Algérie : Philippe Douste-Blazy répond au Président Bouteflika


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Le ministre français des Affaires Etrangères a expliqué dans une interview accordée à la radio RMC, que la colonisation en Algérie avait été « un moment d’horreur », mais qu’elle avait aussi apporté du bon. L’intervention du chef de la diplomatie, qui était en visite en Algérie les 9 et 10 avril, répond au Président Abdelaziz Bouteflika, qui avait qualifié, lundi, la colonisation de « génocide de [l’]identité » algérienne. Une situation qui hypothèque sérieusement le pacte d’amitié franco-algérien.

Après deux jours de silence, la France donne la réplique à l’Algérie. Le ministre français des Affaires Etrangères a répondu, lors d’une interview accordée à la radio RMC, au Président algérien Abdelaziz Bouteflika, qui avait fustigé lundi, lors d’un voyage à Constantine, la colonisation de l’Hexagone. « La colonisation a réalisé un génocide de notre identité, de notre histoire, de notre langue, de nos traditions […]. Nous ne savons plus si nous sommes des Amazighs (berbères), des Arabes, des Européens ou des Français », avait-il ainsi déclaré. Une allocution qui intervient après la visite de Philippe Douste-Blazy, les 9 et 10 avril en Algérie, une rencontre qualifiée d’« échec » dans la presse locale.

« Vous savez comme moi que, dans toutes les affaires de colonisation, il y a eu deux moments, a indiqué Philippe Douste-Blazy, interrogé par RMC sur la colonisation française en Algérie. Le moment de la conquête (…) est toujours un moment d’horreur. (…) Et puis il y a, une fois que vous êtes sur la terre, des femmes et des hommes qui travaillent. (…) Il y a des instituteurs français qui évidemment ont fait leur travail, il y a des architectes qui ont fait leur travail, il y a des médecins qui ont soigné, il y a des gens qui ont été au contact ».

La loi sur « le rôle positif de la colonisation » pas digérée

Lorsqu’on lui a demandé de réagir sur les propos d’Abdelaziz Bouteflika, le chef de la diplomatie française a estimé qu’il n’était pas une « bonne chose » de « polémiquer » ou d’« employer des mots comme ceux-là ». Mais il précise : « Je pense qu’il est important, pour l’Algérie comme pour la France, de regarder devant, de construire ensemble parce que, par l’histoire et par la géographie, nous sommes liés à l’Algérie ». Philippe Douste-Blazy a toutefois souligné qu’il souhaitait « un partenariat d’exception avec l’Algérie », selon lui l’« une des plus grandes puissances économiques du monde ». Et de conclure : « Simplement, nous devons examiner ensemble notre histoire commune afin d’en examiner les pages les plus douloureuses ».

Mais le fait que la France ait soumis le projet de loi sur le « rôle positif de la colonisation », adopté en février 2005 à l’assemblée nationale, puis abrogé le 16 février dernier face à la polémique, reste dans les mémoires. « La page n’est pas tournée puisque l’an dernier le parlement français a voté une loi dans laquelle on a voulu faire en sorte que le colonialisme soit vu à travers un rôle tout à fait positif et civilisateur. Cela nous montre que les opinions publiques ne sont pas encore prêtes pour tourner la page », a déclaré l’homologue algérien de Philippe Douste-Blazy, Mohamed Bedjaoui, pendant une visite, les 12 et 13 avril, aux Etats-Unis.

L’Algérie se rapproche des Etats-Unis

En août dernier, Abdelaziz Bouteflika déclarait sa colère contre ce texte, qu’il assimilait à « une cécité mentale confinant au négationnisme et au révisionnisme ». Les Français « n’ont pas d’autres choix que de reconnaître qu’ils ont torturé, tué, exterminé de 1830 à 1962 …], qu’ils ont voulu anéantir l’identité algérienne », nourrissant le sentiment que les Algériens ne se sentent « ni berbères, ni arabes, ni musulmans. Nous n’avions ni culture, ni langue, ni histoire », avait ajouté le chef de l’Etat. A plusieurs reprises, ce dernier a souhaité que la France se repente des « crimes » commis en terre algérienne, pendant la colonisation (1830-1962). Une référence notamment aux massacres qui ont fait des milliers de morts dans l’Est du pays le 8 mai 1945, dans les villes de [Sétif, Guelma et Kherrata.

La France et l’Algérie s’étaient engagés, en mars 2003, à « renforcer la coopération politique, économique, culturelle et scientifique » pour mettre en place « un partenariat d’exception » et annoncé leur intention, dans la même veine, de signer un traité d’amitié. Le texte devait être paraphé en décembre 2005, mais ce projet a pris un sérieux coup avec l’« affaire du rôle positif de la colonisation » et de l’octrois, jugé parcimonieux, de visas aux citoyens algériens. Si le pacte n’est pas conclu avec la France, l’Algérie pourrait se rapprocher avec les Etats-Unis, devenus le premier client du pays maghrébin.

Habibou Bangré
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Habibou Bangré est une journaliste burkinabè qui a démarré sa carrière chez afrik. Elle reconnue pour son expertise des questions sociales en Afrique de l'Ouest. Correspondante pour plusieurs médias internationaux où elle couvre régulièrement l'actualité du Burkina Faso et de la région sahélienne, elle s'est imposée comme une voix importante du journalisme africain contemporain.
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