Alice Dekessa : « Y’a pas photo »


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Alice Dekessa
Alice Dekessa

Alice Dekessa livre avec Y’a pas photo, un troisième album plein d’énergie, d’humour et de douceur. Sur les tempos les plus chauds de la Côte d’Ivoire, elle chante le couple, l’amour et la vie. Elle a accordé une interview à Afrik.com.

Alicedekessa.jpgOriginaire d’Agboville, à l’ouest de la Côte d’Ivoire, Alice Dekessa est d’ethnie Wobé, un peuple réputé pour la qualité de ses chants polyphoniques. Vivant en France depuis l’âge de 17 ans, elle a fait de la musique un jardin secret dans lequel elle cultive ses réflexions, ses émotions et son amour du rythme. Un jardin qu’elle ouvre épisodiquement aux oreilles impatientes de ses fans. Après Dekessa rythme sorti en 1991 et Mapouka contrôlé en 2001, elle revient cette année avec Y’a pas photo. Un album qui fait la part belle aux relations homme-femme.

Afrik.com : Le premier titre de votre album, qui est également le premier que vous avez décidé de promouvoir, s’appelle Marabout. Vous vous adressez à une rivale virtuelle en lui disant que vous pouvez garder un homme sans utiliser de gri-gri. Pourquoi ?

Alice Dekessa : C’est juste pour s’amuser un peu. Cette chanson choque certaines femmes, mais il faut changer un peu. Et pour changer, je veux mettre les hommes à l’honneur. En général, ce sont eux qui sont critiqués. Mais dans Marabout, j’ai décidé de parler de deux femmes qui se battent pour un homme. Souvent, quand une femme a une bonne situation professionnelle, elle ne peut concevoir que sa vie familiale puisse chuter. Ces femmes-là, quand elles ont un petit souci avec leur mari, soit c’est le divorce, soit c’est le marabout. Moi, je dis non ! Autrefois, ça ne se passait pas comme ça. Il faut toujours séduire son homme, s’occuper de son homme. Je suis d’accord pour l’émancipation, mais il ne faut pas oublier la place traditionnelle de la femme. Nous, femmes, avons notre univers, notre monde, il ne faut pas obligatoirement chercher à prendre la place de l’homme.

Afrik.com : Et quel est, de votre point de vue, l’univers de l’homme ? Comment vit-il l’amour ?

Alice Dekessa : Pour l’homme, l’amour est en deux temps. Il a la femme à la maison, il est stable. Mais quand il a envie de vivre, il va voir ailleurs avec une autre femme. Pour moi, un homme, c’est comme un enfant. Il aime toujours une femme qui s’occupe de lui. Et puis, quand une femme dit non, c’est non. Mais quand un homme dit non, c’est pas non, la femme peut l’avoir.

Afrik.com : L’un des titres forts de votre album s’appelle « Bonjalele ». Qu’est-ce que ça veut dire ?

Alice Dekessa : Ca signifie « si j’avais su », en langue guéré. C’est un morceau dédié aux enfants. Il raconte l’histoire d’un enfant qui, dans sa propre famille, était battu. Pour son père, il était le bon à rien. Mais aujourd’hui, c’est lui qui soutient la famille, et les enfants gâtés ont mal tourné. Alors, le père se dit « si j’avais su » et regrette d’avoir mal agi. Je tenais à faire une chanson sur ce sujet parce que les enfants sont l’avenir du monde, et pour donner de l’espoir à ceux qui ont été maltraités. C’est également une chanson avec laquelle j’interpelle toutes les personnes qui risquent de faire des erreurs dans la vie. Il faut toujours réfléchir à ses actes.

Afrik.com : Qu’est-ce qui distingue principalement Y’a pas photo de vos autres albums ?

Alice Dekessa : Avant, je me faisais aider par des auteurs-compositeurs. Mais sur celui-ci, les mélodies et les paroles sont de moi, et y’a pas photo ! De plus, j’ai eu l’opportunité de travailler avec de grands noms comme Joss Inno, David Thaireau, et de jeunes DJ. Je ne veux pas être prétentieuse, mais je ne me suis jamais lassée de l’album. Il est chanté en patois, il est très romantique, très sentimental : il me correspond. Je vois la vie en rose, alors maintenant il y a beaucoup plus de sentiments dans mes textes.

Afrik.com : Comment êtes-vous venue à la musique ?

Alice Dekessa : Je suis issue d’une famille musulmane. Pourtant, je suis catholique et baptisée. J’ai choisi cette foi. Ma grand-mère était comédienne, chanteuse, et j’aimais beaucoup Aïcha Koné. Lorsque j’étais petite, je voulais leur ressembler. A l’école des sœurs, je chantais dans la chorale et dans l’orchestre. A 17 ans, je suis parti vivre en France où j’ai expliqué à mon oncle que je voulais chanter. Alors, ma tante m’a emmenée voir un arrangeur : Sammy Massamba. Ensemble, on a monté un groupe, les 5 Vénus, qui tournait en région parisienne. Par la suite, j’ai connu plusieurs arrangeurs et producteurs dont Alain Guerry, un guadeloupéen avec qui j’ai fait mon premier album, en 1991. Mon deuxième album, c’était en 2001, avec Jean-Pierre Sarr.

Afrik.com : Pourquoi de tels intervalles entre vos albums ?

Alice Dekessa : Je voulais trouver l’inspiration. Il me faut du temps. Pour composer, il me faut être inspirée par la vie. Je ne fais pas une carrière de star, je fais ce que j’ai envie. Je n’ai pas de contraintes commerciales.

Afrik.com : Qu’est-ce que vos fans et futurs admirateurs doivent retenir de votre album ?

Alice Dekessa : Le message ! Je veux que les femmes se réveillent et que les hommes nous respectent. Mais pour ça, il faut que les femmes trouvent leur place. Je suis pour l’égalité de la femme et de l’homme sur le plan professionnel, mais il ne faut pas que la vie sociale pourrisse la vie sentimentale. Il ne faut pas que nous perdions les valeurs qui font la force et l’équilibre. Il faut qu’il y ait moins de célibataires, moins de divorces, que les hommes et les femmes aient envie de vivre bien ensemble

Alice Dekessa, Y’a pas photo, JZ Production, 2007

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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