Amina Lawal : enjeux d’une lapidation


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Amina Lawal
Amina Lawal

L’audience en appel de la condamnation à mort par lapidation de la jeune nigériane Amina Lawal a été repoussée au 23 mars prochain. Si la décision de justice n’est pas cassée au niveau de l’Etat de Katsina, le dossier devrait se retrouver devant la cour fédérale. Un scénario favorable à l’établissement d’une jurisprudence où la sentence de la loi islamique devrait être jugée anticonstitutionnelle.

La cour d’appel de la Sharia (loi islamique) de l’Etat de Katsina au Nigeria a décidé de repousser au 25 mars prochain l’audience d’Amina Lawal, condamnée le 22 mars 2002 à la lapidation à mort pour avoir eu un enfant hors mariage. En cas de confirmation de la sentence, le dossier Amina sera présenté devant la cour fédérale. La plus haute instance judiciaire du pays serait amenée à établir une jurisprudence et statuer sur le caractère anticonstitutionnel du verdict.

L’histoire. Amina est divorcée et vit avec ses trois enfants chez Yahaya Muhammad qui promet de l’épouser. Elle tombe enceinte après 11 mois de vie commune. Heureux événement ? Pas dans l’Etat de Katsina où la loi islamique est en vigueur. La conception hors mariage est considérée comme un crime. Un seul châtiment : la mort par lapidation. Yahaya, qui jure sur le coran ne pas être le père de l’enfant, est acquitté. Amina n’aura pas cette chance.

L’Etat et la république

12 des 36 Etats de la République fédérale du Nigeria appliquent la Sharia. Les nouveaux codes de loi édictés sont censés cohabiter en bonne harmonie avec la Constitution du pays. Or les condamnations à mort, les amputations ou les flagellations prononcées en vertu de la loi religieuse entrent en contraction avec le droit nigérian. Le pays étant, par ailleurs, signataire de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Le fédéralisme nigérian octroie une large autonomie aux Etats. Le procès d’Amina est d’abord l’affaire de l’Etat de Katsina. Après son jugement en mars de l’année dernière, Amina se pourvoit devant la cour d’appel de Funtua. Mais le verdict reste le même. Elle remet ensuite son sort entre les mains de la cour d’appel de l’Etat qui vient de repousser l’audience au 23 mars.

Une chance pour les défenseurs des droits de l’homme

Si la jeune nigériane est une nouvelle fois déboutée, la prochaine et ultime étape sera fédérale. Et Amina pourrait se retrouver devant la plus haute autorité judiciaire du pays. Mettant ainsi le Nigeria en face de ses responsabilités. Montrés du doigt par la communauté internationale, les dirigeants de la nation n’ont jusque-là pas montré d’empressement particulier pour régler les contradictions nationales du droit. Le cas très médiatisé de Safiya n’avait pas permis la confrontation directe entre le droit fédéral et la sharia. La jeune femme avait été acquittée par la cour d’Etat pour non rétroactivité de la loi islamique, instaurée après qu’elle soit tombée enceinte.

Dans l’actuel contexte électoral, il y a de fortes chances que personne au niveau de l’Etat, pas même le gouverneur, ne se risque à casser la décision de justice de peur de s’attirer les foudres des islamistes. En cas d’invalidation de l’appel, le dossier sera présenté devant la cour fédérale. Ses décisions seraient alors lourdes de conséquences car le procès ferait jurisprudence. Une jurisprudence qui pourrait devenir un argument de poids pour les défenseurs des droits de l’Homme si la condamnation est jugée contraire à la Constitution. Amina, pauvre jouet d’un jeu qui la dépasse, n’a pas fini d’être sous les feux de l’actualité. A nous simplement de prier pour que sa triste histoire connaissent une fin heureuse.

De nombreuses organisations internationales, à l’image d’Amnesty International, de Baobab et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) se sont mobilisées pour demander la libération d’Amina et le respect du droit international. Des pétitions sont en ligne pour que chacun participe à l’action.

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