Algérie : la santé malade


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Drapeau de l'Algérie
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La presse au secours de la santé. Les patients n’ont, comme dernier recours, que les petites annonces pour se procurer des médicaments trop chers ou introuvables. L’Etat brille par son absence. Les soins sont tributaires de la charité.

Nadia ne décolère pas. Médecin-chef dans un hôpital public, elle a suivi le déclin du système sanitaire avec impuissance. « Aux urgences, les malades traités en premier lieu sont ceux qui arrivent avec du fil chirurgical et des produits radiologiques. » Il y a des urgences qui ne le sont pas… par manque de médicaments.

Politique de l’absurde

Les pénuries sont épisodiques, les maladies aussi. « Pendant un mois les épileptiques ont rechuté car le produit de base, le Gardénal, était absent des pharmacies. Les enfants atteints de cette maladie ont dû être hospitalisés dans l’aile des urgences pendant tout ce temps. » Ce mois-ci, c’est autour des diabétiques : l’insuline est introuvable. « Les diabétiques squattent les urgences car ils arrivent dans le coma. Notre stock d’insuline est épuisé depuis longtemps. Nous ne pouvons rien pour eux », confirme Mahmoud, spécialiste aux urgences dans un hôpital algérois.

A cela, s’ajoute la prise (ou plutôt, la non-prise) en charge des jeunes diabétiques par la sécurité sociale. « La sécurité sociale se privatise. Les politiques ne parlent que de rentabilité. Pour qu’un jeune diabétique soit pris en charge à 100%, il faut qu’il ait 5 ans ‘d’ancienneté’. La moindre ordonnance médicale revient à 2 000 dinars, soit 20% d’un salaire moyen », s’indigne Mehdi, syndicaliste à la sécurité sociale.

« Cherche Gardénal désespérément »

Résultat : les colonnes de ma presse quotidienne s’emplissent d’appels au secours. Dans certains journaux, les annonces occupent une double page : « Au nom de Dieu, je lance un appel à mes frères : je suis handicapé moteur, immobilisé depuis 5 ans et je cherche un fauteuil roulant. », « Mon fils de 12 ans est diabétique. S’il vous plait envoyez-moi de l’insuline. Dieu vous le rendra ».

Les malades mettent leurs derniers espoirs dans ces annonces.

Pourtant, les retombées ne sont pas conséquentes. « Les gens gardent leurs médicaments au cas où. L’avenir fait peur. Il n’y a que les islamistes qui arrivent à créer un réseau de solidarité avec leurs associations caritatives », explique Nadia, en grève depuis hier.

En Algérie, la santé dépend de la charité et non de la solidarité et de la justice. « Nous distribuons des médicaments à tout le monde. L’appartenance politique des malades nous importe peu », confie Kamel, bénévole à l’association islamiste El-Amel qui quadrille deux quartiers populaires algérois.

« Dans ce pays, il faut être riche, étranger ou émigré pour prétendre à des soins de qualité », remarque Mehdi. En effet, les personnes aisées délaissent l’hôpital pour les cliniques privées. Une journée dans une clinique revient à 4 000 dinars (400 FF), soins non compris, soit 50% d’un salaire moyen. Une opération de la vésicule coûte 60 000 dinars, l’équivalent à près d’une année de salaire.

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