L’armée française pourra toujours compter sur Abidjan, et inversement


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L'armée française
Des éléments de l'armée française

Malgré les camouflets essuyés par la France en Afrique de l’Ouest, ces dernières années (retrait du Mali en 2021, du Burkina Faso en 2022), Paris peut toujours compter sur la Côte d’Ivoire, son allié le plus précieux de la région. Les deux pays n’ont cessé de resserrer leurs liens, ces dernières années, sur le plan de la coopération militaire notamment. Objectif affiché pour Abidjan : disposer d’une véritable puissance militaire, pleinement autonome.

Collaboration décennale

Indépendante dès 1960, la Côte d’Ivoire n’a pour autant jamais rompu ses liens avec la France. Les deux pays sont restés en étroite collaboration pendant des décennies, jusqu’à ce que la guerre civile de 2002 marque le retour de Paris dans le pays, pour contribuer à y rétablir la paix dans le cadre de l’opération Licorne (2002-2015). Dans le prolongement de cette mission, les forces ivoiriennes et françaises ont entamé une étroite collaboration militaire à partir de 2012, et la signature du traité instituant le Partenariat de Défense. Au terme de l’opération Licorne, quelque 900 soldats constituant les Forces Françaises de Côte d’Ivoire (FFCI) sont restés stationnés dans le pays, pour assurer cette collaboration reposant sur deux piliers : la formation de militaires et la fourniture de matériels.

Concernant le volet formation, celui-ci est de première importance pour les Forces Armées de Côte d’Ivoire (FACI), tant sur le plan opérationnel que structurel. Du point de vue opérationnel tout d’abord, les militaires français ont transmis leurs savoir-faire aux soldats ivoiriens des trois corps d’armée ; air, terre et mer ; ainsi qu’à des gendarmes chargés, eux, du maintien de l’ordre. En 2022, pas moins de 3 500 hommes ont été formés, au cours de 106 entrainements dans des domaines tels que la conduite d’opération, le sauvetage au combat, le renseignement et la lutte contre les engins explosifs.

D’un point de vue plus structurel, la France a formé un grand nombre d’instructeurs, pour conférer à terme plus d’autonomie à la Côte d’Ivoire, ainsi que des officiers. En 2022 toujours, « 243 militaires ivoiriens ont été admis dans des écoles nationales à vocation régionale d’inspiration française, ou en France pour une quarantaine d’entre eux », précise le colonel Patrick Vaglio, attaché de Défense auprès l’ambassade de France à Abidjan.

A propos du matériel militaire, et bien que quelques contrats aient été conclus (le principal d’entre eux concerne le patrouilleur hauturier OPV45, livré à la Côte d’Ivoire par l’entreprise française KERSHIP en mars dernier), celui-ci est le plus souvent donné par la France à la Côte d’Ivoire. Le dernier don en date, qui remonte à février dernier, était constitué de 33 véhicules, 27 jumelles de vision nocturne et 22 radios de transmission, pour une valeur de 1,5 milliard de francs CFA.

Encourager l’autonomie ivoirienne

Cette étroite collaboration fait de la Côte d’Ivoire le plus stable allié de Paris en matière de lutte antiterroriste dans la région, mais son rôle est encore amené à évoluer. Lors d’une visite à Abidjan, en février dernier, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, avait félicité les « efforts remarquables accomplis dans la montée en puissance de l’appareil de sécurité en Côte d’Ivoire ». « L’armée n’a rien à voir aujourd’hui avec celle d’il y a 10 ans. Cela fait de la Côte d’Ivoire un pays de stabilité, dont le rôle de puissance d’équilibre régionale s’établit de plus en plus », avait-il ajouté. La France compte donc réarticuler le partenariat de défense sur deux axes diamétralement opposés : en réduisant sa présence en CI, tout en ciblant mieux ses besoins, et en lui conférant un rôle plus capacitaire, grâce à la signature de nouveaux contrats d’armement.

La Côte d’Ivoire n’a en effet plus besoin qu’un contingent si important de soldats français sur son territoire. Même les instructeurs, qui forment les soldats ivoiriens sur place, n’ont pas vocation à rester. Des instructeurs ivoiriens doivent prendre le relai, au sein d’infrastructures adaptées. La dernière étape du volet formation du pacte de défense franco-ivoirien consiste donc à doter Abidjan des entités nécessaires à la formation des soldats. Et puisque la lutte antiterroriste est l’enjeu majeur du pays, il est normal que le premier projet à avoir vu le jour soit celui de l’Académie Internationale de Lutte Contre le Terrorisme (AILCT), inaugurée en 2021.

Paris a ainsi aidé Abidjan à monter à Jacqueville une académie à caractère international pour former à la lutte contre le terrorisme. « L’AILCT sera l’avant-garde de la riposte d’une Afrique de l’Ouest libre et consciente, spécialement entraînée et irrémédiablement déterminée » à lutter contre les djihadistes, s’était félicité le Premier ministre ivoirien, Patrick Achi, lors de l’inauguration, aux côtés du ministre français des Affaires étrangères de l’époque, Jean-Yves Le Drian.

Mais au-delà de la formation des soldats, les capacités de l’armée ivoirienne dépendent aussi du matériel que ces derniers ont à disposition. Si elle veut devenir une puissance militaire pleine et entière, la Côte d’Ivoire doit se doter de matériel performant, et ne plus se contenter des dons octroyés par tel ou tel pays. Et là encore, la France, en tant que partenaire historique de confiance jouissant, par ailleurs, d’une industrie de défense puissante, a un rôle à jouer.

D’autant que l’armée ivoirienne a pu se familiariser avec ce matériel auprès des forces françaises ces dernières années. « J’ai demandé à notre industrie de défense et notre délégation générale pour l’armement de faire un tour de table. Et peut-être de dépêcher dans les semaines qui viennent un panel d’entrepreneurs français, sous conduite de la délégation générale pour l’armement, pour faire des propositions à l’État de Côte d’Ivoire pour permettre d’avoir cet agenda matériel », avait, à ce titre, déclaré le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, lors de sa visite, en février 2023.

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