« Au Canada, les Camerounais semblent résignés à l’inaction politique »


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Conversations à bâtons rompus avec un expert camerounais en immigration, sur son métier, l’actualité politique camerounaise et celle des diasporés.

L’autre Afrik : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Henri Simplice Tchagang Nziemi :
Je suis Henri Simplice Tchagang Nziemi, consultant agréé en immigration pour le Canada, et par ailleurs membre du Conseil de règlementation des consultants en immigration. Enfin, c’est surtout comme président de « immigration efficace inc », firme spécialisée en droit de l’immigration que je suis connu en Amérique du Nord.

L’autre Afrik : En quoi consiste votre travail ?

Henri Simplice Tchagang Nziemi :
Mon travail consiste principalement à évaluer les dossiers des personnes désirant immigrer au Canada afin de déterminer leur admissibilité à l’un des nombreux programmes d’immigration qu’offre le Canada. Si la candidature est jugée admissible, la compagnie va monter tout le dossier afin de le transmettre aux autorités compétentes. Nous préparons le candidat à une éventuelle interview avec Immigration Canada. Nous traitons également des demandes d’asile politique, nous aidons les étudiants internationaux qui ont perdu leur statut à le recouvrir.

L’autre Afrik : Dans le forum de l’ACQ (communauté camerounaise du Québec), vos positions vis-à-vis de Vincent Fouda semblaient tenir de la désillusion. Comment avez-vous été amené à faire affaire avec lui?

Henri Simplice Tchagang Nziemi :
J’ai simplement interpelé Vincent Fouda sur le forum au sujet des photos de sa rencontre aux USA avec des sénateurs américains. Ces photos auraient été truquées. En effet, j’ai reçu un coup de fil d’un ami qui me savait très solidaire de monsieur Fouda dans l’Affaire Vanessa Tchatchou. Cette personne me croyait en mesure de répondre des suspicions portées contre Fouda. C’est très spontanément que j’ai envoyé un papier sur le sujet dans le forum de ACQ.

L’Autre Afrik : Une dénonciation civique ?

Henri Simplice Tchagang Nziemi :
Non, du tout. J’espérais qu’il réagisse lui-même. Evidemment en tant que juriste, je mets toujours en avant la présomption d’innocence. Je ne m’autoriserai à tirer une conclusion définitive qu’après avoir reçu des preuves de la supercherie.

L’autre Afrik : Y a-t-il encore un doute sur cette supercherie ?

Henri Simplice Tchagang Nziemi :
Même si ces photos ont été traficotées, j’aurais tendance a l’interpréter comme une rage de gagner le combat. Ce qui aurait donc entrainé l’un des principaux protagonistes de l’affaire Vanessa à utiliser des moyens douteux à seule fin d’exercer une pression plus forte sur le gouvernement camerounais. Enfin, mes propos dans le forum ont pu être mal interprétés : je n’ai jamais fait affaire avec Vincent Fouda. A moins que « faire affaire » signifie pour vous avoir participé quelques fois aux fêtes qu’il organisait chez lui a Québec.

L’autre Afrik : Comment pouvez-vous résumer la polémique dite « sur la photo de Vincent Fouda » ?

Henri Simplice Tchagang Nziemi :
Une polémique utile, légitime, mais qui ne change rien dans le fond. Photo truquée ou pas la finalité était que Vanessa retrouve son bébé. Et je crois qu’à l’heure actuelle il ne faut pas perdre de vue cet objectif principal. Avec ou sans Vincent Fouda, je crois que le combat continuera. Mais force est de reconnaître qu’il est celui qui a porté l’affaire Vanessa au-delà de nos frontières. Le truquage de la photo est un non –évènement…

L’autre Afrik : La communauté camerounaise du Canada a décidé de soutenir Vanessa Tchatchou. Une comptabilité et un mécanisme de suivi ont-ils été mis sur pied pour s’assurer que les fonds libérés arriveraient à destination ?

