Tamikrest, un vent de liberté touarègue


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Adagh

Avec son premier album, Tamikrest rend hommage à l’Adagh des Ifoghas, l’une des plus belles régions du Sahara. Dans Adagh (Glitterhouse/Ant Distribution, 2010), le groupe touarègue du Mali chante sa révolte face à la perte d’identité culturelle, l’exploitation éhontée des terres de leur peuple par les compagnies minières nationales et internationales, et les conditions de vie déplorables des populations touarègues.

Les Touaregs, dispersés sur l’immense territoire saharien qui s’étend aujourd’hui sur une dizaine de pays, dont l’Algérie, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, ou la Libye, vivent à peu près ce qu’ont vécu les Indiens d’Amérique à l’arrivée des Européens, qui voulurent exploiter leurs terres pour y planter du blé ou y chercher de l’or. En effet, tout comme ces derniers, les Touaregs sont un peuple nomade, qui ne connaissent pas la propriété de la terre, car ils la considèrent comme la leur, collectivement. Or, la découverte au XX° siècle au Sahara de gisements de pétrole et de gaz (comme en Algérie), ou d’uranium (au Mali et au Niger), et autres ressources minières et sous-terraines, rend ces immenses terres désertiques soudain très convoitables…

La compétition pour les ressources économiques du sous-sol: voilà qui explique sans doute pour une bonne part, depuis quelques décennies, la rébellion touareg, peuple nomade qui se considérait, depuis la nuit des temps, comme le “maître” de ces immensités désertiques, qu’il était seul à pouvoir maîtriser et traverser de part en part. Mais “on ne vend pas et on n’achète pas nos terres”, crient les Touaregs, comme le chante dans “Alhorya” (La liberté), Ousmane Ag Mossa, leader de ce nouveau groupe né à Kidal, dans le nord-est du Mali.

En outre, les sécheresses des années 70 puis 80, en détruisant une bonne partie des troupeaux, base de l’économie touareg, ont détruit aussi le mode de vie ancestral de ce peuple nomade, en l’obligeant à se sédentariser. Sentiment de la perte d’une identité culturelle, sentiment de la perte de la maîtrise de terres dont des compagnies, nationales ou étrangères, veulent désormais exploiter le sous-sol, rivalités politiques entre les divers pays qui abritent ces populations nomades et qui ont pu avoir intérêt à fomenter des révoltes dans un pays voisin – Algérie, Maroc, Libye, Mali, Niger, etc… : tous ces facteurs combinés expliquent le malaise touareg, et leur révolte, pour la première fois mise en musique par le groupe Tinariwen, né dans les années 80 dans des camps de réfugiés en Libye.

« Exprimer la douleur ressentie »

“Les Tinariwen ont créé le chemin et c’est à nous maintenant de le descendre et de créer le futur”, explique Ousmane Ag Mossa. “Bien avant de jouer de la guitare et de commencer à enregistrer, j’avais comme ambition de devenir un homme de loi ou plutôt un “avocat” comme vous dites. Je voulais être capable d’exprimer la douleur ressentie dans mon coeur, de m’exprimer à haute voix, même devant les Nations Unies. Parce que nous sommes des gens du peuple, d’un peuple sans journalistes, ni avocats. Mais c’est plus tard que j’ai réalisé qu’un musicien pouvait jouer ce rôle”.

Les nouvelles musiques touaregs séduisent énormément le public anglo-saxon (Tamikrest fait une tournée en Grande-Bretagne au printemps), sans doute par le rôle prédominant qu’y jouent les guitares électriques, emblème des musiques anglo-saxonnes depuis un demi-siècle. C’est d’ailleurs en rencontrant, lors du Festival du désert à Tombouctou en 2007, le groupe Dirtmusic, composé de musiciens américains et australien, que Tamikrest (qui signifie le lien, la jonction) s’est vu inviter à participer à l’enregistrement de l’album de ce groupe anglo-saxon, qui devait se dérouler à Bamako, et a pu ensuite enregistrer, dans la même ville, l’album que voici. Des chansons engagées donc, mais ici il s’agit moins de crier sa révolte que de dénoncer, en paroles (traduites dans le livret) les conditions de vie concrètes des populations touraegs, pour alerter le monde. C’est-à-dire nous.

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