Bernard Doza : « Je suis interdit de sortir de la France »


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Bernard Doza
Bernard Doza

Arrêté et placé en garde à vue jeudi 11 septembre, le journaliste–écrivain ivoirien Bernard Doza a été remis en liberté dimanche dernier. Mais son passeport lui a été retiré. La police française voulait savoir si des officiers de l’armée ivoirienne seraient membres du MNR (Mouvement national révolutionnaire), un mouvement d’opposition dont il est l’un des promoteurs.

Bernard Doza est l’un des tous premiers exilés volontaires de Côte d’Ivoire en France. Il est hostile au régime de Félix Houphouët-Boigny (1905 – 1993), premier président de la Côte d’Ivoire indépendante, lorsqu’il s’installe à Paris en 1977. Sept ans plus tard, il entame une carrière de journaliste et d’écrivain, qui le conduira à devenir rédacteur en chef de Média tropical en 1986. Toujours aussi critique à l’égard de la gestion des affaires dans son pays, il ne cesse de dénoncer la mainmise de la France sur l’économie ivoirienne, et s’active à animer différents mouvements d’opposition au sein de la diaspora ivoirienne en Europe. C’est dans ce cadre qu’il publiera « Liberté confisquée », un livre dans lequel il dénonce l’indépendance factice des Etats Africains, et la dépendance des chefs d’Etats des anciennes colonies françaises vis-à-vis de Paris. Il se préparait à se rendre en Côte d’Ivoire, lorsque la police française l’a interpellé, pour l’interroger sur l’implication supposée de certains gradés de l’armée ivoirienne dans le MNR, un mouvement de libération nationale dont il est l’un des pères fondateurs.

Afrik.com : comment s’est passé votre arrestation ?

Bernard Doza : J’ai été interpellé jeudi 11 septembre à mon domicile vers une heure du matin. Les agents m’ont dit que j’étais convoqué à la police pour un problème me concernant. Mais ils ne m’ont pas dit exactement de quoi il s’agissait. Ils ne m’ont présenté ni convocation ni mandat. Mais je crois que cela à un lien avec des déclarations que j’ai faites récemment à la presse. J’ai en effet confié à des journalistes qu’il serait intéressant qu’un juge ivoirien lance des mandats d’arrêts contre certaines personnalités françaises impliqués dans les meurtres commis par l’armée française devant l’hôtel Ivoire d’Abidjan et ses environs en novembre 2004. J’ai dit cela en faisant un parallèle avec l’attitude des juges français qui ont lancé des mandats d’arrêts contre des Ivoiriens et même convoqué
Simone Gbagbo l’épouse du chef de l’Etat Ivoirien dans l’affaire du journaliste Guy André Kieffer. J’avais ajouté qu’une mobilisation pour de telles actions se fera dans le cadre du CAPL (Comité d’action pour la liberté), un mouvement dont je fais partie et qui tiendra son congrès à Abidjan en mars 2009. Le CAPL est un mouvement nationaliste qui demande le départ des forces étrangères de Côte d’Ivoire. Je crois que c’est cela qui a attiré l’attention sur moi. J’ai donc été conduit au commissariat du 13e arrondissement où j’ai été enfermé dans une cellule du sous-sol. Mon téléphone portable m’a été retiré.

Afrik.com : Qu’est ce qu’on vous a demandé au commissariat ?

Bernard Doza : Je n’ai pas été interrogé au commissariat de police. Vendredi soir, j’ai eu un problème de tension artérielle anormalement élevée. J’ai tout de suite été conduit à l’Hôtel-Dieu un hôpital parisien. Samedi vers midi, les policiers sont venus me chercher. Mais cette fois-ci, ils m’ont plutôt conduit dans un endroit que je crois être la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) , au boulevard Mortier où j’ai eu droit à une vraie chambre et non plus une cellule. C’est là seulement que j’ai été présenté à un officier, que je crois être un colonel.

Afrik.com : Que voulait-il savoir ?

Bernard Doza : Il s’est présenté avec un document que j’avais rédigé en mai 1997. Il s’agit de mon propos pour une conférence que j’avais organisée à Paris, pour le MNR (Mouvement national révolutionnaire), un mouvement qui milite pour le changement véritable en Côte d’Ivoire. Donc dans ce document, je dénonçais le pillage de mon pays par le système néocolonial. Le MNR fait aujourd’hui partie des douze organisations qui constituent le CAPL. L’officier voulait que je lui livre les noms des militaires ivoiriens qui seraient membres de ce mouvement. Je lui ai dit que le CAPL existait bel et bien, mais que nous n’avions pas de correspondants dans l’armée ivoirienne. Donc l’entretien s’est limité pratiquement à cette seule question.

Afrik.com : Que s’est-il passé ensuite ? Comment avez-vous été libéré ?

Bernard Doza : J’ai été relâché dimanche. Une dame est venue me dire que j’étais libre. Je suppose qu’ils ont copié des numéros sur mon téléphone portable pour les exploiter. Par contre, mon passeport ne m’a pas été rendu. Ce qui veut dire que je ne peux pas sortir du territoire français. Je rappelle que j’avais annoncé par voie de presse que je me rendrais à Abidjan jeudi 18 août, j’ai été arrêté deux jours avant mon départ. On m’a fait savoir que je suis de nouveau convoqué le 02 octobre. Mais je n’ai pas reçu de convocation formelle. C’est mardi seulement que les policiers sont venus me remettre mon téléphone portable. Ils viendront donc probablement comme la première fois.

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