31 décembre 2000 mais je dois être remplacé par un autre Français. La Norvège a offert le mobilier, le Japon l’équipement audiovisuel. L’Espagne a fourni des collections importantes d’ouvrages et des reproductions de manuscrits arabes et l’Italie finance la mise en place d’un atelier de restauration des ouvrages et ainsi que des programmes de formation. Le personnel sera égyptien et les formations ont lieu dans différents pays : France, Italie, Allemagne, Etats-Unis, Canada. On prévoit 250 personnes à l’ouverture et 500 lorsque la bibliothèque aura atteint sa vitesse de croisière. La France a formé quelques 30 bibliothécaires, le personnel francophone représente 40% des effectifs.

Afrik.com : Quel sera, selon vous, le public de la Bibliothèque ?

G.G. : La Bibliothèque sera ouverte au grand public, à partir de 18 ans. Alexandrie compte 100 000 étudiants et de nombreux professeurs qui vont naturellement s’approprier la Bibliothèque. Il y a aussi une catégorie de personnes, très importante en Egypte, d’adultes en formation continue. On observe une très forte demande, notamment au niveau des cours de langue et d’informatique. Pour les chercheurs étrangers, je crois que cela prendra un peu plus de temps pour qu’ils effectuent le déplacement. Surtout que les fonds ne seront peut-être pas suffisamment importants au début.

Afrik.com : A quand l’Alexandrina sur le web ?

G.G. : La Bibliothèque aura son site avec des informations générales, qui donnera aussi accès au catalogue. Certains documents seront numérisés. Lorsque je suis parti, le programme de numérisation commençait tout juste. Je pense qu’il y aura une sélection des plus beaux manuscrits.

*BNF : Bibliothèque Nationale de France

*CNRS : Centre national de la recherche scientifique français

Conservateur de bibliothèque, Gérald Grunberg intègre en 1989 les équipes de préfiguration de la Bibliothèque Nationale de France (BNF). Jusqu’en 1997, il travaille à la mise en service de la BNF. C’est suite à cette expérience de grand chantier qu’il est choisi par la France pour être conseiller technique auprès de l’Organisation générale de la Bibliotheca Alexandrina. Il restera quatre ans à ce poste. Depuis le 1er janvier 2001 Gérald Grunberg est directeur de la Bibliothèque Publique d’Information (BPI) du Centre Georges Pompidou à Paris.

Quelques chiffres :

La Bibliotheca Alexandrina dispose de 45 000 m2 répartis sur 11 étages. Selon Gérald Grunberg, environ 400 000 documents sont entrés dans la Bibliothèque, qui peut accueillir 3 000 lecteurs et chercheurs en plus des 500 fonctionnaires prévus. Elle est également dotée d’un espace planétarium pouvant contenir 100 personnes et d’un palais des congrès dont la capacité est de 1 700 personnes. L’édifice, en forme de disque solaire, s’incline vers la Méditerranée. Il a été construit sur les lieux de l’ancien quartier royal où se trouvait la bibliothèque de l’Alexandrie gréco-romaine.

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