Henri Simplice Tchagang Nziemi :
Honnêtement, je ne sais pas de quels fonds vous parlez ! Il existe peut-être des fonds qui ont été collectés mais je ne suis au courant de rien. Personnellement, j’ai lancé l’idée sur le forum de faire une collecte pour Vanessa ,et je crois que j’ai été soutenu dans ma démarche par une ou deux personnes seulement. La présidente de ACQ s’est opposée à ce que la chose se discute sur le forum au motif qu’il s’agit de politique. J’ai critiqué cette position en expliquant qu’il n’y a rien de politique dans l’affaire Vanessa. Bref, à ma connaissance Vincent Fouda n’est pas un misérable. Une fois de plus s’il y a eu collecte d’argent, je ne suis pas au courant.

L’autre Afrik : Qu’est-ce qui explique la division de la Communauté sur le sujet ?

Henri Simplice Tchagang Nziemi :
A mon avis c’est la peur. La plupart des personnes, en privé, sont indignées par cette affaire mais estiment ne pas vouloir prendre des positions officielles car il y aurait des taupes parmi nos membres. J’estime cette peur non fondée car le gouvernement camerounais peut se venter de respecter les libertés publiques. Cette affaire n’est pas politique, c’est une question de justice.

L’autre Afrik : Quelle lecture fait-on ici des arrestations en série d’anciens hauts dirigeants de la République ?

Henri Simplice Tchagang Nziemi :
Personnellement, je crois qu’il s’agit d’une opération appréciable. La plupart des personnes arrêtées ne peuvent justifier leur immense fortune. Quelles que soient les positions qu’ils ont occupées dans la hiérarchie gouvernementale, ils ne peuvent prétendre être au dessus des lois. Meme si certains estiment que les arrestations sont ciblées, il n’en demeure pas moins vrai que en dehors de Yves Michel Fotso (et encore !), aucune personne arrêtée n’est capable de justifier sa fortune. Sur ce point je ne peux qu’encourager le président Paul Biya.

L’autre Afrik : Comment s’organise la Communauté camerounaise pour essayer de peser dans la vie politique nationale ?

Henri Simplice Tchagang Nziemi :
A ma connaissance les Camerounais du Canada ne font rien en ce sens. Les gens semblent être résignés à suivre passivement ce qui se passe au Cameroun, comme du reste les Camerounais restés au pays. Vous savez que l’inexistence d’une opposition au Cameroun et surtout d’un leader de l’opposition comme Fru Ndi l’était dans les années 90 font que les Camerounais ne s’impliquent plus. Aucune élection camerounaise n’a fait l’objet de débat ici. Les partis politiques camerounais n’ont même pas de représentation ici, ou alors si certains en ont, leurs activités sont inconnues : ils travaillent dans le noir.

L’autre Afrik : L’expert en immigration validerait-il un slogan ainsi rédigé : « Le Canada, la solution à tous vos problèmes » ?

Henri Simplice Tchagang Nziemi :
Je n’irais pas jusque-la car le Canada n’est pas la solution aux problèmes de tous. Pour décider de quitter son pays pour le Canada je crois qu’il faut bien se renseigner et avoir des objectifs précis. Il est évident que le Canada est un paradis pour les personnes qui sont au chômage dans leur pays d’origine ou alors pour des personnes n’ayant pas des emplois très bien payés. Vous avez la quasi certitude d’avoir un emploi même sil n’est pas directement lié à votre domaine d’étude. Si vous n’avez pas d’emploi, le gouvernement s’occupe de vous en vous versant des allocations, l’école est gratuite jusqu’au secondaire, le gouvernement vous assiste financièrement pour vos études universitaires. En un mot le système social est idéal, deux fois mieux que celui des Etats-Unis. Mais au delà de l’aspect matériel, il ne faut pas oublier que plusieurs personnes n’ont pas la capacité de s’adapter au style de vie et au froid.

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