Bénin : attention au cercle vicieux de l’endettement !


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FCFA

Le Bénin se réjouit d’une nouvelle levée de fonds de 171 milliards de CFA sur le marché des capitaux. C’est certes le signe d’une confiance du secteur financier mais est-ce raisonnable d’accumuler les dettes ainsi ?

Dans son article, Mauriac AHOUANGANSI, explique que le Bénin est dans le rouge, proche des limites d’emprunts, avec une dette qui ne cesse de croitre. Surtout lorsque l’on sait que le dernier emprunt doit servir à rembourser les précédents et financer des actions sociales. L’auteur donne des conseil de politiques fructueuses à même de sortir le pays de cette spirale infernale.

Le 16 octobre 2018, un communiqué de presse du Ministère de l’économie et des finances du Bénin annonçait la levée par le gouvernement d’une somme de 260 millions d’Euros (environ 171 milliards de Francs CFA). Cette opération menée au motif de financer la réduction du poids du service de la dette et d’actions sociales prioritaires n’est pas la première du genre. Si à première vue l’opération semble traduire la crédibilité du Bénin auprès des créanciers, relève-t-elle pour autant du bon sens?

S’endetter pour rembourser ?

Depuis quelques années, le Bénin a multiplié les différentes opérations d’endettement. Mais la dernière opération destinée à financer les aides sociales et à rembourser des dettes antérieures semble contenir des risques majeurs. En effet, la norme d’endettement par rapport au PIB dans l’espace UEMOA est de 70%. Une limite dont se rapproche dangereusement le Bénin depuis quelques années, passant de 47,6% en 2016 à 54,6% en 2017 avec une projection à environ 60% en 2018, selon le « document de stratégie d’endettement de l’Etat ». Ajouté à cela, le déficit budgétaire du pays est passé de 8% en 2015 à 12% en 2017 selon un rapport du FMI sur l’Etat des pays de la CEDEAO. Un déficit devenu structurel, d’où l’incapacité de l’Etat à équilibrer ces recettes et ces dépenses. Ce déficit s’explique, en plus des nombreux détournements et cas de mauvaise gestion, par la faible diversification de l’économie béninoise dépendant largement des recettes fiscales et des activités portuaires, ce qui réduit l’assiette fiscale.

Dans ces conditions, continuer à s’endetter ne fait qu’encourager l’Etat dans sa politique budgétaire dépensière, augurant d’un creusement du déficit et d’une explosion du service de la dette, ce qui ne peut qu’hypothéquer l’avenir du pays.

Les dettes d’aujourd’hui seront les impôts de demain

L’un des reproches les plus récurrents adressé au gouvernement béninois actuel est de prendre très peu de mesures sociales pour aider les populations à supporter l’austérité engendrée par les réformes. Mais faire du social à crédit est un cadeau empoisonné, car en réalité il s’agit d’emprunts dont le remboursement sera en principe assuré par l’aggravation de la pression fiscale et plus d’austérité pendant le remboursement desdites dettes. Actuellement, la mise en place des différentes réformes a occasionné la création de nouvelles taxes et la hausse de celles déjà existantes. Pour exemple, le taux de la retenue sur les loyers mensuels supérieurs ou égaux à 50000 FCFA pour les locataires autres que les personnes physiques, est passé de 10 à 20% en 2018.

De surcroît, s’endetter pour faire du social réduit brutalement les futurs budgets sociaux car les premiers postes budgétaires victimes des difficultés de remboursement sont ceux destinés aux dépenses sociales, comme ce fut le cas avec les programmes d’ajustement structurel intervenus dans les pays en développement dont le Bénin aussi pendant les années 90.

L’endettement un risque décourageant l’investissement

L’attractivité d’une économie repose sur un ensemble d’indicateurs auxquels les investisseurs prêtent une attention particulière. Ainsi, la hausse de l’endettement crée la nécessité d’augmenter les recettes fiscales afin d’assurer le remboursement ; d’où l’augmentation de la pression fiscale qui réduit la performance des entreprises contributrices. La chute des recettes douanières au Bénin en 2002, à cause de l’austérité imposée par la Banque Mondiale et le FMI, a été palliée par l’établissement d’une TVA unique de 18%, ce qui a découragé encore plus la consommation et in fine la croissance.

Aussi, la dépréciation de la monnaie causée par la hausse du risque de dette souveraine réduit le stock des réserves en devises et affaiblit la valeur de la monnaie nationale. Une faiblesse qui conduit au renchérissement du service de la dette, et engendre un cercle vicieux. Autrement dit, plus il y a de dettes, plus la monnaie nationale est faible, et plus la monnaie est faible, plus l’endettement devient lourd à rembourser. Dans ces conditions, les investissements et les profits accumulés perdent de leur valeur initiale ce qui décourage les entrepreneurs qui fuient et cherchent d’autres destinations, ou convertissent leur patrimoine en des valeurs refuges pour le sauvegarder de l’érosion monétaire.

L’endettement public présente aussi un effet négatif sur l’investissement. Craignant un défaut de paiement, les investisseurs, durcissent les conditions d’accès au crédit qui devient rare. Cette rareté réduit les investissements publics dans les infrastructures (routes, énergie, communication, etc), ce qui réduit l’attractivité du pays pour les investissements, notamment étrangers, creusant ainsi le besoin de financement de l’économie.

Mieux gouverner pour se désendetter

La gestion budgétaire obéit, entre autres, à une règle d’or que le Bénin semble actuellement occulter. Si besoin d’endettement il y a, il devrait financer des investissements dont la rentabilité est avérée. L’endettement ne devrait pas financer un autre endettement et encore moins une consommation improductive ou des aides sociales. D’où la nécessité d’assainir les finances publiques.

Cela consiste en des mesures correctrices pour réduire les déficits budgétaires et améliorer le ratio de la dette publique au PIB. En ce sens, il faudrait arrêter le financement des entreprises publiques déficitaires comme la Société Nationale de Commercialisation des Produits Pétroliers qui est déficitaire de plusieurs milliards, mais aussi les autres sociétés d’Etat déficitaires.

La masse salariale a besoin également d’être rationalisée puisqu’elle est passée de 6% en 2017 à 7% du PIB en 2018. Cela passe par une réforme structurelle de la fonction publique, notamment en redéfinissant les missions de l’Etat. Certes, il faudrait faire du social, mais en ciblant les personnes réellement dans le besoin. Cela pourrait se concrétiser par des chèques pour l’éducation, des allocations directes finançant certaines dépenses de première nécessité. Aussi faudrait-il s’appuyer sur la décentralisation pour répartir des tâches entres les entités capables de les accomplir de façon optimale. Cela permettrait de réduire son déficit budgétaire, donc d’alléger la pression fiscale et in fine les emprunts qui finançaient auparavant ce déficit. Il en résultera une stimulation de la consommation des ménages et l’investissement des entreprises, et in fine plus de croissance et d’emplois.

En définitive, l’endettement n’est pas un mal en soi. Mais, il est indispensable qu’il ne soit pas utilisé pour pallier les erreurs de dirigeants incompétents et/ou corrompus. Il serait donc judicieux de réguler l’endettement en institutionnalisant des plafonnements raisonnables et en la faisant approuver par le Parlement afin de prévenir les abus des dirigeants.

Par Mauriac AHOUANGANSI, doctorant-chercheur béninois

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