Bénin, rejet du projet de révision de la Constitution : les populations expriment leur joie


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Assan Séibou, président du groupe parlementaire BR et auteur de la proposition de loi portant révision de la Constitution
Assan Séibou, président du groupe parlementaire BR et auteur de la proposition de loi portant révision de la Constitution

Exit le projet de révision de la Constitution introduit au Parlement béninois, il y a quelques jours, par le président du groupe parlementaire Bloc républicain (BR), Assan Séibou. Examinée en séance plénière par l’Assemblée nationale, vendredi, la proposition a été rejetée. Au grand bonheur de beaucoup de Béninois.

Depuis quelques semaines, le sujet de la révision de la Constitution qui cristallise toutes les passions domine l’actualité politique béninoise. Si le Président Patrice Talon a, à plusieurs reprises, tenté de convaincre ses compatriotes sur son intention de ne pas briguer un troisième mandat, dans l’opposition personne ne veut le croire. Personne ne veut courir le risque de voir passer une révision de la Constitution qui pourrait conduire le pays dans une situation compliquée.

«À 2 ans de la fin de son mandat, et alors que rien ne presse, pourquoi le Président Talon entreprend-il de réviser une seconde fois la Constitution du 11 décembre 1990 ?», s’était interrogé Boni Yayi, il y a quelques semaines. Pour le prédécesseur de Patrice Talon, une révision à l’étape actuelle de la Constitution ne serait qu’un «piège potentiel dans lequel il convient de ne pas tomber pour ne pas replonger le Bénin dans l’incertitude et la crise». Boni Yayi parle d’un piège parce que cela pourrait, selon lui, ouvrir une voie royale vers le troisième mandat à Patrice Talon qui pourrait arguer d’une nouvelle République et remettre son compteur à zéro.

L’Assemblée nationale stoppe le projet

Après avoir passé avec succès l’étape de la Commission des lois, le projet de révision devait être adopté en plénière au Parlement. Au terme d’une séance nocturne qui s’est déroulée de la nuit du vendredi 1er au samedi 2 mars, le projet a été rejeté. Sur les 109 députés que compte l’Assemblée nationale, 71 ont voté pour, 35 contre et 2 se sont abstenus. Un député était absent et n’avait pas voté. Il aurait fallu 82 votes favorables pour permettre au projet de passer le cap, seuil que ne pouvait pas atteindre la majorité qui compte au total 81 députés.

Les 28 députés de l’opposition constituent une minorité capable de bloquer cette initiative. Ainsi pour qu’un tel projet de la majorité passe, il lui faudra forcément réussir à débaucher un député de la minorité. Or dans le cas d’espèce, c’est plutôt sept députés de la majorité qui sont venus en renfort de la minorité pour rejeter le projet introduit par leur camarade. Dans le propre groupe parlementaire de l’auteur de la proposition, le député Assan Séibou, trois députés ont voté contre. Du côté de l’autre groupe de la mouvance présidentielle, l’Union progressiste le Renouveau (UP-R), quatre élus ont apporté leur soutien à l’opposition.

Les citoyens béninois saluent le blocage du projet

La population béninoise salue quasi unanimement le verdict du Parlement qui a arrêté le processus vers la révision de la Constitution. Pour Ange, 31 ans, enseignant du secondaire dans un établissement d’Abomey-Calavi, «la révision de la Constitution serait un saut dans l’inconnu, au regard de ce que nous voyons dans les pays voisins. Le dernier exemple en date est celui du Sénégal». Loïc, 23 ans, étudiant en Master : «Le chef de l’État a fait sa profession de foi, à plusieurs reprises, sur la question du troisième mandat. Personnellement, je le crois. Mais pas la classe politique. L’action du Parlement, si cela peut permettre de rassurer les uns et les autres et renforcer la paix et la cohésion dans le pays, alors je la salue».

Amirath, 53 ans, est commerçante au marché Dantokpa, le plus grand marché du Bénin. Elle soutient la position des députés. «Nous voulons la paix dans notre pays pour que nos activités prospèrent. On ne peut jamais faire confiance à ces politiciens. Pourquoi une révision de la Constitution maintenant ? Ils avaient déjà révisé la Constitution en 2019. Ils n’ont qu’à laisser un autre régime le faire aussi», affirme-t-elle. Avant de conclure : «Pour moi, les députés ont bien fait d’arrêter ce projet. Il y a plus urgent dans le pays».

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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