Appel à manifester en Egypte : le général al-Sissi « va trop loin »


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L’appel à manifester du général Abdel Fattah al-Sissi marque le pas d’un homme qui chaque jour s’immisce un peu plus dans l’arène politique. Soutenu par certains, rejeté par d’autres, la question est : qui dirige l’Egypte ?

Son allocution de ce mercredi, qui appelle toute l’Egypte à descendre dans la rue vendredi pour manifester contre le « terrorisme », a été entendue et soutenue par le Front du salut national qui réunit tous les partis dits « laïcs » égyptiens. Le général Abdel Fatah al-Sissi s’est exprimé suite aux violences meurtrières de ce début de semaine entre pro et anti-Morsi qui ont fait 13 morts en 24 heures. Le mouvement Tamarrod, officiellement à l’origine de la pétition qui réclamait l’anticipation d’une nouvelle élection présidentielle, a également annoncé son soutien à l’armée. Le mouvement a appelé, dans un communiqué, tous les Egyptiens à « descendre sur les places pour soutenir les forces armées dans leur guerre contre le terrorisme », a déclaré Yasmine al-Gouyouchi, porte-parole de Tamarrod. Certaines chaînes de télévision privées ont quant à elles décidé de remplacer la diffusion de feuilletons par une couverture des manifestations.

Al-Sissi est le numéro 1 du régime

Cependant, certains voient d’un mauvais œil cette initiative. C’est le cas, entre autres, de la bloggeuse et activiste Shahinaz Abdel Salam, qui écrit sur sa page Facebook, son refus à ce « que le chef de l’armée appelle à la mobilisation. Ce n’est pas son rôle et il n’a pas le droit », poursuit-elle.

Le chercheur et écrivain natif du Caire, Masri Feki, est du même avis. Le général al-Sissi « va trop loin » et brave tous les principes de démocratie. « S’il s’agit de mettre en œuvre une politique musclée et peu respectueuse du droit, alors ce n’est pas acceptable, fustige-t-il. Cet appel démontre qu’al-Sissi est le numéro 1 du régime, car c’était au Président ou au Premier ministre par intérim de prendre ou non cette décision. » Pour Masri Feki, il ne fait pas l’ombre d’un doute : « l’armée gouverne l’Egypte ».

Inefficacité de l’armée contre le terrorisme ?

Depuis la destitution du Président Mohamed Morsi, le Sinaï est en proie à un regain de violence. De nombreux policiers et militaires y ont perdu la vie, lors d’affrontements avec des islamistes armés. Ce qui a poussé Israël qui craint pour sa sécurité à éclipser un temps, le traité de paix avec l’Egypte, conclu en 1979 qui prévoit une limitation de la présence militaire égyptienne dans le Sinaï. En effet, l’Etat hébreu a autorisé l’armée d’Egypte à déployer davantage d’hommes pour combattre les terroristes repliés dans le Sinaï.

« L’armée égyptienne est débordée, elle a beaucoup de mal à maîtriser le terrain », affirme l’écrivain égyptien. Selon lui, cet appel est une « véritable erreur », qui montre aussi que « l’armée ne parvient pas à combattre seule le terrorisme ». Masri Feki pense que la confrontation aura surtout lieu dans le Sinaï. « Tôt ou tard, l’armée égyptienne affrontera le régime du Hamas à Gaza qui reste un obstacle à toute avancée du processus de paix au Proche-Orient, estime-t-il. L’armée sera alors tentée de combattre le Hamas, ce qui serait bien perçue par Israël et les Etats-Unis. »

Régime parlementaire, la clé d’une sortie de crise ?

Pour l’heure, la solution pour sortir de cette crise serait, d’après cet analyste, de « commencer à rédiger une nouvelle Constitution » et mettre en place un « régime parlementaire dans lequel, le Président aurait un rôle honorifique et le Premier ministre gouvernerait avec ses ministres ». « Cela conviendrait beaucoup plus à l’Egypte qui est très divisée », poursuit Masri Feki qui pense que la mobilisation ne sera pas aussi importante que l’appel du 30 juin.

Le général al-Sissi poursuit son ascension militaire et politique depuis l’importante mobilisation du 30 juin. Loin du scénario algérien de la « décennie noire », des similarités se profilent néanmoins à l’horizon, à l’image du combat contre le terrorisme et de la gouvernance militaire. Reste à savoir jusqu’à quand les initiatives de l’armée seront-elles soutenues par le peuple.

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Fouâd Harit est un journaliste expérimenté qui a travaillé de nombreuses années chez Afrik.com. Son travail journalistique, marqué par une approche critique des relations internationales et des dynamiques politiques africaines, reflète son engagement dans la défense de la liberté d'expression et la lutte contre toutes les formes de discrimination.
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