Algérie : place au cinéma documentaire


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Les Rencontres du Film Documentaire de Bejaïa, en Kabylie, s’ouvrent du 13 au 15 octobre. L’occasion d’échanger et de débattre autour des films réalisés par les stagiaires de l’atelier de création initié par la documentaliste algérienne Habiba Djahnine, fondatrice de l’association «Cinéma et Mémoire». Entretien.

Permettre aux passionnés du cinéma documentaire de construire un regard sur le monde : tel est l’objectif des Rencontres du Film Documentaire de Bejaïa (Kabylie), dont la quatrième édition se tient du 13 au 15 octobre. La manifestation est précédée par un atelier de création animé par des professionnels du domaine, à laquelle prennent part des stagiaires algériens et marocains. Documentariste vidéo, formée à Paris III (Sorbonne Nouvelle), Habiba Djahnine est fondatrice de «Cinéma et Mémoire», l’association instigatrice des rencontres de Bejaia. Elle évoque, pour Afrik.com, cette « aventure culturelle complexe ».

Afrik.com : Est-il difficile de faire des documentaires en Algérie ?

Habiba Djahnine :
En général, il est difficile de faire des films documentaires dans tous les pays qui sont dans la même situation que l’Algérie, des pays qui vivent les conséquences du colonialisme, qui ont des problèmes pour se construire. En Algérie, la formation est absente, il n’y a pas d’école de cinéma. Il y a d’autre part le monopole qu’exerce la télévision algérienne sur la fabrication des images. La construction de l’image est stratégique pour tous les pays du monde, c’est un outil d’analyse irremplaçable, surtout à l’ère des nouvelles technologies de l’information.

Afrik.com : En quoi consistent les activités de l’atelier de création que vous organisez ?

Habiba Djahnine :
Notre travail consiste de former 9 à 10 stagiaires chaque année. L’objectif n’est pas de leur apprendre à faire des reportages. Il s’agit de construire une réflexion sur leur rapport à leur environnement. Un projet qui porte leurs préoccupations. C’est un vrai travail de fond qui nécessite de mettre en place des outils de réflexion. Et puis, il faut surtout qu’ils fassent un film qui les intéresse eux. Je pars du principe que si le film les intéresse, il va nous intéresser aussi.

Afrik.com : Les Rencontres du cinéma documentaire de Bejaïa servent aussi de vitrine aux films de vos stagiaires…
_ Habiba Djahnine :
Les Rencontres du cinéma documentaire de Bejaïa proposent des films du patrimoine, mais aussi des films de gens venus de différentes régions avec qui les stagiaires ont l’opportunité de discuter. Les films réalisés par ces derniers sont présentés en clôture au public, et il y a des débats et des échanges.

Afrik.com : Comment faites-vous pour la diffusion de ces films ?

Habiba Djahnine :
Nous ne vendons pas nos films. C’est une démarche purement culturelle, une démarche d’apprentissage, expérimentale, très modeste. Nous avons, cela dit, beaucoup de chance parce qu’un certain nombre de nos films ont été sélectionnés dans des festivals internationaux – il y en même qui ont été primés. Notamment au festival de Clermont Ferrand, celui de la Charrière, au Maghreb des Films, à Bilbao en Espagne. Cela prouve que nos films ont de la valeur. Nous essayons aussi de faire en sorte que nos films soient vus en Algérie. Nous avons pour cela monté un réseau de ciné-clubs dans plusieurs villages.

Afrik.com : Si vous deviez citer un point commun entre tous les films que réalisent vos stagiaires, quel serait ce point commun ?

Habiba Djahnine :
Les films sont très différents. L’un des critères de recrutement du groupe, c’est la diversité: milieu social, sexe, régions, etc. Si je devais trouver un point commun entre toutes ces œuvres, je dirais que c’est la démarche, qui est une démarche d’apprentissage basée sur un travail d’écriture original.

Afrik.com : Comment se déroulent les débats durant les rencontres ?

Habiba Djahnine :
C’est très riche. D’abord, durant la formation les stagiaires participent activement à la réflexion. Ensuite les débats avec le public sont hyper-riches aussi. Nous sommes souvent obligés d’arrêter les séances pour qu’elles ne durent pas toute la nuit. Les gens ont besoin d’expression.

Afrik.com : Vous privilégiez l’échange Sud-Sud

Habiba Djahnine :
Tout à fait. Cette année, nous avons réalisé un partenariat avec la Fondation marocaine Orient-Occident, qui nous a permis d’accueillir 6 stagiaires Marocains. Quatre stagiaires de l’atelier de Bejaïa de la promotion 2009 bénéficieront à leur tour d’un stage sur les techniques de tournage à Rabat en novembre prochain. Au Festival International du Documentaire de Marseille, en juillet dernier, nous avons d’autre part fait des propositions pour des programmes de formation vers le Nord. Il ne faut pas qu’on reproduise les réflexes qui consistent à toujours faire venir au Sud des formateurs du Nord. Nous avons, nous aussi, des compétences et des choses à proposer. Il existe aussi beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne avec lesquels nous aimerions travailler, comme le Mali, le Sénégal, le Cameroun. Mais il faut du temps pour que tous ces ponts se construisent.

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